Aller-retour rapide à Bamberg, une ville classée par l’Unesco du nord de la Bavière.
Nous nous rendons en famille à un rendez-vous à Bamberg. Je ne peux pas encore vous dire pourquoi, le censeur familial me muselle. Rassurez-vous je lui ai demandé de ne pas trop prolonger le suspens.
Nous en profitons pour visiter le centre-ville, classé au patrimoine mondial de l’Unesco.
Le brouillard a semble-t-il empêché les Alliés de bombarder le coin à la fin de la deuxième guerre mondiale. Tant mieux.
Le ciel est gris et bas, une couche fine de neige recouvre toutes les surfaces. De longues stalactites de glace s’accrochent aux gouttières. La vieille ville est construite sur les bords du canal entre le Main et le Danube (lui-même, le beau et bleu). J’ai lu rapidement les pages qui lui sont consacrées dans nos guides, le Routard et le Lonely Planet. C’est vite fait, comme tout est fermé, les rubriques musées, où manger ? et où boire un verre ? sont inutiles. Dans la voiture j’ai partagé à voix haute les points essentiels. Personne n’a interrompu son activité pour écouter, mais j’ai rempli ma mission éducative. Au moins l’intention.
Bamberg est présentée comme l’une des plus belles villes de Bavière. Je relève la tête perplexe : de Bavière ? ça monte si haut la Bavière ? Oui, apparemment. Dans la région administrative de Franconie, à l’ouest de Bayreuth, au nord de Nuremberg. Elle est construite sur sept collines (comme Rome) et dominée par la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Georges à quatre flèches. Les quartiers anciens longent les eaux du canal brodées de glace de leurs maisons à colombages de toutes les couleurs. Une (toute) petite Venise dit-on.
Même en temps normal ce serait la saison creuse. Mais là nous sommes dans une saison abyssale. Nous nous garons facilement devant un hôtel, au pied de la montée pour la cathédrale. Quel dommage de ne pouvoir passer la nuit dans un de ces établissements romantiques ! Vite nous cassons la croute, ou plutôt croquons notre salade de riz-maïs-thon dans la voiture, toutes fenêtres fermées. L’air est glacial. Le voilà le vrai climat continental allemand. La boulangerie d’en face nous tente. L’un d’entre nous ira chercher des Käsestangen (genre de feuilletés au fromage), des beignets (oui, c’est carnaval après tout) et du pain complet aux graines. Avant toute balade, trouver des toilettes.
Les rues piétonnes sont vides et maussades. Les vitrines fermées et les passants rares et masqués confèrent à notre balade un goût de dimanche soir. Mon fils qui, après Baccarach à Noël, en est à sa deuxième visite express de vieille ville allemande classée s’exclame : « Décidément ici aussi on se croirait dans un décor de théâtre ! » Les façades des maisons chuchotent des contes de fées. Les moulures rococos donnent le sourire. Whaou t’as vu ça ?
Il fait un froid polaire. Mon fils a décidé de ne plus s’arrêter et marche en longues enjambées pour garder le contact avec ses orteils. Sortir les doigts des gants et des poches pour prendre des photos relève de la gageure. Mais je suis très très motivée. C’est la première sortie depuis si longtemps.
Grâce à la description du guide, je reconnais l’ancienne mairie, sur un ilot, entre deux ponts de pierre. Un côté de façade aux fresques imposantes et colorées, un autre en colombages, la partie plus ancienne, révélée par la destruction du pont à la fin de la seconde guerre mondiale (les fresques peintes sont tombées). Entre les deux, le balcon de tous les discours, rococo comme je n’en avais jamais vu.
Un examen des peintures murales révèle des trompe l’œil. Au bord inférieur, la jambe sculptée d’un angelot peint ‘’sort du cadre’’, dans tout son volume potelé.
Sous le porche, une plaque rend hommage à un des fils de la ville le comte Stauffenberg, auteur de l’attentat raté contre Hitler de juillet 1944. ”Le comte Claus von Stauffenberg, officier, symbole de la résistance allemande pour son action du 20 juillet 1944”. Ce qu’elle ne mentionne pas est plus révélateur que ce qu’elle déclare.
Nous prenons quelques photos devant la statue de Sainte-Cunégonde, sur le pont au-dessus du canal, et devant la façade baroque bleu ciel de la demeure à l’angle. Chacune des fenêtres des trois étages est encadrée d’enjolivures blanches ciselées. Des bateaux Mouche à l’arrêt le long de quais déserts laissent deviner l’activité de la belle saison. Quel privilège d’avoir la ville pour nous seuls !
Une vitrine éteinte de librairie met en avant le recueil des contes de E.T.A. Hoffman, à l’origine de l’opéra fantastique d’Offenbach. Il a vécu quelques années à Bamberg.
Décidément, nous marchons de conte en comte, à pas comptés (oui, je sais, désolée).
Trop froid, vite, un petit tour vers la cathédrale tout en haut. La marche ne nous réchauffe pas. Pas le temps de s’attarder. J’ai cours de yoga à 18 heures en ligne, avec ma prof américaine et vraiment personne ne veut rester dehors. Un salon de thé aurait été merveilleux. Un petit Apfelstrudel, hein ?
Les toits enneigés s’entrechoquent au-dessus de colombages plusieurs fois centenaires et des façades baroques. Les branches noires des aulnes le long du canal frissonnent. La neige et la glace ajoutent leur touche de mystère. Nous avons sauté à pied joints dans une illustration de livre d’images d’antan. Comme Mary Poppins.
Retour dans la voiture. Pour sortir de la vieille ville, nous nous égarons un peu dans les rues piétonnes. Un vieux monsieur en manteau long et noir, coiffé d’un bonnet tout aussi sombre sur une tignasse grise ébouriffée serre contre lui un bouquet de livres. Il nous fait signe de sa main libre. De l’autre il s’approche de nous. Mon mari baisse la vitre.
-Vous allez-où ?
-En direction de Francfort.
-Au virage à droite puis à gauche, suivre….. remonter…
Il nous a tout dit, bien mieux que le GPS. Et vachement plus sympa. Merci monsieur. Décidément, comme à Baccarach, nous croisons dans les ruelles désertes de villes-musées des vieux monsieurs attentionnés.
Nous rejoignons l’autoroute pour quelques heures. Des tourbillons de flocons dansent dans les phares qui éclairent à peine un épais brouillard. Nous quitterons la tempête féérique peu avant Francfort. Les courbes des collines, les traits de râteau de vignobles, des chaumes blonds de maïs sur la neige composent des tableaux mobiles et apaisants. Je me demande si j’arriverai à m’en souvenir pour les dessiner.
Sur un CD, des épisodes de la série radiophonique Cabin pressure nous distraient.
Mon fils somnole en écoutant un podcast. De temps en temps, une des filles pose des questions sur les suites de notre rendez-vous.
Avant que le quotidien confiné ne nous rattrape, je rêve de retourner à Bamberg, d’entrer dans la cathédrale et les musées, les restaus et les cafés. Au printemps ce serait bien, pour faire un petit tour en bateau sur le canal, passer une écluse. Le guide mentionne aussi un marché aux fleurs. Ou en décembre puisque la ville est spécialisée dans les crèches et en expose partout.
Les trajets, la visite dans un air coupant, la tension émotionnelle depuis quelques jours nous a épuisés mon mari et moi. J’arrive à temps pour mon cours de yoga qui tombe à pic.
A suivre…
(Bientôt, promis)