Le compte à rebours vers le numéro 1 du calendrier de l’Avent s’accélère. Les bouquets de rameaux de sapin s’accumulent dans les magasins. Les marchés de Noël, les concerts et fêtes arrosées de Glühwein (vin chaud) s’étalent sur les panneaux d’affichage. L’Advent (avent) est une période à part en Allemagne, une parenthèse de lumière. Intense, gourmande, essentielle. Des couronnes de branchages décorées s’invitent dans les foyers, les bureaux, les écoles, sur les portes d’entrée. Celle de la classe de ma fille, grande comme une roue de charrette, portera les espoirs de Noël de tous les enfants. Partout, une main attentive retiendra sa respiration pour allumer chacune des quatre bougies de la couronne, à tour de rôle, pour les quatre dimanches de l’Avent (une pour le premier, deux pour le deuxième etc.). A la Noël, personnages de cire, elles auront chacune une taille différente.
L’an dernier, novices en terre germaine, nous avions attendu la toute fin novembre pour acheter une couronne. Surpris et déçus, nous avions constaté là encore que nos concitoyens anticipent beaucoup leurs achats et que les stocks ne sont pas renouvelés… Nous avions donc fabriqué notre couronne nous-même avec de la verdure glanée et avec grand plaisir. Pleins d’élan, nous en avions tressé deux, une pour la table et une pour la porte d’entrée. Cette année, on ne nous y reprendra pas, nous avons anticipé notre équipement. D’ailleurs les bougies, nous les avons depuis un an. Je viens d’acheter notre couronne au marché de Mainz, avec mon ‘amie simultanée’. Elle m’a expliqué comment y fixer les bougies : avec de petits socles en métal. Je me sens vraiment privilégiée et intégrée à la culture locale de déambuler ainsi dans les préparatifs festifs avec une Allemande.
Notre Noël familial est un peu comme notre mode d’expression : multiculturel. Mon mari et moi avons emprunté leurs traditions à nos Noëls d’enfance pour un mélange personnalisé issu d’habitudes anglaises et provençales. Nous chantons les Christmas carols et écoutons la Pastorale des santons de Provence. Le 4 décembre, nous mettons les lentilles à pousser sur un lit de coton dans une soucoupe. Nous avons perdu le compte des treize desserts aux côtés des marrons glacés de l’Ardèche, du Christmas pudding et de son acolyte fondant le brandy butter (beurre sucré et parfumé au cognac). Surtout depuis que nous y ajoutons le Lebkuchen (pain d’épices) et les Plätzchen (biscuits de Noël). Cette année nous allons découvrir les chants traditionnels du répertoire allemand : je viens d’acheter une nouvelle partition pour piano et flûte. Déjà avec ma fille nous connaissons Kling Glöckchen kling (sonne carillon sonne).
Nous sommes fin Novembre, et depuis quelques temps déjà nous sentons frémir les festivités. Voilà trois semaines, nous avons fait le Christmas cake. Gâteau dense aux fruits confits et aux épices, mûri pendant plusieurs semaines bien emballé sur un coin du plan de travail de notre petite cuisine. La quête aux raisins de Corinthe et au quatre-épices est un rituel familial. Comme de donner, l’un après l’autre, un tour de cuillère dans la pâte avant de la verser dans le moule. Pour porter bonheur sans doute. Ou d’y cacher deux pièces de one pound, fèves de Noël, là aussi de bon augure pour celui qui les trouve. Il est de bon ton de l’arroser régulièrement de cognac, mais nous sautons cette étape. Après l’avoir glacé et décoré d’une branche de houx, nous l’entamerons le 24 décembre avec une tasse de thé.
Bientôt, j’irai faire un peu de spéléologie secrète dans le cagibi pour trouver les décorations de Noël. Avec des chocolats, des toffees et du fudge (anglais) et les papillotes rapportées de Lyon, je fourrerai les petites poches de nos calendriers de l’avent : une guirlande de stockings (grandes chaussettes des Noëls anglo-saxons) pointure 3 et un lutin grandeur nature (il a un grelot au pied pour me prévenir quand ma plus jeune et plus gourmande se servait toute seule du haut de ses trois pommes). Ici mes copines remplissent leurs calendriers de l’Avent de petits cadeaux pour leur famille. Nous réservons les tous petits trésors pour le matin de Noël dans les stockings. Suspendus la veille à l’espoir de leurs propriétaires et à la poignée de la porte de leurs chambres, ils débordent à l’aube du 25 décembre de petits riens charmants (carnets, crayons, jouets, tubes de crème, pièces en chocolat, noix et oranges…).
En Allemagne, les petites friandises remplissent les chaussures des enfants le matin du 6 décembre. S’ils ont été sages. Et si lesdites chaussures ont été bien nettoyées et cirées avant d’être rangées la veille au soir devant la porte de la maison. Nous n’avons pas intégré la tradition chocolatée de la Saint-Nicolas. Notre mois de décembre riche de deux anniversaires et de Noël ne le digèrerait sans doute pas. Le 6 décembre reste donc pour nous celui qu’il a toujours été : l’anniversaire d’une amie d’enfance.
Sur les étagères encombrées de la remise, je dénicherai aussi notre crèche maison, en terre, pliée dans du papier de soie. Elle a été modelée par mon fils enfant. Marie, Joseph, trois rois mages, l’âne et le bœuf, un ou deux moutons et un berger en houppelande. Et bien sûr le petit Jésus, équipé d’un ballon de foot et d’un doudou.
Nous l’installerons au pied du sapin. Un neuf, un de notre nouveau coin. Nous avons emporté celui de Lyon, bien installé dans un pot. Il nous a déjà réjoui deux Noëls. Mais cet été son côté à l’ombre a roussi. Nous l’enguirlanderons donc sur place de lumière.
Et quand notre intérieur et notre jardin seront pomponnés, nous pourrons nous tourner vers les réjouissances extérieures. Les barbecues de Noël des classes de nos filles, dans la nuit du parc (prière d’apporter des vêtements chauds et des lampes de poche) et le marché de Noël de Mainz. Nous réchaufferons nos mains gelées autour d’un Glühwein ou d’une Bratwurst dégoulinante de moutarde, en regardant les angelots, les étoiles en papier et les Nussknacker (casse-noisettes-soldats décoratifs, qui écrasent les noix entre leurs dents). Les préparatifs vont déjà bon train. Les petites maisons en bois recrutent des mains souriantes.
Pour le repas de Noël, nous renoncerons sans doute cette année encore aux escargots, faute de matières premières (dans les magasins). Nous ne mangerons pas de raclette le 24 selon la tradition germaine. Nous ferons cuire la dinde, accompagnée de pigs in blankets (petites saucisses enroulées dans de la poitrine), de bread sauce (sauce blanche au pain, béchamel épaisse), de légumes racines et de choux de Bruxelles (que tout le monde prépare en Angleterre pour Noël, mais que personne n’aime – y’a qu’à les voir bradés dès le 26/12). Au dessert, nous flamberons de bleu le Christmas pudding, après avoir éteint la lumière. Un Christmas pudding de la marque MacLaren, en l’honneur du clan écossais d’origine de mon mari.
Et si nous avons été sages, nous trouverons dans nos souliers, devant la cheminée ou sous le sapin, des cadeaux par milliers.