Vous ne le saviez pas ? Moi non plus. Pourtant ça fait plusieurs fois qu’on me le dit. Quand je partage avec mes nouveaux amis allemands mes surprises et réflexions sur la culture locale et que nous abordons le sujet des loisirs aquatiques. En particulier, celui de la nudité en public à la piscine (dans les douches) ou au spa.
Notre première sortie à la piscine du quartier avait eu lieu lors de nos tous premiers jours en Allemagne (voir article : Help). Canicule, trempette dans l’eau tiédasse d’un bassin bondé, au milieu de corps rouges en surchauffe. Pelouses en apnée et platanes aux feuilles de papier blanchâtre qui crépitent. L’air étouffe.
Lorsque nous en avons eu assez de suffoquer dans cette bouillasse, nous nous sommes dirigées vers les vestiaires. Quelle ne fut pas notre surprise en ouvrant la porte des douches ! Des dames sans maillot occupaient toute la pièce. Des mètres carrés de corps (dés)habillés des seules traces de bronzage, se bousculaient pour se laver. Heu, finalement, nous avions décidé de renoncer à nous doucher sur place, pour préférer notre baignoire et son intimité. C’était notre premier contact avec l’approche au corps humain des Allemands : naturelle et libérée.
Ce premier choc était en grande partie dû au fait que nous n’étions pas prévenues. La découverte passée, la douche collective entre femmes en toute petite tenue (sans aucune tenue en fait) a quelque chose de très humain. Un rappel si besoin que le corps évolue avec l’âge, qu’il vieillit et s’affaisse. Mais qu’il peut encore nager et y prendre du plaisir. Oui tout le monde est pareil, et pourtant différent et unique. On a tous de la chance d’être ici à ce moment-là.
Je partageais l’autre jour avec des amis allemands mon regret de ne pas trouver de hammam à proximité de chez moi. A Lyon je prenais beaucoup de plaisir à mijoter, seule ou avec une amie, dans la vapeur orientale poivrée. Mon corps se détendait dans une bulle humide de pénombre calme. Ici je n’ai pas encore trouvé où aller. C’est un comble dans un pays où les immigrants turcs sont légion. Les Allemands sont férus de sauna – mais pas moi.
On me parle des thermes de Wiesbaden (en face de Mainz, de l’autre côté du Rhin, tout près donc). Je me renseigne. Un bâtiment rétro, piscines, hammams et saunas sur l’emplacement d’anciens thermes romains. Sur le papier, tout pour me plaire. Un p’tit tour sur l’écran : le site web présente le complexe comme sans complexes ou textilfrei (est-il besoin de traduire ? sans textile). Ah, ah. Soit. Cette nouvelle différence culturelle éveille ma curiosité. Ma motivation reste (presque) entière.
Précisons la chose avec des amis. Evitons l’incident diplomatico-aquatique. Il semblerait que le port du maillot de bain soit possible dans la piscine, mais pas ailleurs. Possible ? ça veut dire qu’on fait comme on veut ? Que selon son inspiration du jour on se retrouve tout nu au milieu de gens en textile ou inversement ? Il me semble que ça vaut son pesant de serviette éponge (blanche et moelleuse comme sur les photos du site web). Pour le plaisir de vous relater ici mes aventures, il me semble qu’il faudrait que je fasse violence à mes habitudes et que je teste.
Je fais tout de même part à mes amis de ma réticence spontanée à aller me balader en bord de bassin en tenue d’Eve. Et là j’entends : « Ah tu es comme les Américains ! Je pensais que les Français étaient libérés à la plage. » Oui moi aussi à vrai dire. En y réfléchissant, les Français des années 70 et 80 c’est sûr. Après ça l’est moins.
Donc oui dans un sens, je réagis comme les Américains dont la pruderie extrême m’a toujours semblée déraisonnable. (A tel point qu’adolescente, dans un moment de révolte personnelle secrète, je m’étais baignée nue dans une piscine privée aux Etats-Unis. Toute seule, hein !) Donc une réaction américaine, oui, mais un peu seulement. Je n’en suis pas à courir après mes filles pour enfiler un haut de maillot sur une poitrine d’enfant. (Elles le font toutes seules, mais parce que c’est la mode). C’est intéressant de se voir dans le miroir d’une autre culture.
Les Allemands, surtout ceux de l’Est, apprécient beaucoup le naturisme, la Frei Körper Kultur ou FKK (la culture libre du corps). Enfin la plupart. Car dans un moment d’égarement un été des années 80, j’avais proposé à une amie allemande de passage dans le coin de me retrouver dans un camping naturiste en Corse (une idée de lieu de vacances pour laquelle je n’avais pas eu mon mot à dire). Je ne l’ai jamais retrouvée. Elle était venue jusqu’à l’entrée, avait vu passer des hommes nus sur des vélos, et était repartie (comme elle me l’avait écrit plus tard). Précisons pour l’anecdote, que je n’ai pas tenu longtemps dans cet environnement sans textile 24/7. On ne sait jamais où (ne pas) regarder. Surtout quand on fait les courses à la supérette du camping (une pensée émue pour la caissière…) Donc, Américaine, oui mais juste sur les bords (de la mer).
Lundi je vais aller nager.
Chiche, je me douche comme les autres, sans maillot et en frottant bien pendant de longues minutes dans tous les coins !? Comme à la maison quoi. Ou presque car il y a un panneau qui interdit : de se couper les ongles et les cheveux, de se raser et de se teindre les cheveux. Que font les gens pour que ce soit nécessaire de le préciser ?
Je crois que je vais emporter un peignoir (comme beaucoup de dames ici). Il ne manquera plus qu’un magazine et un thé vert.
Ce sera pour la prochaine baignade, au spa, si je me décide à y aller.
* “Das ist soooo deutsch” : “C’est tellement allemand”. Extrait de la campagne du gouvernement fédéral sur les 30 ans de la réunification du pays. Source : Bundesministerium des Innern für Bau und Heimat, Ministère fédéral de l’Intérieur, du Bâtiment et de la Communauté.