Francfort héberge un musée de l’humour : das Caricatura Museum, Museum für komische Kunst (le ‘’musée de l’art comique’’).
Au printemps dernier, j’ai réalisé une visite guidée de Francfort. La ville porte les stigmates de la guerre, mais le vieux quartier a été reconstruit. Les commentaires du guide américain rendait cette promenade dans le vent froid d’avril très instructive.
Arrêté pour la présentation d’une rue, le guide tend le bras vers un bâtiment et annonce au groupe : ‘’Voici le musée de l’humour’’. J’ai cru que c’était une blague justement, le musée de l’humour en Allemagne. Ou alors, il a été créé pour garder précieusement tout ce qui provoque le rire, de peur que ça soit écrasé sous les pneus (Michelin) des BMW ou les pilons des machines-outils. Je ne connais qu’un seul humoriste allemand, Henning Wehn, l’auto-proclamé ‘’ambassadeur de la comédie allemande’’, et il vit et travaille en Angleterre, à Londres.
Inconditionnelle de l’humour anglais, c’est pour cela que je le connais Herr Wehn. J’écoute presque tous les jours sur BBC Radio 4 des podcasts de comédiens ou des sitcoms radiophoniques très bien écrites, jouées, et sonorisées. Ces dernières semaines j’ai beaucoup aimé Alone (une sitcom où six personnages partagent une maison, chacun dans son appartement, un Friends british des cinquantenaires), et Tom Wrigglesworth’s hang-ups (des conversations téléphoniques entre Tom, un jeune papa qui vit à Londres et ses parents complètement barrés qui vivent à Sheffield, et sa grand-mère pragmatique et vive qui habite chez les parents).
Toujours sur la BBC, je ris volontiers devant Would I lie to you, un jeu télévisé avec deux équipes (de deux membres du show biz), chacune menée par un comédien et un animateur-arbitre (comédien aussi). Le principe est le suivant : chaque participant lit l’affirmation écrite sur la carte qui lui est proposée. Elle décrit une péripétie qui lui est (peut-être) arrivée. L’autre équipe pose des questions pour deviner si cette affirmation est vraie ou non. Truth or lie ? En fait on s’en contrefout. Tout l’intérêt du jeu réside dans l’esprit de répartie extrêmement vif et les joutes verbales intelligentes et drôles des trois comédiens.
Les sitcoms Miranda de Miranda Hart et Not going out de Lee Mack sont des trésors de bonne humeur et de saine distance par rapport aux mésaventures de la vie. Au-delà de l’humour, des jeux de mots, des blagues qui fusent, ces séries, en particulier la première, laissent entrevoir la difficulté pour les protagonistes de s’adapter aux situations sociales, et de se faire accepter tels qu’ils sont. Du rire donc, mais aussi de la tendresse et de l’intelligence, et de l’authenticité dans l’autodérision.
Vous aurez compris que je suis plus au fait des actualités télévisuelles et culturelles anglaises que françaises. Quant aux allemandes, je n’ai pas encore essayé. Ça viendra peut-être mais je devrai contourner un a priori qui consiste à penser que je ne comprendrai pas les blagues, et que ce ne sera pas seulement une question de langue. Pour les doses d’humour, je resterai toujours fidèle aux créations anglaises. Mes livres de chevet, et potions magiques anti-blues sont Great british wit de Rosemarie Jarski, une anthologie de citations british sur tous les sujets, et My daily dose of such fun de Miranda Hart. Dans ce dernier, la comédienne propose comme antidote à l’anxiété de rompre avec le cycle des ruminations habituelles grâce à une tâche simple, insolite et drôle. Une pour chaque jour de l’année. Que diriez-vous de suivre la proposition du jour (16 décembre) ? Vous connaissez sans doute la chanson de Noël ”Rocking around the christmas tree”. Miranda Hart suggère de littéralement danser autour de chaque sapin de Noël que vous croiserez aujourd’hui. Allez hop c’est parti !
Le musée de l’humour, je ne l’ai pas encore visité et en fait je n’en ai pas envie. L’humour je préfère le vivre, le traquer dans tous les interstices de la vie quotidienne, plutôt que le regarder derrière une vitre, épinglé comme un papillon mort.
La langue allemande tellement précise se prête mal aux ‘’double entendre’’ comme disent les Anglais en français dans le texte (le double entendre c’est quand une phrase peut être comprise de deux façons différentes, l’une naïve et innocente et l’autre beaucoup moins). Les jeux de mots existent-ils en allemand ? J’ai tapé l’expression dans un dictionnaire bilingue : ‘’Erreur. Nous n’avons aucune suggestion pour votre recherche’’. Trop facile, ça, M. Larousse. Deuxième tentative dans un dictionnaire anglais : oui ça existe : das Wortspiel, la traduction littérale de l’expression française.
Pour l’instant, après un an et demi en terre germaine, nous pouvons dire que les confrontations aux blagues et au second degré restent rares (et bienvenues, tellement bienvenues !). Ici le discours est direct. Tellement direct qu’à une soirée l’autre jour, une femme s’est approchée de moi en arrivant et m’a dit ‘’Und wer bist du ?’’ (‘’Et qui es-tu ?’’)
Ce matin un plombier est venu pour changer le compteur d’eau. Il arrive sur le coup de 8h. J’ai l’intention de lui proposer une boisson chaude (en espérant qu’il ait la papille tolérante, ou un goût prononcé pour le thé car mes cafés au dosage approximatif ne sont pas du goût de tout le monde). ‘’Puis-je vous offrir quelque chose ?’’ Il me répond du tac au tac, sérieux : ’’ Oui, 1000 euros !’’ C’est tellement rare la répartie blagueuse que, sans le décodage du sourire simultané, j’ai hésité un quart de seconde. ‘’Ai-je bien entendu ? Et surtout bien compris ?’’
C’était bien une blague. Non il ne veut rien, merci. Ouf, Joyeux Avent monsieur ! Ça fait du bien de sourire de bon matin. Je n’en attendais pas tant du compteur d’eau.