Hors les murs

Petit tour de rentrée scolaire, troc de confiotes, refus de Figolu, et suggestion de placard.

(Mais si vous allez comprendre.)

Bonjour à vous,

Ne bougez pas j’arrive. Je donne un dernier coup d’éponge à la cuisine. (Vous aussi vous avez toujours un coup d’éponge à donner à la cuisine ?) Déjà la cinquième semaine depuis la rentrée, bientôt les vacances d’automne. Nous allons pour un temps changer d’évier.

Sortons dans la rue où l’éponge tentatrice ne nous suivra pas.

Après une première semaine de matinées (sans cantine), les cours ont repris à temps plein (AVEC cantine OUF !). La boite mail s’emplit de messages du collège : prière de consulter l’application. Clic, ouvrir le courrier, le lire en plissant les yeux (police 2 interligne 0.5), cocher la case Lu et refermer. En prenant soin de préciser à sa fille : « il est écrit dans le courrier qu’il faut l’imprimer pour cocher la case Lu avec un stylo. Je viens de le faire dans l’application. Je me contenterai d’une seule croix (virtuelle) par sujet. » On place ses rébellions où on peut (croisons les doigts que ça suffise). Pour les plus prolixes des auteurs de messages officiels j’aimerais avoir un tamis pour ne garder que les deux-trois infos importantes. Ils y pensent pas à ceux qui ont fait allemand première langue sans l’option littérature post-moderne (et qui n’ont ni loupe ni que ça à faire).

Autre formulaire : « Merci de verser les euros du voyage à Berlin sur le compte personnel du professeur responsable. RIB ci-dessous.» Voilà, c’est fait. C’est bizarre tout de même. Là-aussi serrons les pouces, comme on dit ici, que ça marche. Dans la paperasse signée, il est précisé toutes les conditions pour lesquelles il faudra aller chercher son enfant : indiscipline, test corona positif de lui-même ou d’un copain de chambre. Et si les profs accompagnateurs sont positifs ?

Plumbago

En 9. Klasse (troisième) ma grande va partir trois jours avec sa classe pour des Reflexionstage (jours de réflexion). Une parenthèse loin de la vie quotidienne, de la famille et des cours pour se poser des questions individuelles et collectives sur les choix de vie. Malin, non ? C’est organisé par le diocèse, avec autorisation d’absence du collège. Comme quoi la collaboration école publique – services religieux peut être profitable à tous. J’aurais tant aimé bénéficier de ce temps offert. Pas sûr que j’en aurais bénéficié alors, prise que j’étais dans la roue de hamster des interros et des notes.

Aujourd’hui les ados réfléchissent plus. Trop.  

Mon mari et moi inculquons à nos enfants que pour être en bonne santé il faut manger de tout. Surtout quand on est en pleine croissance. Que pour être poli quand on va quelque part on s’adapte à ce qui est proposé. Pitié les filles, épargnez moi l’actualisation des toquades alimentaires des copains.

Les réseaux si peu sociaux leur inculquent les citations sucrées en calligraphie et les modes alimentaires. A chaque repas nous avons l’actualité : « Machine est végétarienne maintenant ». Puis quelques semaines plus tard, « elle n’est plus végétarienne, sa mère le lui interdit elle était fatiguée ». A nouveau quelques semaines plus tard : Machine (la même) elle est vegan. Vraiment ?

L’une d’elle, vegan depuis une semaine, a refusé de goûter un Figolu.

La malnutrition auto-imposée comme style de vie ça me fait peur. Mais non maman, elle prend des vitamines. Ah bon tu me rassures. Elle a fait vœu de renoncer à son intelligence aussi ? Elle prend tous les matins des shoot de Youtube à la place (ou de Tiktok ; je suis dépassée).

A l’aide.

Les Figolus. Franchement.

La confiture passe encore. La semaine dernière, ma fille a mentionné qu’un copain avait ramassé cinq kilos de cynorrhodons (Hagebütten ou gratte-culs). J’ai suggéré le troc. Elle est partie avec des bocaux de confiture d’abricots. Nous gouterons l’églantine et le miel du copain. On a aussi un joli pot de miel d’une copine en deux phases : dur et clair au fond, brun et liquide au-dessus. Peut-être que les abeilles ont butiné nos fleurs. Beaucoup d’Allemands sont aussi apiculteurs. Les maisons affichent une plaque : Eigene Imkerei (apiculture personnelle).

Le lendemain de la date officielle de la rentrée, c’était l’Einschulung. La toute première rentrée. Devant l’école primaire en milieu de matinée, les petits CP étaient bien sages entre papa et maman tous bien habillés (une seule classe : les horaires sont échelonnés pour cause de corona). Les parents restent avec leur enfant toute la matinée. (Un prof de mes filles a été absent pour cela). Les écoliers serraient contre leur cœur une Schultüte, cornet-surprise rempli de friandises, carnets et crayons, et de jouets. (Les parents dépensent 70 à 80 euros pour ce symbole.) L’autre jour à la librairie une dame commandait un livre pour son petit-fils « à l’occasion de son Einschulung ».

Parfois des messes à l’église sont organisées pour les enfants (de l’école publique) et leurs familles à cette occasion. C’est joli de prendre le temps de cette étape. Je me sens un peu gênée quand j’explique que mes gamins étaient à l’école avec cantoche et tout le toutim avant trois ans. Ici c’est limite de la maltraitance.

En pensant à cet article, j’ai hésité à demander à une famille de les prendre en photo (de dos) tout rutilants, avec la Schultüte aussi grande que le gamin. Puis je me suis dit que je risquais de les effrayer. « Tu vois Max, cette dame si tu la croises, tu pars en courant ». Ils rentrent seuls très tôt les gosses. L’école leur fait passer un permis piéton avec coaching de la police svp. On les voit parfois s’entrainer à traverser la route un par un.

Fusain

En matière de comparaison critique entre cultures, je me suis professionnalisée. J’ai reçu un mail cet été de la part du magazine Deutsch Perfekt (qui s’adresse aux étrangers germanisants avec articles de différentes difficultés et lexiques). Ils avaient consulté leur base de données : que conseillez-vous aux Allemands ? (enfin, c’était pas demandé comme ça mais plutôt : qu’est-ce qui vous irrite dans votre pays d’adoption ?)

Bien sûr, je ne manquais pas d’idées ;o)

Au petit déj, penchée sur mon yaourt ardéchois, j’avais tapé en quatrième vitesse (sur le téléphone et sans mes lunettes) une dizaine de suggestions : équiper les maisons de placards, prendre le temps des consultations médicales, moderniser le réseau internet, renoncer à la paperasse, me foutre la paix quand je marche dans la rue même si mon vélo couine, arrêter la police des hobbies (ces particuliers qui se mêlent de vous engueuler pour un ja ou un nein) et tutti quanti.

J’avais eu la surprise de recevoir une réponse : “Merci Estelle, envoie-nous ta photo !”

Ma photo ! Whaou ! (Euh, laquelle ?)

Top top top. Ma minute de gloire. (Depuis le temps que je rêve d’être publiée, bon enfin, un texte que j’aurais écrit pas une réflexion à deux balles.)

L’article vient de paraître. Ils ont rassemblé une cinquantaine d’idées pertinentes (y compris rallonger les consultations médicales, moderniser internet, renoncer à la paperasse). Ils ont gardé de ma contribution la proposition inoubliable : mettre des placards batis dans les maisons (en shuntant la remarque : les Allemands sont-ils tous actionnaires chez Ikea ?) Mon amie d’enfance m’avait dit, quand je m’étais étonnée de leur absence « non y’en a pas en Allemagne. On a toujours trouvé ça super chez vous. »

En même temps ce magazine, y’a pas un Allemand qui le lit. Et pour cause.

A charge de revanche sans doute. Que conseilleraient les étrangers aux Frenchies ?

(Roulement de tambour…)

Je voudrais vous quitter sur une nouvelle insolite. Lors d’une promenade, une amie m’a parlé de son tout nouveau permis de conduire un âne (Eselführerschein). Oui, oui. Son professeur lui a remis un document officiel, plastifié et tout, avec le détail des compétences acquises parmi lesquelles : la tolérance à la frustration. (Je crois que je vais m’inscrire.) C’est un complément à sa formation pour animer des ateliers en forêt – sur son temps libre. (C’est une grande passion la forêt pour les Germains).

Pourtant je me demande, certaines choses ne devraient-elles rester poétiques et libres ? Peut-être l’effet de mon moral dans les chaussettes (bienvenue automne, au moins, j’en porte des chaussettes).

Souvent, j’ai envie de jeter l’éponge.

La vraie (planquez-vous), et la métaphorique.

6 thoughts on “Hors les murs

  1. Oh trop chouette ces rituels allemands : hyper intéressant de les décrire 🙂
    L’automne arrive avec ses belles couleurs et l’autorisation de rester au chaud avec son mug et son carnet d’écriture <3
    Xoxoxo

  2. Hello Estelle,
    Je suis tombée sur ton blog en tapant ton nom ce week-end. Je ne sais pas bien pourquoi, les heureux hasards de la vie… je me régale à la lecture de ton journal de vie. Je souris en lisant tes mots tour à tour légers, pleins d’émotions, drôles, spirituels, précis, sincères…une vraie pommade pour le coeur. S’il te plaît ne t’arrête pas d’écrire, bises, Caroline

    1. coucou Caroline,
      quelle surprise ! ton gentil message me va droit au cœur. MERCI !
      Il m’encourage à un moment de doute.

      C est drôle car j’ai pensé à toi hier. Nous sommes dans les Vosges et il y avait un panneau pour Selestat.
      Bises, Estelle

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