Mes lectures

Bienvenue amis lecteurs ! Entrez, poussez donc la porte.

(crrrouic)

Ah ! Un livre ! Du plaisir en papier qui sent bon et qu’on peut emporter partout avec soi. Vous ne trouvez pas ? Voici quelques unes de mes dernières lectures au petit et grand bonheur. Suggestions bienvenues par ici : info@mainzalors.com :o).

Quelquefois, je me demande si je ne devrais pas aussi mettre la liste des bouquins que je ne finis pas…

Was man von hier aus sehen kann ~ Mariana Leky

Titre français : Le rêve de l’Okapi

Je quitte l’univers de ce roman formidable avec une larme. Il par mon amie allemande d’adolescence et j’ai mis du temps à l’ouvrir : après le retour d’expatriation j’ai eu besoin d’un délai de réconciliation avec la langue germaine que pourtant j’adore (pour cause d’overdose de paperasse administrative).

Une petite fille, Luise, vit dans un village de l’ouest de l’Allemagne avec son meilleur ami Martin, et une galerie de personnages tous plus cabossés et attachants les uns que les autres. Un opticien, une bellle-soeur superstitieuse, un papa voyageur, une maman fleuriste, un chasseur, un moine bouddhiste au Japon… Luise dort souvent chez sa grand-mère Selma. Or Selma a un don : elle peut prévoir la mort. Chaque fois qu’elle rêve d’un okapi, quelqu’un du village trépasse dans les vingt-quatre heures. Les villageois le savent et le redoutent.

Un livre comme un conte sur l’amour, la mort, les relations humaines et comment chacun tente de se dépatouiller avec ses travers et ses désirs. La vie quoi. Tendre et poétique, tragique et drôle, intelligent et délicat, une langue terriblement originale et émouvante. Un livre qui rend heureux, comme un roman de Fanny Flagg ou Katarina Bivald.

Je l’ai conseillé avec insistance à mes filles. Quand elles l’auront lu, on regardera le film qui en a été adapté. Je vais lire d’autres romans de cette auteure.

Extra ! Foncez.

Gabriële ~ Anne et Claire Berest

Je viens de terminer Gabriële avec regret. Voilà plusieurs mois qu’il patientait sur ma table de nuit : acheté dans la foulée de La carte postale d’Anne Berest, j’attendais un délai suffisant entre les deux pour lui offrir un regard lavé. Je l’avais laissé sur la pile, malgré les arrivées ultérieures, pour profiter de sa couverture et de sa jolie photo espiègle. Avant même de l’ouvrir, je l’ai offert, traduit en allemand à mon amie d’adolescence de Köln qui adore la période artistique de l’avant-garde.

Gabriële Buffet-Picabia, c’est l’arrière-grand-mère des deux auteures, qui n’en ont découvert l’existence que tard.

À vingt-sept ans en 1908, cette jeune femme indépendante, étudie la composition musicale, lorsqu’elle rencontre le peintre Francis Picabia. Elle devient sa muse, au sens large, pour son art et sa vie, son étincelle, son garde-fou. Leur passion échevelée se poursuivra même après la séparation du couple et ne s’achèvera qu’à la mort de Picabia. L’intelligence brillante et l’intuition exceptionnelle en avance sur son temps de Gaby a aussi inspiré Marcel Duchamp et Guillaume Apollinaire, entre autres artistes reconnus. Celle a participé activement au renouveau artistique (art abstrait, mouvement Dada) a choisi de rester dans l’ombre. Ce récit de ses arrière-petites-filles, qu’elle n’a jamais souhaité rencontrer, éclaire une période de la vie de Gabriële.

Entre Paris, Berlin, New-York, Saint-Tropez, Zürich, Barcelone et le Jura, la vie de Gabriële au cœur du foisonnement artistique du début du XXe siècle est un roman qui se dévore.

La jeune femme et la mer ~ Catherine Meurisse

BD offerte par mon fiston et lue… deux fois de suite. Superbes dessins et couleurs, avec un mélange d’illustrations caricaturales de BD et dessins réalistes de paysages.

Une jeune femme dessinatrice part en résidence d’artistes au Japon, pour “renouveler sa banque d’images mentales” de la nature. Elle y croise un peintre japonais qui cherche à “peindre une femme, un tanuki effront , animal mythologique nippon (celui de Pompoko). Déambulations dans des paysages exotiques, où elle retrouve des vues et des plantes connues mais dans des contextes dépaysants, rencontres de femmes et de légendes.

Superbe, plein d’humour et d’autodérision.

Merci fiston.

J’avais déjà beaucoup aimé une autre BD de Catherine Meurisse que tu m’avait offerte, Les grands espaces.

Journal intime de la vierge Marie ~ Sophie Chauveau

Oui, le titre m’a fit sourire sur la table des livres de poche recommandés à la librairie la Procure de la place Bellecour. La quatrième de couverture m’a convaincue de l’acheter.

Lorsque la jeune Marie apprend qu’elle attend un enfant, elle se met à tenir un journal sur des rouleaux de papier. Ses mots nous font découvrir la vie quotidienne du peuple juif dans un territoire envahi par les Romains il y a deux mille ans, le pélerinage au Temple de Jérusalem, les espoirs et les craintes de toutes les mères du monde et de toutes les époques.

Dans un style poétique et lyrique, Sophie Chauveau dévoile des aspects méconnus de l’histoire fondatrice de notre monde et si essentielle à celle de l’art.

J’ai découvert par exemple que la virginité de Marie n’était qu’une invention récente de l’Église, un abus de traduction (virgo : « la jeune fille » est devenu « la vierge »), que l’Immaculée Conception faisait référence à la conception de Marie et non à celle de Jésus et des tas d’autres choses.

« Tout de même, me voilà, nous voilà mon ventre et moi, à la tête de huit mois de soliloques tandis que se dessine une autre vie que la mienne. Je me sens exaltée en même temps je dois me contenir. C’est trop tôt, c’est trop neuf, c’est trop incroyable. De toute façon c’est incroyable, non ? »

« Et soudain je me suis dit cette phrase étonnante : cet enfant est trop grand pour moi. »

Suite inoubliable ~ Akira Mizubayashi

Offert par une amie chère.

Entre 1945 et aujourd’hui, la France et le Japon, une histoire de filiation par violoncelles interposés, entre musiciens et luthiers.

Délicat et d’autant plus touchant que l’auteur – dont j’avais appris l’hstoire dans Une langue venue d’ailleurs (voir ci-dessous) vit lui-même cette double culture franco-japonaise. Il écrit en français, chapeau bas monsieur.

La grande traversée ~ Shion Miura

Roman léger et attachant comme une tasse de thé vert brûlant qui permet de découvrir (un peu) l’univers obscur de la lexicographie.

Majimé, un jeune employé d’une maison d’édition, se trouve muté au service des dictionnaires pour travailler à la conception d’un nouvel ouvrage de japonais. S’il est habile à l’écrit, il est empoté et maladroit dans la vie et peine à faire part de son amour à Kaguya, la petite-fille de sa logeuse.

Kukum ~ Michel Jean

Acheté à force de le voir recommandé en librairie. J’ai bien fait.

L’histoire de l’arrière-grand-mère de l’auteur, sa kukum, au Québec au début du XXe siècle. Almanda tombe amoureuse d’un jeune Innu avec qui elle part pour vivre une existence nomade entre lacs, rivières et forêts. La nature est omniprésente dans ce récit plein de vie. Nature sauvage, nature nourricière, nature menacé par les colons, comme les peuples autochtones. Attachant et dépaysant.

Tant pis pour l’amour ~ Sophie Lambda

BD trouvée hier par hasard à ma médiathèque – ma fille et moi discutions devant le rayon. Le titre et le cœur apposé par une bibliothécaire m’ont attiré l’oeil. À peine ouverte, j’ai été happée. À peine arrivée à la maison, je l’ai terminée. Ce matin au petit déjeuner, je l’ai recommencée. Pour saisir la richesse des dessins, j’aime relire les BD.

Ce témoignage touchant d’une auteure pétillante et sympathique est bourré d’humour et d’autodérision. Il me touche tout particulièrement car il raconte avec justesse une relation toxique avec un manipulateur narcissique.

J’ai hélas traversé cet enfer, renforcé par l’incompréhension et le doute de mon entourage. Comment faire comprendre un processus de destruction pervers qui se passe derrière des portes fermées ? Cette BD y arrive très bien. Au-delà de l’histoire, Sophie Lambda évoque même pourquoi c’est tombé sur elle et comment s’en sortir.

À mettre entre toutes les mains. Je l’ai placée dans celles de mes filles.

Un simple dîner ~ Cécile Tlili

Recommandé par ma chère libraire un jour où je cherchais des textes sur la différence. Elle m’a proposé ce roman sur une jeune femme neuro-atypique, comme elle m’a dit. J’ai tout de suite adhéré à cet adjectif neutre.

Dans ce roman, Claudia se met dans tous ses états en préparant un dîner pour un couple d’amis de son nouvel amoureux. L’auteure rend terriblement bien le vécu interne de la timidité maladive, sujet assez rare dans la littérature. Je me suis dit, c’est sûr, elle, elle sait.

Dans le huis-clos d’un appartement un soir de canicule à Paris (bien sûr…), les non-dits enflent et crèvent. Chacun des quatre personnages sortira du dîner transformé, en particulier les deux femmes qui ouvriront les portes invisibles de leurs prisons dorées.

Les émotions sont transmises de façon très habile. J’ai moins adhéré à l’histoire qui m’a fait l’effet d’un film français comme on en a vu plein – peut-être parce que c’est très (trop) parisien.

Olive Kitteridge ~ Elizabeth Strout

Voilà un livre original par sa construction et sa finesse.

J’ai d’abord été surprise par le fait que le personnage titre apparaisse à peine dans le premier chapitre. Effectivement, dans ce roman qui se déroule dans une petite ville côtière du Maine en Nouvelle-Angleterre, chaque chapitre est consacré à des habitants différents. On recroise les personnages au fil des récits. Bien sûr, le lien entre tous, à part l’unité de lieu, c’est Olive, une professeur de mathématiques à la retraite dont on découvre la vie de couple avec son mari pharmacien et son fils Christopher qu’elle étouffe.

La finesse des descriptions et de la psychologie m’a touchée au point que j’en ai interrompu la lecture à un quart de la fin. Je la reprendrai, mais j’ai besoin d’une pause.

The feast ~ Margaret Kennedy

Acheté en anglais après l’avoir vu recommandé dans plusieurs librairies, ce roman (Le festin) avait tout pour me plaire : une ambiance très anglaise de pension de famille sur la côte des Cornouailles en 1947.

Le prologue mentionne l’effondrement de la falaise sur cet hôtel de bord de mer et des disparus. Nous ne savons pas lesquels. Nous allons rencontrer la famille hôte, les vacanciers, les employés, personnages très vivants, dans une ambiance charmante mais menaçante. Très bien écrit.

Le lac magique ~ Yaël Cojot-Goldberg

Acheté dans je ne sais plus quelle librairie parce que la libraire l’avait marqué d’un coup de coeur.

L’auteur, scénariste et réalisatrice française que je ne connaissais pas encore, raconte son été dans la forêt québécoise à l’orée d’une année sabbatique en famille au Canada.

Dans un hameau perdu, elle se joint à un groupe de femmes de différentes générations qui, chaque matin, marchent, dans un rituel immuable, vers un lac encore plus isolé pour se baigner. Se mettre nue en public, mettre la tête sous l’eau… autant d’étapes libératoires franchies grâce à elles. Un récit initiatique sur la féminité, la découverte et l’acceptation de soi.

Quand tu écouteras cette chanson ~ Lola Lafon

Recommandé par ma libraire. Cette auteure était inconnue pour moi jusque là. Lola Lafon conte dans ce récit ses recherches sur Anne Franck et sa nuit dans sa maison-cachette-musée à Amsterdam. Les recoupements avec son histoire familiale et ses émotions rendent la lecture passionnante.

J’ai lu ce récit d’une traite.

Expectation ~ Anna Hope

Je viens de terminer ce livre avec regret. C’est le roman que j’aimerais écrire un jour.

J’avais apprécié La salle de bal du même auteur, mais pas autant. Ce titre-là sur l’histoire d’amitié entre trois femmes de l’enfance à la trentaine m’intéressait. Vont-elles suivre les chemins promis ? Qui vont-elle devenir ? Leur amitié va-t-elle survivre à leurs envies, leurs désirs, leurs difficultés ?

Je l’ai acheté à la formidable librairie anglophone de Lyon (Damnfinebookstore) malgré une critique sur la quatrième de couverture qui le comparait à Normal people (lequel m’était tombé des mains d’ennui après vingt pages, comme le laissait présager le titre). J’ai bien fait.

Fort bien écrit par une jeune auteure anglaise, le texte touche juste. Description pertinente des émotions, complexité des relations. Ses phrases ne laissent pas transparaitre les recettes distribuées en cours d’écriture créative – comme je le regrette souvent dans les romans de jeunes écrivaines britanniques.

Une histoire sur les hauts et les bas de l’amitié, la quête d’identité en tant que fille, mère, femme, rebelle, d’une grande maturité émotionnelle. Foncez.

Titre français : Nos espérances.

The salt path ~ Raynor Winn

Ce récit je l’avais attrapé puis reposé dans plusieurs librairies de Londres lors de notre séjour aux vacances de Pâques. J’avais déjà acheté une pile conséquente de livres et le poids des valises contient les élans. Lors de nos retrouvailles à Lille, mon amie d’adolescence allemande me l’a recommandé et acheté en V.O. à la librairie du Furet du Nord sur la Grand Place. Elle a bien fait. J’ai adoré.

Désormais, je ne m’embarrasse pas des livres qui me plaisent à moitié. Un livre que je termine est en soi un éloge suffisant. Celui-là je ne l’ai pas lâché. Les récits de vie m’intéressent de plus en plus : j’aime vivre avec l’auteur ses émotions authentiques, contradictoires, ses interrogations. J’aime avec une tendresse toute particulière les récits de découverte de soi par la marche au long cours comme Wild de Cheryl Strayed.

Dans Le chemin de sel (titre français), l’auteure raconte comment elle et son mari Moth, à cinquante ans, se sont retrouvés évincés de leur ferme, suite à des conseils d’investissement douteux, quelques jours après avoir appris que Moth était atteint d’une maladie dégénérative. Sans domicile, sans le sou, poursuivis par le compte à rebours du déclin de la santé, ils ont décidé de partir marcher sur la South West Coast Path. Le sentier suit l’extrémité ouest de l’Angleterre et s’étire sur 1000 kilomètres de Minehead à Poole le long du littoral nord du Devon, de Cornouailles, du sud du Devon et du Dorset. À la merci du ciel, de la mer et du vent, ils campent derrière des haies ou au bord de falaises, comptent leurs quelques sous, et découvrent une existence libératoire.

Raynor Winn écrit avec sensibilité et clairvoyance ce chemin vers l’acceptation et vers eux-mêmes.

Extrait : « On a basic level, maybe all of us on the path were the same; perhaps we were all looking for something. Looking back, looking forward, or just looking for something that was missing. Drawn to the edge, a strip of wilderness where we could be free to let the answers come, or not, to find a way of accepting life, our life, whatever that was. Were we searching this narrow margin between the land and sea for another way of being, becoming edgelanders along the way? Stuck between one world and the next. Walking a thin line between tame and wild, lost and found, life and death. At the edge of existence.»

Son récit suivant The wild silence m’attend sur ma table de nuit.

Deux femmes dans un jardin ~ Anne Guglielmetti

Comment résister à un titre pareil ? Ma libraire ne l’avait pas encore ouvert. j’ai devancé son avis.

Lu en un battement d’aile de papillon, un élan un soir, achevé au réveil.

Touchant. Aussi charmant que l’illustration. L’histoire d’une rencontre inattendue entre une femme au seuil de la vieillesse, seule, timide, sauvage et une toute jeune fille désoeuvrée. Leur complicité se tisse autour de l’herbe à tondre, des fleurs à contempler.

L’écriture sensible est superbe. Bien sûr, le regard s’embue sur la fin.

Ressac ~ Diglee

À une conférence de ma médiathèque, j’ai rencontré Diglee. Vibration. Choc. Cette proximité de sensibilité était trop forte pour moi.

Dans Ressac elle partage sa retraite dans une abbaye, celle dont je rêve depuis longtemps et que je m’offrirai à la publication de mon roman.

Patience Estelle avant d’ouvrir son dernier livre. Tu vis ses mots avec trop d’intensité.

Lessons in chemistry ~ Bonnie Garmus

Dans l’Amérique des années 1960, la place d’une femme est à la maison. Même si elle est une brillante chimiste. La société veut la renvoyer à ses fourneaux ? Qu’à cela ne tienne, Élisabeth Zott présentera une méission de cuisine à la télévision (ou bien s’agit-il d’une leçon de chimie ?).

Intransigeante. Entière. Inspirante. Attachante. Une nana qui ne rentre pas dans les cases, ça me parle tellement.

(Avec un pincement au coeur tout de même concernant l’évolution de la société. Les abus de la misogynie sonnent toujours vrais dans notre XXIe siècle – et me rappellent des souvenirs.)

La carte postale ~ Anne Berest

Bouleversant, intelligent et sensible, humain et intime… Foncez !

Un récit sur l’histoire de l’auteur et de sa famille depuis le début du siècle, entre Russie, Europe, Palestine. Je l’ai refermé hier avec regret après l’avoir lu avidement tous les soirs de la semaine.

Tout part d’une carte postale anonyme arrivée dans la boite aux lettres de ses parents avec les quatre prénoms d’ancêtres disparus à Auschwitz en 1942. Vingt ans plus tard, l’auteur explore les hypoyhèses qui s’offrent à elle pour savoir qui avait envoyé cette carte postale.

C’est sûr, je vais lire les autres livres d’Anne Berest.

Quatre soeurs ~ Malika Ferdjoukh (auteure) et Cati Baur (illustrations)

Album jeunesse, pépite.

Ma plus jeune l’a reçu pour Noël et il trainait sur le canapé. Attirée par l’illustration de la couverture, je l’ai attrapé et ne l’ai pas lâché. J’ai réservé les tomes suivants à la médiathèque.

Depuis la mort de leurs parents, cinq soeurs vivent seules à la Vill’Hervé, manoir breton en presque ruines, au dessus d’une falaise.

Hier j’ai fini le tome trois la gorge serrée et les larmes aux yeux.

Une histoire qui pétille de vie, d’émotions, d’intelligence et d’humour. Des personnages terriblement attachants même ceux qui nous agacent.

Cet album m’a évoqué Eloïse de Kay Thompson, autre bijou de la littérature jeunesse (américaine). Ce ne fut pas trop une surprise quand j’ai lu à la fin de l’album que c’était une source d’inspiration des auteurs. Foncez (pour les jeunes filles et leurs mamans, et qui veut).

Ce que nous confions au vent ~ Laura Imai Messina

Sur les pentes du mont Kujira-yama, au milieu d’un jardin, se trouve une cabine téléphonique qui permet de confier, dans le combiné, des messages à des proches disparus. Le Téléphone du Vent. C’est un lieu qui existe vraiment.

L’auteure italienne vit au Japon avec son mari japonais et ses deux enfants. Elle s’en est inspirée pour écrire son premier roman.

Dans le chaos de l’après-tsunami de 2011, Yui, qui a perdu sa mère et sa fille, va y rencontrer Takeshi qui élève seul sa fille.

Délicat et doux comme une caresse, un livre sur le deuil qui pourtant rassure. Laissez-vous transporter !

J’ai adoré !

The hunting party ~ Lucy Foley

Cadeau de mon cher et tendre.

Une groupe d’amis se retrouve chaque année pour quelques jours autour du réveillon. Cette année, ils ont choisi un lodge au fin fond de l’Ecosse pour organiser une sortie de chasse dans les landes de bruyères.

Tout y est : la nuit, la neige qui tombe, les relations plus complexes et moins saines qu’il n’y parait, les hôtes mystérieux. Lorsqu’un corps est retrouvé, la tempête de neige coupe le lodge du monde… et bien sûr tout le monde est suspect.

Un thriller psychlogique, dépaysant, à l’ambiance envoûtante. Agatha Christie modernisée.

Blizzard ~ Marie Vingtras

En Alsaka, en plein blizzard, une femme sort avec un enfant et lui lâche la main. Il disparait. Des êtres marginaux, violents, mystérieux, les quelques habitants de cette terre perdue au bout du monde, vont se mettre en quête. Dans cette course contre la montre et la tempête, les vérités de chacun vont crever la surface.

Tout l’imaginaire nord-américain est convoqué, à tel point que par moment j’avais l’impression de ”sentir la traduction”. Il n’en est rien, l’auteure est française.

Roman choral, coup de poing, vertigineux, qui a rafflé tous les prix.

(Une vague jalousie quand même : comment un premier roman peut-il être si percutant ? Bravo).

À la verticale de soi ~ Stéphanie Bodet

Déniché dans une petite librairie (laquelle ?), dans le coin récits de voyages, ce texte autobiographique était recommandé par les librairies. J’emprunte les mots de Sylvain Tesson qui a rédigé la préface : “Une éducation sentimentale à la verticale. Une voie d’audace et de sagesse.”

Stéphanie Bodet, championne du monde d’escalade et passionnée d’écriture, se retourne sur sa vie. Elle a ouvert des voies sur toutes les parois du monde et j’ai le vertige sur une chaise, pourtant je me retrouve en elle. Dans sa sensibilité extrême, ses valeurs… Encore un livre dont l’auteur me passionne autant que le sujet. Je ne l’ai pas lâché.

La péninsule aux 24 saisons ~ Inaba Mayumi

Une femme quitte l’agitation de Tokyo pour trouver refuge pendant un an dans un paysage d’une beauté paisible rythmé par les 24 saisons des jardiniers.

Falaises, mer, forêt, ciel, fraises des bois et lucioles. Savoureux et apaisant.

Comment font les écrivains japonais pour évoquer autant de délicatesse ?

Où vivaient les gens heureux ~ Joyce Maynard

Ah, ce roman je lui ai tourné longtemps autour. D’abord à la librairie Quai des Brumes à Strasbourg où j’en avait discuté avec une libraire très sympathique, puis à Lyon.

J’avais très envie de le lire, car j’ai suivi en ligne des cours d’écriture de son auteur mais j’hésitais, je préfère lire les livres en VO. Cependant, pour ma formation de traduction, il est intéressant de découvrir (même sans le texte original sous les yeux) comment certaines tournures sont traduites. (Par exemple, là, je n’aurais pas traduit “Labor Day” par “la fête du travail”… Le premier a lieu fin août et est un jour férié festif de plein été, la deuxième début mai est une célébration politique au parfum de muguet). Lorsque le titre est paru en poche j’ai craqué.

Ce roman conte la vie d’une femme sur la côte est des Etats-Unis, sa vie à la campagne, ses amours, ses maternités, ses combats et ses choix. Un roman universel où je retrouvais entre les lignes des éléments autobiographiques de Joyce Maynard.

En effet, la matière première de son cours Writing your story (Écrire un récit de vie), est son livre At home in the world (Et devant moi, le monde, traduction habile du titre). Bien sûr je l’ai lu. Elle y confie une tranche de vie fondatrice, sa relation avec l’écrivain retiré du monde J.D. Salinger de 53 ans, alors qu’elle en a à peine 18. Elle raconte comment, jeune écrivain ambitieuse, elle a quitté pour lui la célèbre université de Yale, et leur mode de relation. Instructif et effrayant.

(Vous avez peut-être vu un film adapté de ses romans comme Labor Day avec Kate Winslet.)

Summer ~ Monica Sabolo

Parce que j’avais beaucoup aimé La vie clandestine et à travers elle, l’auteure et sa vision du monde, j’ai demandé à ma libraire de me conseiller un autre de ses livres. Elle n’avait que Summer et ne l’avait pas lu. Les critiques sur la jaquette étaient élogieuses.

Sur les bords du Lac Léman, au cours d’un pique-nique estival entre amis, une jeune fille, Summer, disparaît. Comment vivre avec l’absence et les questions irrésolues ? Le narrateur principal est son frère, égaré dans sa souffrance.

Poétique, aquatique, il se dévore pourtant presque comme un thriller. Lire ce récit après La vie clandestine m’a permis de décoder les touches biographiques de l’auteur. Fort et émouvant.

Les gens de Bilbao naissent où ils veulent ~ Maria Larrea

Roman offert par mon fiston à Noël (qui étudie cette année à Bilbao).

Le titre aperçu dans une librairie m’avait fait sourire. J’ai été ravie de la surprise à l’ouverture du papier cadeau.

Roman autobiographique coup de poing avec en toile de fond une page sombre de l’Espagne sous Franco. Je ne vous dis pas laquelle pour ne pas gâcher votre lecture. Mais à peine le livre refermé, j’ai regardé un documentaire sur le sujet sur Arte.

Texte plein de vie, passionnant, d’une auteure née à Bilbao et élevée à Paris où elle a étudié à la Femis, avant de devenir scénariste et réalisatrice.

L’île haute ~ Valentine Goby

Cadeau d’une amie pour mon anniversaire. Merciiii ! J’avais découvert Valentine Goby il y a quelques années en achetant La note sensible à la librairie de l’auditorium. Conquise par son écriture, j’avais guetté ses parutions ultérieures. Certaines m’ont plu, d’autres moins et je la suivais de loin et j’avais repéré ce titre dont le sujet avait tout pour me plaire (nature omniprésente, relations humaines).

Pendant la deuxième guerre mondiale, un jeune gamin de Paris, inquiet et asthmatique est envoyé pour le protéger, au-delà des tunnels et avalanches. Dans sa famille d’accueil à Vallorcine, il va découvrir un nouveau monde, la démesure des montagnes, la confiance. Les paysages prennent vie et crèvent l’écran de papier. Récit initiatique sensible, dépaysant et bouleversant d’un petit artiste en devenir.

Americana ~ Luke Healy

Autre conseil d’une amie (oh elles sont trop chouettes mes copines ! merci à elles !) qui date un peu (le conseil). J’avais offert cette BD l’an dernier à mon mari, qui l’avait aimée sans plus. Je l’ai dévorée dimanche sur le hamac, les orteils en éventail.

L’auteur, un jeune Irlandais raconte sa traversée des Etats-Unis entre la frontière mexicaine et celle du Canada. Plus de 4000 kilomètres en 147 jours en usant deux paires de chaussures dans le désert, les sommets enneigés et les forêts humides (aux habitants plus ou moins sympathiques).

Fasciné par les USA où une partie de sa famille a émigré, il y a étudié le dessin de BD. Inspiré par la bande annonce du film Wild il décide de s’attaquer au projet titanesque de remonter la Pacific Crest Trail ou PCT (Chemin des crêtes du Pacifique).

Il raconte en textes et dessins sa bataille contre les éléments et ses propres démons, et ses rencontres dans sa recherche de ce qui donne son goût particulier à l’Amérique.

Passionnant.

Et si vous n’avez pas encore lu Wild Cheryl Strayed raconte son propre trail sur la PCT, foncez.

Le film est aussi très bien fait (l’auteur a contribué à la réalisation).
Depuis le fond de son canapé, on frissonne et on rêve de faire pareil. D’ailleurs vous en parler me donne envie de replonger.

Autre récit de marche épique et bourré d’humour : A walk in the woods de Bill Bryson (Promenons-nous dans les bois). Là il s’agit de deux types trop vieux et pas assez entrainés pour se lancer sur l’Appalachian Trail (sentier des Appalaches) sur la côte est.

Ce livre m’a ouvert l’univers de Bill Bryson que j’adoooooore. J’ai tout lu, plusieurs fois. En cas de doute, de panne, de blues, c’est vers lui que je me tourne.

(Le film est moyen, Robert Redford ayant passé l’âge de jouer un type trop vieux, c’est dire).

Les gratitudes ~ Delphine de Vigan

J’ai hésité à ouvrir ce roman. Comme il m’avait été offert par mon amie allemande d’enfance (qui en a lu la traduction et l’a beaucoup aimé), je me sentais obligée de le lire. Mais j’avais un a priori assez fort contre les textes de Delphine de Vigan : chaque fois que j’avais attrapé un de ses livres, les sujets m’avaient fait froid dans le dos. (Vous aurez compris que je ne peux pas faire entre n’importe quoi dans ma cervelle sauf à me créer traumatisme sur traumatisme.)

Donc, j’ai pris celui là avec des pincettes – puisqu’il s’agit quand même d’une vieille dame qui perd ses mots.

Grand bien m’en a pris. J’ai dévoré d’une traite cette histoire touchante et la langue de Delphine de Vigan m’a beaucoup plue. Peu de temps avant, une autre amie m’avait recommandé une des ses interviews sur France Inter que j’ai aussi, vraiment appréciée.

The lamplighters ~ Emma Stonex

Ce conseil de lecture est tiré d’un numéro de Elle de notre séjour d’avril sur la Côte d’azur.

Les gardiens de phare

Le monde des gardiens de phare m’avait fort intéressée lors de la lecture d’Armen (voir ci-dessous). Les critiques promettaient une lecture 3 en 1 : histoire d’amour, de mystère et de fantômes. C’est assez vrai ma foi. (J’ai vu depuis que ce roman était dans la sélection de livres en anglais de la gare de Mainz, il doit marcher.)

En 1972 trois gardiens disparaissent d’un phare éloigné de plusieurs kilomètres de la côte de Cornouailles. La porte est fermée de l’intérieur et aucun indice ne permet de savoir ce qu’ils sont devenus. Vingt ans plus tard, leurs femmes bataillent encore, chacune, avec l’absence de leur mari. Au lieu de les rapprocher, la tragédie les a brouillées. L’histoire commence avec l’arrivée d’un écrivain qui bien sûr souhaite élucider l’affaire.

Une histoire efficace, des études psychologiques fines et ce qui semble une connaissance approfondie de ce milieu professionnel m’ont convaincue. (J’ai juste regretté un enthousiasme trop grand pour les métaphores.)

Public imaginaire ~ Nora Hamzaoui

Nora Hamzaoui je n’en avais jamais entendu parlé avant le mois de septembre dernier, où lors d’un week-end à Paris, une amie m’a proposé d’aller voir son one woman show.

J’en suis sortie avec des bulles de champagne dans le coeur et je me suis penchée vers ma copine pour lui dire : “elle est géniale ! et elle est aussi névrosée que moi”. Elle partage ses émotions avec distance et auto-dérision et ça fait un bien fou.

Ce texte, dont le sous-titre est ”dans les coulisses de ma tête”, est un spectacle imaginé pendant le confinement. Plein d’humour et de sagesse. Plongez !

Du miel sous les galettes ~ Roukiata Ouedraogo

Ce petit bijou je l’ai trouvé à la librairie Masséna de Nice, curieuse de littérature africaine. L’auteur vit en France aujourd’hui où elle est comédienne. Dans ce récit, elle évoque son enfance au Burkina Faso, à travers le courage de sa mère pour faire vivre sa nichée suite à l’arrestation arbitraire de son mari. Pour gagner quelques sous, elle se met à vendre des galettes sur le pas de sa porte.

Le texte alterne entre la vision de la femme adulte qui a trouvé sa place grâce à sa passion du one-woman-show, et celle de la petite fille qui regarde les adultes s’agiter pour survivre dans la chaleur, la pauvreté et l’absurdité administrative. Magnifique hommage à sa mère qui n’a jamais baissé les bras, qui donne envie de les gouter ces galettes !

Les petites robes noires ~ Madeleine St John

Déniché lui aussi à la librairie Passages de Lyon, je n’avais jamais entendu parler de ce roman, décrit comme un classique de la littérature anglo-saxonne. L’auteur, une Australienne née en 1941 à Sydney qui a terminé sa vie à Londres, m’était aussi inconnue. Elle a commencé sa carrière d’écrivain sur le tard : elle avait cinquante-deux ans lorsque le premier de ses quatre romans, Les petites robes noires, a été publié.

Elle y peint des portraits sensibles de femmes, autour de la période de Noël dans les années 50. Toutes employées des rayons haute-couture d’un grand magasin de Sydney, elles se croisent ou se fréquentent, certaines découvrent la vie, d’autres la connaissent un peu trop. En filigrane se tisse la condition féminine dans la société de cette époque.

Il doit être prenant, aujourd’hui où j’abandonne un livre sur deux après quelques dizaines de pages, je ne l’ai pas lâché.

L’été de la sorcière ~ Nashiki Kaho

Dans le rayon littérature japonaise de la librairie Passages à Lyon, c’est l’illustration champêtre qui a attiré mon regard. Le commentaire personnalisé était positif. Mais sans chercher à comprendre de quoi il retournait, attirée, pressée, j’ai attrapé le livre et l’ai joint à ma sélection. Le tire pourtant m’intriguait.

Mai, une toute jeune fille, angoissée, se sent mal au collège et souffre d’asthme. Elle entend ses parents échanger à son sujet, “une enfant difficile à comprendre, difficile à vivre“. Mai est envoyée pour l’été chez sa grand-mère (d’origine anglaise) à la campagne.

Il ne se passe presque rien dans cette histoire : Mai suit les gestes de sa grand-mère pour ramasser des fraises des bois et en faire une confiture parfumée, aller chercher au poulailler les œufs du petit déjeuner. Le coq et le voisin l’effaient. Elle apprend, avec le jardin, à vivre avec ses émotions intenses.

A la moitié du livre, je me suis dit… Hmm serait-ce un texte sur l’apprivoisement d’une sensibilité extrême ? La fin du livre me l’a confirmé.

L’auteure s’inspire de souvenirs d’enfance.

Extrait de sa postface, écrite en 2017 à la réédition du livre (qui a été adapté en film) :

“Il n’a jamais été aussi difficile qu’aujourd’hui de vivre simplement, de vivre une vie simple et sincère. La société a de plus en plus tendance à rechercher des leaders qui parlent d’une voix forte, à exclure ceux qui sont différents. La sincérité de la pensée individuelle est bien souvent raillée, parfois même considérée comme dangereuse.

Ce livre, je le regardais à l’époque avec une certaine appréhension en me demandant à qui il pouvait être utile, à part à moi-même et aux femmes ayant une nature similaire à la mienne ? (…) Qu’il parvienne à ceux qui en ont besoin. (…) et les encourage du mieux qu’il peut. Nous n’avons pas besoin d’une voix forte, nous pouvons tout à fait parler et communiquer avec une petite voix.”

Je vais confier ce livre à ma grande fille. Et puis tiens, envoyer un message à l’auteur.

Mémoire de fille ~ Annie Ernaux

Voilà longtemps que je n’avais lu de livre d’Annie Ernaux. J’en ai lu un ou deux prêté par une amie voilà bien des années. Je les ai aimés et n’ai plus eu l’occasion de croiser sa route. J’ai dû acheter celui-là à Strasbourg à la librairie Quai des Brumes.

 Dès les premières lignes j’ai été happée par la précision de ses mots, et la sincérité des souvenirs décrits ici. Un récit d’arrivée dans l’âge adulte, précipité par un été en colo, en tant que monitrice en 1958. Découverte de la sexualité, de l’amour (dans cet ordre), des relations humaines. Recherche de soi et d’une piste d’études et de profession. Annie Ernaux écrit ses souvenirs à la troisième personne pour rencontrer « la fille de 1958 » qu’elle a été.

Fort.

J’ai corné plusieurs pages.

Exemple de passage souligné : « Ce récit serait donc celui d’une traversée périlleuse, jusqu’au port de l’écriture. En définitive, la démonstration édifiante que, ce qui compte, ce n’est pas ce qui arrive, c’est ce qu’on fait de ce qui arrive. »

Sur le programme du ciné de Mainz, un film adapté d’un roman d’Annie Ernaux doit sortir bientôt. Das Ereignis, l’Événement. Je tâcherai d’aller le voir, tant pis si des actrices françaises parlent allemand.

Et je lirai d’autres livres d’Annie Ernaux.

La carte des Mendelssohn ~ Diane Meur

« Un roman en spirale qui se raconte lui-même. »

Diane Meur savait que le compositeur Félix était le petit-fils de Moses, un grand philosophe allemand des Lumières (moi je ne savais pas). Elle s’est interrogée : mais qui était donc le maillon intermédiaire entre deux génies : Abraham, fils de l’un, père de l’autre. Elle a dévidé la pelote vers toute la descendance de Moses, sur les cinq continents. Certains sont même passés par Mainz.

Dans ce roman, biographique, elle se dit elle-même, ses difficultés, ses avancées et ses rencontres. A Berlin en particulier où elle retourne après y avoir vécu deux ans, pour écumer la Staatsbibliothek (bibliothèque nationale) et arpenter les lieux de vie des Mendelssohn sous leur nouvelle apparence. L’auteur ne s’épargne pas. Le travail est énorme. L’authenticité du récit de ses démarches touche. Un tour de force d’une grande richesse.

Belge, écrivain de langue française, et traductrice, elle vit à l’échelle de l’Europe, comme les protagonistes de ce roman. (A un moment de retour en Allemagne pour ses recherches, elle doit s’éloigner de Berlin. Elle écrit : « J’avais oublié combien je me sens mal en Allemagne hormis à Berlin. »)

Diane Meur érudite, curieuse et passionnée, va au fond du sujet. Touffu et dense donc. Mais passionnant. On entre en Prusse par la petite porte (la seule autorisée aux juifs). Les itinéraires individuels croisent la grande Histoire. Felix Mendelssohn joue pour Goethe et la Reine Victoria. Wagner lui demande son avis. A la fin de la deuxième guerre mondiale, un des descendants de Moses se trouve dans la situation de délimiter le secteur américain de Berlin. Il propose de choisir les quartiers où les gens de sa famille ont vécu.

Lorsque je l’ai commencé, calé dans mon fauteuil crème (IKEA) dans le coin bibliothèque (/lingerie), je me suis vite sentie perdue parmi tous les personnages. J’ai failli abandonner. Et puis non, me suis-je dit. Tu adores les Romances sans parole de Mendelssohn, c’est d’ailleurs le dernier morceau que tu viens d’étudier au piano, attends au moins de le voir apparaître dans le récit.

Grand bien m’en a pris.
J’ai laissé tomber l’espoir de me souvenir de tous les protagonistes et me suis concentrée sur la poignée de principaux pour me laisser porter par l’histoire, le processus de recherche, et les anecdotes.

C’est pas simple c’est sûr. Les femmes se marient et changent de nom, les hommes aussi au gré des préférences orthographiques ou des conversions. La persécution des juifs les incite au changement de religion. Par souci d’intégration, ils adaptent alors prénom et nom. A titre d’exemple, une des six enfants de Moses, née Brendel Mendelssohn et juive en 1764 est morte Dorothea Veit protestante, après avoir été un temps catholique. Vous suivez toujours ?

Sur les fiches bristol où Diane Meur construit la ‘’carte des Mendelssohn’’, un arbre généalogique enrichi, elle compte 765 noms.

Difficile à poser le soir ce bouquin, offert par mon mari.

J’ai rencontré une famille foisonnante, mais surtout une écrivaine qui me parle.

Un livre pour les passionnés d’histoire, de biographies, d’écriture. Les curieux.

Indian Creek ~ Pete Fromm

Récit offert par mon fiston à Noël.

L’auteur Pete Fromm étudiant dans le Montana dans les années 70 accepte sur un coup de tête une mission pour les Eaux et forêts : s’installer pendant 7 mois, seul avec son chien, dans une tente, au fin fond des montagnes, pour surveiller pendant l’hiver des alevins de saumon.

Il doit tout apprendre de la vie de trappeur : couper du bois et chasser et s’accepter comme seul compagnon.

Ses journées, semaines, mois enneigés, il les consigne dans un journal dont il tire au retour un livre.

Ce roman d’initiation au coeur de grands espaces sonne juste. C’est aussi l’acte de naissance d’un écrivain.

Arte lui consacre un reportage : Grandiose Montana de Pete Fromm – dans une collection que j’ai envie de dévorer Invitation au voyage. Un artiste, un lieu, 14 minutes.

Le dernier roman de Pete Fromm est aussi formidable : Le lac de nulle part.

The irresistible Blueberry Bakeschop & Café ~ Mary Simses

Un feelgood book de qualité.

Une jeune avocate newyorkaise se rend dans une toute petite ville de la côte Est des Etats-Unis, dans le Maine, pour effectuer le dernier souhait de sa grand-mère : confier une lettre à son amoureux de jeunesse.

En arrivant elle glisse et tombe dans l’océan et manque de se noyer dans une baïne. Bien sûr un homme est là pour la sauver. Bien sûr il est jeune, beau et célibataire. Et les choses ne sont pas si simples.

Bien écrit, un joli voyage sur la filiation et les choix de vie de chaque génération, au pays des forêts, de l’océan et des myrtilles.

Un p’tit muffin ?

The Marlow murder club ~ Robert Thorogood

Cosy crime – Extra !

Lu au lit la journée post-booster et m’a permis de garder un moral de fer malgré les courbatures et la fièvre.

L’auteur a commis la série Mort au paradis.

Des nanas formidables (Miss Marple 2.0 et ses nouvelles copines), de l’humour, des meurtres à élucider dans la charmante petite ville de Marlow au bord de la Tamise. La suite paraitra à la fin de l’année, vivement !

Quand je serai grande, je veux être comme Judith Potts (et me baigner à poil à 77 ans dans la rivière le soir).

Une citation de mémoire : ” X L’auteur du crime ? Non ça ne peut pas être elle, elle fait du yoga !”

Titre français : Mort compte triple. Comment les traducteurs ont-ils le génie des titres ? Ils m’épatent toujours.

Sans jamais atteindre le sommet ~ Paolo Cognetti

Un voyage brillant, curieux et intense dans les vallées himalayennes, explorées en 2017 avec un livre culte, un chien rencontré en route et des amis.

Grands expaces là encore, et sagesse intérieure.

Je n’ai qu’une envie, découvrir les autres récits et romans de cet écrivain italien, dans la veine de Sylvain Tesson.

PS : Depuis que j’ai rédigé ces lignes, j’ai lu tous les Paolo Cognetti que j’ai pu trouver, avec à chaque fois le même plaisir (Les huit montagnes, Le garçon sauvage, Carnets de New York).

Une langue venue d’ailleurs ~ Akira Mizubayashi

Un récit original sur le bilinguisme choisi.

Au début des années 70, un jeune Japonais découvre la langue française grâce à des cours à la radio et se prend de passion pour son apprentissage. A l’étroit dans sa culture native, il s’éveille à la liberté de penser dans une langue étrangère. Simultanément il rencontre Rousseau et Mozart. Tout au long de sa vie, la langue, la pensée et la musique se répondent.

Au plaisir presque physique de produire des sons, le français ajoute celui de vibrer d’une mélodie nouvelle. Ses études le mènent à l’université de Montpellier puis Paris à l’ENS de la rue d’Ulm. Entre Japon et France, il se construit un entre-deux culturel sur mesure, un espace où il peut devenir écrivain d’expression japonaise et française, professeur de français à l’université de Tokyo. Il est marié (pourquoi allais-je ajouter bien sûr) avec une Française.

(Recommandé par la charmante librairie La cour des grands de Metz.)

Marcher à Kerguelen ~ François Garde

Enfilez un ciré, des gants, un bonnet, des chaussures de randonnée, le tout détrempé et glacial. Vous allez dormir entassé sous une tente dans la tempête en plein océan austral. Vous perdre presque dans des chaos rochers sauvages de ces îles de la Désolation. L’endroit le plus isolé du monde, aux rives parsemées de tombes. Et vous allez être HEU-REUSE/X !

François Garde, au style érudit un peu surranné, transmet son bonheur d’être là. Tout simplement.

Dans le cadre d’un poste de haut fonctionnaire, il a été responsable de ce bout de France perdu au royaume du vent. Il rêvait depuis ses passages de traverser l’île à pied. Avec trois amis, il est revenu et il l’a fait.

Si l’archipel vous démange, attrapez L’arche de Kerguelen de Jean-Paul Kauffmann.

(Il manque le 1er je l’ai prêté)

The Cazalet Chronicles ~ Elizabeth Jane Howard

Traduction française des tomes 1 et 2 en 2020, 3 et 4 en 2021. Tome 5 à venir en 2022. (Je les ai lus en anglais, donc je sais comment ça finit hé, hé). Pendant que je fréquentais la famille Cazalet, j’ai dévoré d’autres livres. Mais j’ai été triste de les quitter.

Moi qui furète aussi souvent que possible dans les librairies londoniennes je ne les avais jamais vus et n’avais jamais entendu parler de l’auteur non plus. Pourtant le dernier volume a été publié en 1990. La série a fait parler d’elle en France : je l’ai cherchée en anglais.

J’ai mis du temps à ouvrir le premier. Un jour d’été 2020, je l’ai attrapé avant de m’installer dans le hamac, j’ai lu les 20 premières pages, un peu découragée par l’arbre généalogique (s’il faut toutes ces précisions, c’est qu’on aura du mal à s’y retrouver non ?), pourtant séduite par les échanges. Je l’ai rouvert presque un an plus tard. Bien m’en a pris.

J’ai plongé dans cette fresque familiale avec délices. L’écriture est belle, la construction fluide. EJ Howard a un vrai talent et une grande humanité. La psychologie des personnages est travaillée et riche, l’introspection, subtile et précise. Les enfants, très présents, crèvent le papier (ça se dit ? comme on dit crèvent l’écran). Leurs dialogues sont étonnants de fraicheur et de vérité.

Dans une ambiance très anglaise, on suit les péripéties de trois générations avant, pendant et juste après la deuxième guerre mondiale. Les détails de la vie quotidienne donnent un éclairage historique précieux.

Une jeune libraire m’a dit que oui elle l’avait offert à sa mère. Elle-même ne l’avait pas lue, non. Petite moue. Du genre, ces sagas c’est bon pour occuper les vieux (comme moi). Personnellement ça m’aurait plu à tout âge. J’ai un gros faible pour l’ambiance anglaise et ce sont des livres de qualité.

Les deux premiers tomes ont été adaptés pour la télé par la BBC en 2001, et pour la radio en 2012. Je vais guetter leur réapparition au gré des programmations de Radio 4.

Qui était donc cette auteure ?

Un écrivain anglais majeur, distinguée par un CBE (Commander of the British Empire) FRSL (Royal Society of Literature) par la Reine en 2000. Mariée en troisièmes noces avec Kingsley Amis. Elle a publié une douzaine de romans.

Je suis plongée dans Slipstream (sillage) son autobiographie, l’occasion de découvrir ses sources d’inspirations, et apprendre comment elle a déconstruit son entourage pour construire ses personnages. (Elle a par exemple séparé ses passions du théâtre et de l’écriture en deux personnages distincts.)

Un peu trop long et détaillé. Mais EJ Howard a eu une vie extraordinaire. Les cahiers de photos en noir et blanc intégrées au livre intriguent (on y voit Charlie Chaplin et Romain Gary). Pour m’approcher un peu plus, j’ai écouté son interview sur Desert Island Discs (une émission culte de BBC Radio 4). En 1995, à 72 ans, sa voix est grave et posée.

Je cherche à savoir pourquoi la traduction française a mis trente ans. Vous avez une idée ?

Middle England ~ Jonathan Coe

(Le coeur de l’Angleterre)

L’Angleterre des Midlands dans les années qui précèdent le Brexit. Un roman qui accroche, des personnages riches, une analyse sans concession de la société anglaise et de la fracture cristallisée par le referendum. Pertinent. Dans la même veine que What a carve up !, mais moins incisif et plus touchant. Merci à l’amie qui me l’a prêté.

La découverte de l’intérieur de la société anglaise à travers mes séjours familiaux m’a montré à quel point il y persiste un système de castes rigide, effrayant pour un citoyen de la République. Jonathan Coe dépeint la situation avec précision, distance et humanité.

Le troisième livre de Coe que j’ai lu, Number 11, se passe à Londres. Intéressant, mais moins fort que les deux ci-dessus.

Au prochain arrêt ~ Hiro Arikawa

Le ton est donné en prologue : “Le héros de ce roman est la ligne Hankyu Imazu, l’une des moins connues du réseau Hankyu.”

Une ligne de train de banlieue, dans le sud du Japon. Des wagons rouges. Des habitués dont les parcours se croisent et s’influencent mutuellement au fil de leurs trajets. A l’aller. Puis au retour. Charmant et délicat. Sentiments et émotions comme esquissés à l’aquarelle.

Deuxième roman de l’auteur de Mémoires d’un chat. Acheté cet été sur recommandation d’une amie, une belle histoire d’amitiés (entre humains aussi). Avec leurs hauts et leurs bas, comme dans la vie.

J’aime beaucoup la littérature japonaise féminine (enfin, ce que j’en connais).

Armen ~ Jean-Pierre Abraham

Acheté à Bayonne à la Librairie de la rue en Pente ou à Metz à la Cour des Grands (dans une autre rue en pente), attiré par le mot de recommandation de la libraire. J’avais lu un autre récit sur un séjour dans un phare (Le phare, voyage immobile de Paolo Rumiz) très chouette aussi (dans des conditions bien différentes car sur un rocher en Italie).

Voyageuse casanière, nomade immobile, j’apprécie des textes qui ouvrent mon horizon. Une chambre-cellule dans un phare l’ouvre sur les tempêtes extérieures et intérieures.

J’ai commencé Armen sans rien savoir de l’auteur ni du contenu.

Aux premières pages, je me suis demandé si j’allais continuer. Je l’ai un peu délaissé pendant que je commençais La commode aux tiroirs de couleur d’Olivia Ruiz. Puis je les ai lus en parallèle. Bien m’en a pris. Je l’ai fini dans la chambre d’hôtel dans les Vosges, affalée sur le lit (pas une bonne idée pour le lumbago en gestation), happée par la force des mots.

Armen, le journal de l’auteur, sans mention de l’année, pendant ses quinzaines de garde dans le phare au large de la chaussée de Sein. Celui que les gardiens appellent « L’enfer des enfers ». Poésie, sincérité, questionnements sur la vie. Grande intelligence et sensibilité.

L’auteur m’a rappelé un autre homme attachant au choix de vie extraordinaire, qui assume ses besoins et refuse de se soumettre aux attentes sociales : Brice Delsouiller, berger d’alpage dans les Pyrénées. J’avais lu son bouquin (Des nuages plein la tête), prêté par une amie. Le documentaire sur Arte est passionnant*. Ambiance minérale et altitude verte et pourtant identique. La solitude assumée, la liberté comme cap.

J’ai souligné plusieurs passages. Ça ne trompe pas. J’ai voulu en savoir plus sur l’homme et le phare. J’ai été surprise d’apprendre que le texte date de 1959. L’auteur a vécu puis disparu. Offrant ce récit qui remue comme une déferlante. Oui d’autres se sont posé les mêmes questions. D’autres ont assumé des besoins exigeants pour se créer une ile dans le monde.

Soixante-deux plus tard tout est pareil. A chacun de s’inventer et de, toujours, chercher son phare. Un récit comme Armen peut y aider.

Ce n’est qu’une fois le livre refermé que je l’ai retourné pour lire la quatrième de couverture.

Pourquoi êtes-vous à Armen ? lui demandera-t-on un jour. « Je ne sais pas, répondra Abraham. Il me semble que j’avais l’impression que la vie se passait sans moi et à mon insu, si bien que j’ai décidé un beau jour, enfin, de changer. J’ai vu Armen, je suis passé par là en bateau, et puis tout d’un coup j’ai décidé de venir là. J’avais trouvé vraiment mon lieu.  Je crois que c’est ce qu’il faut chercher, trouver le lieu où l’on puisse devenir soi-même, s’épanouir ; être à sa place, bien dans sa peau. »

(Et aussi, le texte est superbe, et on apprend des trucs très intéressants sur la vie dans les phares).

*Brice, un vacher à l’assaut des Pyrénées, par Sandrine Mörch, Arte Geo 360°. S’il passe en replay sur Arte