Der Advent, l’Avent

Ich wünsche euch einen schönen 1. Advent ! (Je vous souhaite un joyeux premier dimanche de l’Avent !)

Les fêtes en Allemagne sont importantes, et l’avent (der Advent), le mois précédant Noël, est le temps où le charme lumineux du pays fait oublier les jours courts et la grisaille. Cette période est vraiment singulière en Allemagne. Différente de la fête de Noël à proprement parler. Toutes les maisons se parent dès fin novembre, et allument le premier dimanche de l’Avent, une bougie de la couronne du même nom. Chacun des quatre dimanches, les gens se souhaitent ainsi de passer une bonne journée, dans la magie d’une flamme vivante pour compenser les nuits de plus en plus longues.

Ces quatre semaines se passent dans les odeurs de branchages de sapin (Nordmann et Nobilis de ce que j’ai vu) et les parfums d’épices du Glühwein (vin chaud) et des petits biscuits de Noël. Tout se teinte d’une nuance ‘’avent’’, même les magasins rivalisent de ‘’promotions de l’Avent’’.

Le sapin de Noël n’arrivera dans les foyers que bien plus tard, le 24 décembre souvent. Adolescente, au siècle dernier, j’avais eu le privilège de passer les vacances d’hiver chez mon amie allemande à Cologne. La veille de Noël juste avant de se régaler de raclette (oui c’est un repas classique ici le 24 décembre), nous avions décoré le sapin.

Calées sur nos traditions familiales, les filles ont réclamé avec ‘’de grands yeux brillants’’ (c’est leur technique de négociation) de choisir notre sapin de Noël dès le premier décembre. « Allez, maman, daddy, on y va ! Sinon on n’aura pas le temps avant… avant la Saint-Glinglin ! » (Tiens comment dit-on Saint-Glinglin en allemand ?). Pleins d’enthousiasme, et presque convaincus pendant quelques minutes d’être des parents formidables, nous sommes allés à la jardinerie où nous avons nos habitudes, certains aux rayons plantes, d’autres plutôt à l’animalerie… Michael Bublé s’époumone dans la voiture : « It’s beginning to look a lot like Christmas … »

« Whaou ! Tous ces sapins ! Et y’a personne ! On aura plein de choix ! » Nous nous précipitons sur le parking reconverti en forêt de conifères de toutes les tailles. Y’a même des sapins danois. Non, on va rester dans le local hein, pas besoin d’un arbre qui a fait du tourisme dans un camion. J’aime bien le sombre, tout décoiffé, là. Les filles préfèrent l’autre là-bas, bien régulier. Après un conseil familial ardu, nous tombons d’accord sur un troisième (Nordmann, 2 mètres, la flèche un peu tordue en haut pour faire plaisir à maman). Chouette ! nous allons pouvoir le décorer dès cet après-midi ! Nous commandons au monsieur du parking celui qui va faire partie de notre vie pendant un mois. Et nous entrons dans le magasin pour lui acheter un pied pour l’installer.

Sauf que ….  La loi allemande n’autorise le dimanche pour les jardineries que la vente de végétaux (en tous cas en Rheinland-Pfalz). Rien d‘autre. (Déjà bien contents que cette partie-là soit tolérée, en règle générale ici le dimanche c’est franchement tristoune et très fermé). Le magasin est immense, magnifique, tout décoré. Un marché de Noël est même éparpillé dans les rayons : cabane du Père Noël, chalets-snacks pour le vin chaud et les Bratwurst (saucisses), patinoire intérieure, et même deux pistes de curling. Nous sentons notre impatience de Noël frétiller…. A vide. Curieuse impression que de se promener entre des rayons balisés par un cordon (rouge et blanc certes), de contempler un décor de fête aussi calme et froid que le Sahara la nuit en plein hiver (et j’ai le souvenir d’une nuit dehors en décembre par -7°C au sud de l’Algérie). Les pains d’épices nous narguent. Nous avons trouvé près des caisses le support pour le pied du sapin. Nous l’avons regardé, touché et… laissé sur place. Il nous faudra revenir. Et sans doute penser aux gants pour le patin à glace.

Notre beau sapin, roi du jardin, est donc entreposé dehors sur la terrasse en attendant de pouvoir tenir debout. Mais tout n’était pas perdu pour autant côté préparatifs. Mercredi c’était le 4 décembre, la Sainte-Barbara. En Provence, la Sainte-Barbe c’est le jour où on met les lentilles à germer. Une coupelle, du coton, des lentilles, un peu d’eau tous les jours. Les pousses timides se déplient et s’allongent. Entourée d’un ruban rouge, la prairie de poupée décorera la crèche ou la table de Noël. Si elles poussent dru et dense, c’est un bon présage pour les récoltes de l’année suivante. Notre stock de lentilles du Puy était à sec, nous guettons donc le frémissement vert dans les graines brunes et bio allemandes.

J’ai évoqué cette coutume avec des amis allemands qui m’ont raconté une ancienne tradition similaire dans les régions catholiques d’Allemagne. A la Sainte-Barbara (Barbaratag), le 4 décembre donc, les familles coupaient des branches de cerisier et mettaient le bouquet de Barbarazweige (les rameaux de Barbara) dans l’eau à l’intérieur. En fonction des régions c’étaient des branches de prunier, de pommier, de noisetier, de sureau ou même de forsythia. Des fleurs épanouies pour Noël apportaient grâce à la table de Noël et chance à la famille hôte. J’ai recherché ce lien entre la sainte et la renaissance végétale. Selon la légende, Barbara avait été enfermée dans une tour par son père, un empereur païen d’Asie mineure, pour la protéger (!), et se consolait en versant un peu d’eau sur une branche sèche de cerisier qu’elle avait trouvée. Juste avant son martyr sont écloses les premières fleurs.

Retour à notre premier weekend de l’Avent. Faute de pouvoir décorer le sapin, nous avons fait un tour au marché de Noël de notre quartier. Installés pendant deux jours, les stands des clubs et des associations proposent des Plätzchen (biscuits de noël, faits maison), du Glühwein ou du punch chaud pour les enfants. De quoi financer leurs projets dans une ambiance festive. Là une classe du collège de ma grande, qui veut diminuer le coût de son voyage au ski. Plus loin, la cabane de l’école de ma plus jeune, où parents et enfants se relaient à la vente de leurs productions. (Comme partout, ce sont souvent les mêmes qui font, vendent puis achètent les gâteaux pour le sou des écoles). Les stands offrent de l’artisanat vraiment local. Une crèche propose sur le sien une activité Stockbrot (ou pain sur bâton). Comme son nom l’indique, il s’agit de tenir au-dessus des braises, un long bâton sur lequel a été enroulée de la pâte à pain. Ça croustille, ça rougeoie, ça pétille. Et surtout il y fait chaud à côté des mines éblouies des gamins. L’ambiance est familiale et bon-enfant. On croise des têtes et des voix connues. Il fait nuit. Il fait froid. Tout le monde est dehors.

Aujourd’hui 6 décembre c’est la Saint-Nicolas, saint patron des petits chocolats. Ma plus jeune fille vient de brosser ses chaussures pour qu’il puisse y déposer des friandises. Quand je lui dis que côté sucreries avec quatre calendriers de l’avent et son anniversaire à venir, on va peut-être rester sobre, elle m’explique sur un ton péremptoire : ‘’On est en Allemagne, on n’est plus en France !’’. Soit donc. Saint-Nicolas est prié de passer (avec des noix et des clémentines s’il vous plait).

Au collège, cette semaine, un système de petites attentions personnalisées a été mis en place. Les élèves pouvaient payer au cours de la semaine quelques euros pour qu’un Saint-Nicolas en chocolat soit remis à un destinataire de leur choix du même collège ou d’un établissement partenaire. Avec un petit mot. Ma fille est rentrée tout à l’heure avec le cadeau d’une amie et un grand sourire.

Et maintenant il est 16 heures passées. Il fait très froid. La pluie tombe dans les halos des réverbères qui viennent de s’allumer. La roue arrière de mon vélo est crevée depuis ce matin. Nous avons rendez-vous dans une demi-heure avec la classe de ma plus jeune (4. Klasse, des CM1) dans la forêt voisine, à la Grillhütte (une cabane municipale qui abrite un barbecue et que l’on peut louer). Aucune idée de là où elle se trouve. Jusqu’à voilà deux heures je croyais encore que la hutte en question était celle où nous étions allés cet été, dans un parc. A l’aide ! J’écris un message au groupe des parents. Je reçois un lien internet, et un message d’un autre papa qui me dit que le jour où il l’a cherchée, il ne l’a jamais trouvée… Ça promet…

’Allez minette c’est parti ! on s’équipe et on y va !’’.
Grosses bottes, chaussettes chaudes, pulls et vestes empilés, bonnets, lampes électriques, saucisses crues, salade de fruits (notre contribution au buffet), vaisselle en plastique pour 3…. Je regrette de quitter un intérieur douillet pour une hypothétique cabane humide et froide dans la nuit d’une forêt mouillée. « On ne restera pas trop longtemps, hein ? ». Pourtant en septembre, à la réunion des parents d’élèves, l’idée du barbecue de Noël m’avait emballée.

Nous trouvons la cabane, dans un coin plus reculé que nous ne pensions. Plusieurs familles bien emmitouflées sortent des voitures. Vite, à 16h30 tapantes nos enfants vont chanter des chansons de Noël ! A travers les fenêtres de plastique de la hutte, des lumignons et des guirlandes de lumière nous guident. C’est charmant. Des mamans attentionnées ont décoré les murs et les tables en bois qui entourent le grand barbecue central. Le feu crépite déjà.  Les thermos de Glühwein sont disposés d’un côté, ceux de punch chaud pour les enfants d’un autre. (Toujours très bien équipés côté matériel de pique-nique les Allemands, ils ont même des boites en plastique spéciales-gâteaux avec des poignées). Et c’est parti pour des grillades dans la nuit, toutes saucisses alignées sur un mètre carré de grille suspendue au-dessus des braises et sur l’air de Feliz Navidad ! Ca sent la fumée et parfois les yeux piquent ! Extra !

Demain, nous retournerons sans doute au grand marché de Noël de Mainz, au pied de la cathédrale. Dépaysant (pour nous) et gai, surtout de nuit dans ses mille lumières. De quoi oublier les jours bien plus courts qu’à Lyon à la même période. En ce moment l’école commence et finit presque dans le noir.

En Allemagne, l’effeuillage du calendrier de l’Avent nous emmène de lumière en plaisir. Que nous réserve le calendrier de l’après ?

Pot-pourri de Noël

Le compte à rebours vers le numéro 1 du calendrier de l’Avent s’accélère. Les bouquets de rameaux de sapin s’accumulent dans les magasins. Les marchés de Noël, les concerts et fêtes arrosées de Glühwein (vin chaud) s’étalent sur les panneaux d’affichage. L’Advent (avent) est une période à part en Allemagne, une parenthèse de lumière. Intense, gourmande, essentielle. Des couronnes de branchages décorées s’invitent dans les foyers, les bureaux, les écoles, sur les portes d’entrée. Celle de la classe de ma fille, grande comme une roue de charrette, portera les espoirs de Noël de tous les enfants. Partout, une main attentive retiendra sa respiration pour allumer chacune des quatre bougies de la couronne, à tour de rôle, pour les quatre dimanches de l’Avent (une pour le premier, deux pour le deuxième etc.). A la Noël, personnages de cire, elles auront chacune une taille différente.

L’an dernier, novices en terre germaine, nous avions attendu la toute fin novembre pour acheter une couronne. Surpris et déçus, nous avions constaté là encore que nos concitoyens anticipent beaucoup leurs achats et que les stocks ne sont pas renouvelés… Nous avions donc fabriqué notre couronne nous-même avec de la verdure glanée et avec grand plaisir. Pleins d’élan, nous en avions tressé deux, une pour la table et une pour la porte d’entrée. Cette année, on ne nous y reprendra pas, nous avons anticipé notre équipement. D’ailleurs les bougies, nous les avons depuis un an. Je viens d’acheter notre couronne au marché de Mainz, avec mon ‘amie simultanée’. Elle m’a expliqué comment y fixer les bougies : avec de petits socles en métal. Je me sens vraiment privilégiée et intégrée à la culture locale de déambuler ainsi dans les préparatifs festifs avec une Allemande.

Notre Noël familial est un peu comme notre mode d’expression : multiculturel. Mon mari et moi avons emprunté leurs traditions à nos Noëls d’enfance pour un mélange personnalisé issu d’habitudes anglaises et provençales. Nous chantons les Christmas carols et écoutons la Pastorale des santons de Provence. Le 4 décembre, nous mettons les lentilles à pousser sur un lit de coton dans une soucoupe. Nous avons perdu le compte des treize desserts aux côtés des marrons glacés de l’Ardèche, du Christmas pudding et de son acolyte fondant le brandy butter (beurre sucré et parfumé au cognac). Surtout depuis que nous y ajoutons le Lebkuchen (pain d’épices) et les Plätzchen (biscuits de Noël). Cette année nous allons découvrir les chants traditionnels du répertoire allemand : je viens d’acheter une nouvelle partition pour piano et flûte. Déjà avec ma fille nous connaissons Kling Glöckchen kling (sonne carillon sonne).

Nous sommes fin Novembre, et depuis quelques temps déjà nous sentons frémir les festivités. Voilà trois semaines, nous avons fait le Christmas cake. Gâteau dense aux fruits confits et aux épices, mûri pendant plusieurs semaines bien emballé sur un coin du plan de travail de notre petite cuisine. La quête aux raisins de Corinthe et au quatre-épices est un rituel familial. Comme de donner, l’un après l’autre, un tour de cuillère dans la pâte avant de la verser dans le moule. Pour porter bonheur sans doute. Ou d’y cacher deux pièces de one pound, fèves de Noël, là aussi de bon augure pour celui qui les trouve. Il est de bon ton de l’arroser régulièrement de cognac, mais nous sautons cette étape. Après l’avoir glacé et décoré d’une branche de houx, nous l’entamerons le 24 décembre avec une tasse de thé.

Bientôt, j’irai faire un peu de spéléologie secrète dans le cagibi pour trouver les décorations de Noël. Avec des chocolats, des toffees et du fudge (anglais) et les papillotes rapportées de Lyon, je fourrerai les petites poches de nos calendriers de l’avent : une guirlande de stockings (grandes chaussettes des Noëls anglo-saxons) pointure 3 et un lutin grandeur nature (il a un grelot au pied pour me prévenir quand ma plus jeune et plus gourmande se servait toute seule du haut de ses trois pommes). Ici mes copines remplissent leurs calendriers de l’Avent de petits cadeaux pour leur famille. Nous réservons les tous petits trésors pour le matin de Noël dans les stockings. Suspendus la veille à l’espoir de leurs propriétaires et à la poignée de la porte de leurs chambres, ils débordent à l’aube du 25 décembre de petits riens charmants (carnets, crayons, jouets, tubes de crème, pièces en chocolat, noix et oranges…).

En Allemagne, les petites friandises remplissent les chaussures des enfants le matin du 6 décembre. S’ils ont été sages. Et si lesdites chaussures ont été bien nettoyées et cirées avant d’être rangées la veille au soir devant la porte de la maison. Nous n’avons pas intégré la tradition chocolatée de la Saint-Nicolas. Notre mois de décembre riche de deux anniversaires et de Noël ne le digèrerait sans doute pas. Le 6 décembre reste donc pour nous celui qu’il a toujours été : l’anniversaire d’une amie d’enfance.

Sur les étagères encombrées de la remise, je dénicherai aussi notre crèche maison, en terre, pliée dans du papier de soie. Elle a été modelée par mon fils enfant. Marie, Joseph, trois rois mages, l’âne et le bœuf, un ou deux moutons et un berger en houppelande. Et bien sûr le petit Jésus, équipé d’un ballon de foot et d’un doudou.

Nous l’installerons au pied du sapin. Un neuf, un de notre nouveau coin. Nous avons emporté celui de Lyon, bien installé dans un pot. Il nous a déjà réjoui deux Noëls. Mais cet été son côté à l’ombre a roussi. Nous l’enguirlanderons donc sur place de lumière.

Et quand notre intérieur et notre jardin seront pomponnés, nous pourrons nous tourner vers les réjouissances extérieures. Les barbecues de Noël des classes de nos filles, dans la nuit du parc (prière d’apporter des vêtements chauds et des lampes de poche) et le marché de Noël de Mainz. Nous réchaufferons nos mains gelées autour d’un Glühwein ou d’une Bratwurst dégoulinante de moutarde, en regardant les angelots, les étoiles en papier et les Nussknacker (casse-noisettes-soldats décoratifs, qui écrasent les noix entre leurs dents). Les préparatifs vont déjà bon train. Les petites maisons en bois recrutent des mains souriantes.

Pour le repas de Noël, nous renoncerons sans doute cette année encore aux escargots, faute de matières premières (dans les magasins). Nous ne mangerons pas de raclette le 24 selon la tradition germaine. Nous ferons cuire la dinde, accompagnée de pigs in blankets (petites saucisses enroulées dans de la poitrine), de bread sauce (sauce blanche au pain, béchamel épaisse), de légumes racines et de choux de Bruxelles (que tout le monde prépare en Angleterre pour Noël, mais que personne n’aime – y’a qu’à les voir bradés dès le 26/12). Au dessert, nous flamberons de bleu le Christmas pudding, après avoir éteint la lumière. Un Christmas pudding de la marque MacLaren, en l’honneur du clan écossais d’origine de mon mari.

Et si nous avons été sages, nous trouverons dans nos souliers, devant la cheminée ou sous le sapin, des cadeaux par milliers.