Hier matin je me suis promenée seule dans la grande forêt qui borde notre quartier. Un moment de grâce. L’écrin protecteur de grands hêtres, noisetiers et pins, peine à dissimuler une dizaine d’écureuils en pleine razzia de saison trahis par le froissement des premières feuilles mortes, et leur éclair roux. Là une cabane-tipi en branches. Je m’égare volontairement dans les nombreux sentiers tortueux. Je croise un groupe de mamies en pleine gym, une autre assemblée de mamans en poussettes en séance d’étirements collectifs. Un Kindergarten (maternelle) en goguette sur une aire de jeux en troncs sculptés (chiens interdits). Des dames ou des monsieurs seuls. Des marcheurs de tous les âges. Une grand-mère avec un bébé dans un landau. Tout ce petit monde marche et prend l’air. Aucune sensation de mal-être ou de peur insidieuse à se retrouver seule au détour d’un croisement. Les gens que je croise ne me donnent pas l’impression d’avoir d’autre motif que le sport et le plein air. Pas de regard furtif, ni de pas soudain accéléré. La forêt est propice à la détente, même pour une femme seule. Je le remarque et l’apprécie. Il faudra encore plusieurs promenades à ma vigilance pour se rasséréner, et oublier le mode de fonctionnement acquis après tant d’années de promenades au Parc de la tête d’or.
Le soir, mon mari est rentré du travail avec deux pots de confiture achetés devant une ferme. C’est un système très courant par ici, utilisé par les producteurs et les habitants en général. Sur une petite table sont disposées les productions proposées à la vente et à l’honnêteté bienveillante du chaland. Les prix sont indiqués. « Prière de laisser son obole dans la boîte prévue à cet effet ». Il y a fort à parier que le chiffre d’affaires collecté le soir correspond à celui qui est attendu.
La confiance et le respect semblent être des valeurs courantes en Rhénanie, en tous cas dans les petites villes. Bien sûr les vols existent. Nous nous sommes d’ailleurs fait voler un vélo tout neuf près de la gare. Mais cette impression générale de confiance nous oxygène d’une bouffée de fraîcheur. Et cela fait un bien fou.
D’ailleurs, le concitoyen est présupposé honnête. Le soupçon de mensonge, de dissimulation, de fourberie semble inconnu dans une joyeuse naïveté reposante. Je me souviens l’an dernier quand j’ai dû procéder à l’échange de deux feutres qui ne correspondaient pas à la liste des fournitures scolaires (à l’aide !). Le rayon papeterie du grand magasin étant au premier étage, je suis vite montée et me suis dirigée directement vers la caisse pour leur laisser lesdits stylos avec la preuve de mon achat – afin de pouvoir aller chercher les nouveaux sans être soupçonnée de vols (encore un réflexe acquis). La caissière, surprise par ma démarche, m’a laissé mes feutres et mon ticket de caisse. Elle m’a conseillé d’aller faire mes emplettes et de revenir vers elle ensuite. Tranquillement, sans inquiétude. (Enfin, la prochaine fois, c’est sûr je serai sereine.)
Cette confiance pourrait-elle naître du fait que l’habitant germain, respectueux des règles (trop ? nous y reviendrons), ne fait pas ce qui est interdit ?
A ce sujet, une anecdote. Je me promène avec une amie dans la campagne alentour, et nous passons devant le collège de nos filles, puis devant une école primaire. Dans les deux cas, l’accès est libre : au collège le portail est ouvert, à l’école, il n’y a même pas de portail. Et comme c’est l’heure de la récréation, les enfants jouent dans la cour à quelques mètres de nous et de la rue (très calme tout de même). Je fais part de ma surprise à mon amie : « Il n’y a pas de portail et les enfants ne sortent pas ! ». Elle me répond, stupéfaite de ma réaction, presque choquée : « Mais… c’est interdit ! ».
A bon entendeur…
“In England, everything is permitted except what is forbidden. In Germany, everything is forbidden except what is permitted. In France, everything is allowed, even what is prohibited. In the USSR, everything is prohibited, even what is permitted”. Winston Churchill.
Nous n’aurons plus l’occasion d’aller en URSS, mais pour les trois autres pays, nous avons vérifié cette approche. Par exemple dans le code de la route, un panneau bleu avec une flèche blanche barrée indique en France qu’il n’est pas possible de tourner dans cette direction. En Allemagne, on trouvera le même panneau avec une flèche non barrée indiquant quelle est l’orientation autorisée.
Encore des réflexions bien intéressantes qui font réfléchir…Hâte de lire le prochain article! Bises
Merci beaucoup. Je m’en occupe !
Quand te lances tu dans l’écriture d un roman !!
Très agréable de te lire et de plonger dans cette aventure familiale !
Merci miss ! pourquoi pas ?
Merci ma belle de nous faire partager si joliment les hauts et les bas de votre installation OutreRhin …ça ne manque pas d’humour (après coup !) mais sur le moment tu as dû te demander bien souvent ce que tu faisais là ?
Un grand merci pour ces témoignages touchants! J’ai pris beaucoup de plaisir à les lire. On oublie que les différences culturelles sont aussi importantes.