Une première semaine d’école entre fournitures scolaires, retrouvailles et rencontres.
Des cahiers et des livres éparpillés sur le tapis du salon, celui qui sert d’habitude de praticable pour les acrobaties. Des rouleaux de Scotch (pardon, Tesa film), un arc en ciel de protège-cahiers. La nouvelle boite de peinture, avec son gobelet emballé… Les filles viennent de recevoir leurs listes de fournitures (pourquoi ne pas les envoyer plus tôt ?). Nous avons suivi les conseils de la voisine pour éviter les grandes surfaces lointaines et bondées et soutenir le commerce local. Nous sommes allées au tabac-papeterie du coin.
La voisine a dû partager son truc avec beaucoup de copains. Nous avons fait la queue, à l’extérieur sur le trottoir, à 1,5 mètre des autres clients (ou à peu près. En France c’est 1 mètre, en Allemagne, c’est 1.5 – 2 mètres). La vendeuse prend les demandes à la porte, une par une. Comme elle n’a que des protège-livres individuels, nous lui avons remis nos kilos de manuels pour qu’elle puisse choisir le format adéquat.
Depuis la première rentrée de mon aîné, je dois avoir acheté 2510 taille-crayons, 40.543 effaceurs et le double de cartouches d’encre. Une ribambelle de trousses…. Des françaises, des allemandes (trousses-plumiers où chaque stylo est glissé dans un élastique) – parce que bon, faut ranger ses crayons comme les copains. (Tu comprends maman, la mienne elle est cassée / perdue / mangée…) Et une galaxie de gommes de toutes les couleurs. Pourtant quand on en a besoin, on n’en trouve jamais. Hop dans un trou de l’espace-temps avec les chaussettes orphelines !
Notre benjamine a fait son entrée au collège. Fière et sérieuse sur le vélo encore un peu haut hérité de sa sœur. Son cartable (oui ici aussi les cartables sont beaucoup trop chargés) la déséquilibre presque. Elle semble avoir déjà des copines et des repères. La reprise se fait en douceur. Les journées complètes commenceront la semaine prochaine. Dans ce collège, la semaine de rentrée, se fait sans cantine (‘’pour des raisons d’organisation’’ : ah ?), ni cours l’après-midi.
C’est une étape pour notre famille, puisque c’est la dernière fois qu’un de nos enfants entre dans un nouvel établissement – en théorie, parce que si nous rentrons en France l’an prochain, cette même demoiselle aura droit à une deuxième entrée au collège, en 6ème cette fois.
La réunion de rentrée pour les parents a eu lieu hier. Dans la cantine et non dans la salle de classe des enfants, pour cause de distanciation sociale. Disciplinés, avons avons porté un masque pour entrer et nous sommes assis en quinconce. Personne ou presque ne se connaît encore.
Nous avons ouvert tout grand nos oreilles. La classe verte d’intégration pour les 5. Klasse est annulée pour cause de corona. Elle sera remplacée par des journées de randonnée. C’est déjà ça ! Le masque est obligatoire pour tous les déplacements, mais pas une fois assis au bureau (ni en cours de sport, où la distanciation n’est pas non plus exigée…). Une grande chance par rapport à nos amis de Cologne en Nordrhein-Westfalen : pour eux depuis la rentrée le masque est obligatoire à l’école TOUTE la journée.
L’ordre du jour prévoyait les élections des parents délégués. Puis des représentants auprès du conseil de parents. On a d’abord voté à main levée pour choisir de voter à main levée. C’est un truc très sérieux ces élections. Déjà en arrivant la première année, ça m’avait surpris. Deux candidates sortantes pour deux postes. Nous avions quand même suivi à la lettre les formalités officielles. A chaque annonce de résultat, les parents ‘’applaudissent’’ en tapant sur la table (des phalanges, comme pour frapper à une porte).
Lors d’un tour de table (disons d’un saute-mouton de table en table), chaque parent s’est présenté à tour de rôle (je n’ai pas jugé utile de donner mon âge, et ai renoncé à mentionner ma pointure de chaussures). Les enfants sont ensemble pour au moins quatre ans donc leurs parents aussi. Après cette séance de près de 3 heures dans une cantine trop chaude, je suis soulagée que la réunion de ma grande soit la semaine prochaine.
Surprise le premier soir : nos filles nous ont annoncé qu’une famille française est arrivée dans le quartier. Leurs enfants sont dans leurs classes.
–Ils ont de la chance de vous avoir les nouveaux arrivants, vous allez pouvoir les aiguiller !
–Oui oui, mais moi aussi j’ai de la chance ! ça fait trop du bien de pouvoir parler français !
–Ah c’est sûr oui.
-Tu te rends compte ça fait juste qu’une semaine qu’ils sont arrivés en Allemagne !
–Oui, oui, je me rends bien compte…
Chouette des nouveaux copains pour papoter et se comprendre facilement, des voisins avec des références communes. Avec qui échanger nos trouvailles.
Alors tout d’abord, leur indiquer le marché de Gonsenheim, les mercredis et samedis matin, redéployé depuis mars le long du petit parc. Avec son fromager, son boulanger, ses trois primeurs, son poissonnier (le seul à des kilomètres à la ronde) et son boucher. Son fleuriste sympa qui vend les tomates de son jardin et des bouquets de fleurs du quartier. Ses reines-marguerites violettes, les tournesols et les sédums en bouton me tiennent compagnie.
Après le marché, prendre le temps d’un café dans l’adorable boutique de créations du Sonntagskind, https://de-de.facebook.com/Sonntagskind.Cafe
Ensuite leur proposer de choisir quelques légumes frétillants, un sécateur et un seau d’eau pour se cueillir des fleurs chez Frau Schmidt et son mari. Ils doivent avoir 165 ans à eux deux et cultivent toujours une exploitation maraîchère fleurie.
Leur chuchoter d’aller au jardin d’Odile (http://www.landragin.de/) un paradis secret, dissimulé de la rue par la rangée de maisons. Un jardin en longueur, avec des coins et des recoins, des serres anciennes, des antiques bassins, des alcôves de verdure. Quelques sculptures éparpillées. Une amie m’y a emmenée au printemps. On se dirigeait presque au parfum des rosiers et des jasmins, des pittosporums… extraordinaire ! A chaque passage entre les arbres et les grappes de roses, le fond du jardin se dérobait, ouvert sur un coin repos avec un banc, un potager, une pelouse couronnée de marguerites sauvages. Odile est une française installée ici depuis toutes les années qu’il a fallu pour créer cet univers, planter, tailler, couper. Elle vend des plantes et loue son jardin pour une fête ou un concert à la belle étoile. Bien guetter l’inscription manuscrite sur son portail pour repérer l’entrée. Vaut les tours et les détours.
Leur conseiller les promenades le long du Gonsbach, ce tout petit ruisseau chantant. Le chemin entre les saules et les aulnes est bien marqué. Il longe de charmants jardins ‘’ouvriers’’, des Schrebergärten (jardins de Schreber), comme on dit ici, du nom du médecin qui les a mis en place au 19ème siècle. Résister à l’envie de fourrer des poignées de terre noire fertile dans ses poches. Fermer un peu les yeux pour humer les rangées de fenouil et de coriandre du maraîcher. Laisser trainer son nez du côté des roses hissées sur les barrières de bois.
Arpenter les steppes du Mainzer Sand, (le grand sable de Mainz) qui fleurissent après la pluie. Chercher le troupeau d’ânes qui y broute en ce moment. Tâcher d’oublier le ronronnement entêté de l’autoroute qui coupe la forêt en plein milieu.
Ah et chez le boulanger, pour le petit déjeuner du week end, acheter des Brötchen bien sûr, ces petits pains ronds variés et des Quarktasche, des viennoiseries au fromage blanc.
Voilà pour les découvertes urgentes. Pour le reste, la ville, l’administratif, on aura le temps d’en reparler.
–Hein, qu’est-ce que tu dis mon chéri ? L’échéance de la déclaration d’impôts approche ? Mais on ne vient pas juste d’en faire une de déclaration d’impôts ?
–Oui mais c’était la française.
Je vous laisse, va falloir s’y coller.
Ça on ne leur dira pas hein, le casse-tête d’être à cheval sur deux systèmes administratifs.