Entre nous, vous et moi savions bien qu’on allait devoir y passer, par la cuisine et le restau. Non ?
Je pourrais vous parler des pommes de terre (‘’Pommes’’ lorsqu’il s’agit de frites). Je choisis de vous conter plutôt les petites cabanes en bois, déguisées en fraises à coup de peinture rouge et blanche. Tout droit sorties d’un conte de fées, elles fleurissent au printemps sur les parkings des supermarchés, les places principales de Mainz. Fraises et asperges blanches sont proposées par les producteurs locaux. Circuit plus que court, qualité extra, prix raisonnables : comment résister ? « Oh non, encore des asperges maman !? »
Mainz est au cœur d’une région agricole riche et de vignobles réputés, comme en témoigne le jumelage de la ville avec Dijon. Pommes (fruits) très variées, cerises, quetsches, fruits rouges, rhubarbe, salades (vendues avec leur pied dans de petits sachets), légumes feuilles et racines, champs de raifort, choux de toutes les couleurs. Nous nous régalons de la variété de l’offre proposée – en appréciant chaque bouchée des fruits du soleil plus rares ici : melons, pêches, abricots, raisins chasselas ou muscat de Hambourg (que nous n’avons pas trouvé au nord de la frontière contrairement à ce que son appellation laisserait entendre). Les branches lourdes de l’abricotier du voisin nous narguent ; un pêcher sain au coin de la rue et quelques figuiers portant des fruits me surprennent sous cette latitude.
Côté protéines nous avons modifié sérieusement nos menus. Nous avons renoncé presque quasiment hélas au poisson (sauf les jours de filet de lieu noir ou de truite du Taunus quand nous allons au marché) et aux fruits de mer. Le poissonnier du marché dispose de temps en temps de moules sous vide, ou d’huitres, vendues probablement à l’unité, car sa bourriche de dinette n’en compte que 4 ou 5 pièces (on n’a pas envie de tester).
La viande de bœuf est excellente – mais là, comme côté paysages, il nous manque la variété que nous connaissions chez notre fournisseur du samedi. Le cheptel teuton est moitié moins grand que le français. Peu de veau donc. Le porc est lui, comme on s’en doute, omniprésent. Je viens d’apprendre dans un livre de JP Kauffmann sur un tableau de Delacroix (La lutte avec l’ange), que le peintre, fin gourmet, consignait dans son journal ses adresses pour se procurer du jambon d’Angleterre, et du jambon de Mayence. Il va falloir que l’on creuse le sujet…
Car comment s’y retrouver dans cette jungle de charcuterie germanique ?
« On se rejoint au rayon saucisses ! » est une injonction à éviter si on ne veut pas organiser le barbecue dans le supermarché. Mes papilles françaises élevées côté cochonaille aux saucissons de l’Ardèche, à la merguez, au godiveau (avec ou sans herbes s’il vous plait), et éventuellement aux saucisses de Strasbourg et de Francfort (ah tiens, un indice), de Montbéliard ou de Morteau les jours de potée ou de choucroute (autre indice), peinent à comprendre la variété de l’offre germanique. Bratwurst au cochon ou au bœuf, plus ou moins industrielles, de toutes les tailles, Fleisschwurst (viande hachée finfinfin type saucisse de Francfort – littéralement saucisse de viande), salami, saucisses fumées séchées. J’ai dû demander à droite à gauche des indices d’utilisation de cette pléthore de salaisons.
Réponse unanime : grillen ! Poser les Bratwurst quelques minutes sur le barbecue reste une valeur sûre. La grillade extérieure, chez soi, dans les parcs, est un pivot du mode de vie allemand. Toutes les réunions amicales offrent le prétexte de se retrouver autour d’un feu alléchant. Un ami m’a dit que cet engouement pour le barbecue était plutôt récent, et date des vingt dernières années. Les modèles sont formidables et olympiques. Certains mastodontes quasi-professionnels atteignent des niveaux de prix et de qualité que nous ne soupçonnions pas. Sans doute sont-ils garantis sur 4 générations. Les accessoires de marque Napoleon (encore lui !) nous font sourire.
Les Allemands utilisent souvent un dispositif ingénieux : une grande bassine en métal noir pour y nicher le feu (Feuerschale) et un trépied pour suspendre la grille au-dessus plus ou moins haut. Après les Bratwurst, sortez les guitares, le barbecue redevient feu de camp. Extra et dépaysant !
La baguette craquante nous manque. Mais les pains que nous trouvons ici sont délicieux, variés et nutritifs. Les pains noirs ne sèchent presque jamais. Grâce au magazine pour enfants GEOlino qui traine dans le salon, j’ai appris que la culture du pain allemande était classée au patrimoine mondial de l’Unesco (si, si), et que sur le territoire sont pétris pas moins de 3200 pains différents. 3200. Il faut bien ça pour y tartiner du beurre, du fromage et du salami.
Côté fromage justement, pour varier, et accueillir dans une ambiance locale des amis français en visite, nous sommes allés découvrir un supermarché haut de gamme de Mainz. Au rayon fromagerie, on demande conseil sur les produits allemands. La fromagère fait la grimace, et non avec la tête. Toute la queue rit. « Et des fromages suisses ça vous dirait ? ». Ça nous a dit. Et nous n’avons pas fait le déplacement pour rien : nous avons découvert la machine à éplucher les asperges. Nous sommes bien dans une région productrice et au pays de la machine-outil. Grande comme un piano droit, elle ne rentre pas dans une cuisine (en tous cas pas dans la nôtre), mais nous a rendu un grand service !
Reste que manger varié demande ici plus d’effort et d’argent.
Pourtant au restaurant les portions sont immenses et peu chères. Cependant, sorti des Wienerschnitzel – Pommes (escalopes panées – frites) les plats sont souvent décevants. Trop de sel, trop de chou, trop de sucre dans la vinaigrette… On voudrait aimer, se régaler, on a faim…. Mais non. Ce n’est pas vraiment bon.
Qu’à cela ne tienne, on se consolera en sortant avec une glace. On en trouve partout. Les Allemands en mangent tout le temps, toute l’année. Des boules à moins de 2 € (1€ près de chez nous), très bonnes. Avec une spécialité locale : la Spaghetti-Eis. De la glace à la vanille, passée par une machine (encore une !) qui la transforme en filaments et arrosée de sauce à la fraise. L’illusion est complète.