Carnaval ou la 5ème saison

Mainz organise l’un des plus célèbres carnavals rhénans

A vos marques, prêts…. Déguisez-vous, maquillez-vous, riez, sautez, chantez, dansez ! En bleu, blanc, rouge et jaune ou ce que vous voulez. Lâchez (presque) tout !

Dès début janvier le carnaval frappe à la porte de Mainz dans une harmonie de couleurs primaires. Les serpentins impatients chassent les guirlandes de noël des rues et des magasins, et même des fenêtres de certaines maisons. Les beignets ronds (Berliner) conquièrent les boulangeries. Déjà en automne, en vertu de la (trop) grande anticipation des Allemands, le maquillage de fête et les bombes à paillettes s’étaient immiscés dans les rayons entre les Lebkuchen (pains d’épices) et les bougies. Confettis, visages et personnages de clowns de rigueur. Le carnaval est une fête de la débauche prise très au sérieux.

Il s’organise pendant de longs mois. Toute l’année pour les plus fanatiques du sujet, les membres des clubs de carnaval. J’en ai compté plus de 20 à Mainz. Pour le reste de la population, Fastnacht est lancé en grande pompe le 11 novembre à 11 heures 11 (vous vous souvenez ? voir article : Décalage horaire). Il fait une trêve pour les fêtes et reprend dès le 1er janvier pour s’achever le mercredi des Cendres (26 février cette année). Car à Mainz, un des fiefs de la fête, le carnaval s’appelle Fastnacht (de Fast : le jeûne, le Carême, et Nacht : la nuit). Ne PAS confondre avec Karneval, ça n’a RIEN à VOIR. Karneval c’est à Köln (Cologne), où le cri de ralliement n’y est pas Helau ! mais Alaaf !. Düsseldorf aussi est prise de folie en février. Chaque ville a ses chants spécifiques que tout le monde entonne. Le carnaval des villes rhénanes est une institution.

Comme ils le disent eux-mêmes, les Mayençais ont les confettis dans le sang. Dans les rues on peut croiser des sculptures de carnaval : le tricorne traditionnel sur un réverbère, un ours déguisé, un arlequin qui danse. L’imposante fontaine des fous, habillée de dizaines de petits personnages déguisés, préside sur la Schillerplatz à l’endroit même où est déclarée ouverte la période de Fastnacht, la cinquième saison.

Fastnachtsbrunnen, la fontaine des fous sur la Schillerplatz

Dès janvier, les Sitzungen commencent. Ce sont des spectacles extrêmement colorés organisés par les clubs de carnaval. Ils tiennent du cabaret et du café-théâtre où politique et rivalités de clochers ont la part belle, avec un fort ancrage local et souvent en dialecte. Un maître de cérémonie, des majorettes en goguette et une fanfare se chargent de l’ambiance. Le Moulin rouge rencontre la Fête de la bière dans un cirque. En patois rhénan. Autant dire que c’est difficile pour un étranger d’apprécier l’ambiance de ces soirées (surtout si on ne boit pas d’alcool). Et les places s’arrachent dès leur mise en vente, le 11.11.

Les clubs de carnaval décorent les chars, organisent les défilés. Pour financer la fête ils organisent des événements toute l’année, donnent des cours, tiennent une buvette à l’une ou l’autre fête, des fraises ou du vin. Leurs membres paradent souvent en costumes authentiques (pas des déguisements) faits main qui peuvent aller chercher des sommes folles. Des parodies d’uniformes militaires des temps napoléoniens. Dès septembre, ils organisent les sélections pour les Sitzungen.

Ces séances investissent tous les lieux d’une certaine capacité. Les grandes salles bien sûr : Palais des Princes Electeurs ou Rheingoldhalle (salle des spectacles) sur les quais du Rhin, mais aussi gymnases, réfectoires. Partout, plusieurs fois par jour. Un peu, à une autre échelle, comme le festival au mois de juillet envahit Avignon.

La cantine du collège a accueilli une soirée. La halle des sports de ma plus jeune est transformée en salle de spectacle depuis début janvier, avec scène, coulisses et décorations sur tous les murs. Les minettes en justaucorps ou legging font de la poutre sous un filet suspendu plein de ballons bleus, blancs, rouges et jaunes. Des organisateurs affairés entrent et sortent du gymnase pendant le cours pour s’assurer que l’ensemble fonctionne. Ils ont un air important et pénétré. Tout est prêt avec plusieurs semaines d’avance. Bien sûr une ou deux séances de gym vont sauter. On ne rigole pas avec les Sitzungen.

Les enfants sont (heureusement) très associés à la fête. Mainz organise le Jugendmaskenzug (défilé des enfants) auxquels participent les écoles et clubs de jeunes. Le plus grand du genre en Europe si on en croit l’office de tourisme. Départ à 14h11 (natürlich) le samedi 8 février dans la vieille ville. Pour ceux qui n’ont pas oublié de rendre leur formulaire au collège et se sont inscrits à temps (suivez mon regard – en même temps c’était avant Noël, et ma fille avait alors d’autres priorités entre autres culinaires ; voir article Gâteaux à gogo).  Donc notre grande aurait pu participer à des séances bricolage pour fabriquer son costume et défiler avec son collège. Notre benjamine peut encore choisir. A son dernier cours de gym, on lui a remis un petit formulaire pour préparer le défilé du coin. Venir avec des ciseaux et du scotch double-face pour créer le plus beaux des déguisements.

Le corso de Mombach (auquel se joint la gym) défile le Mardi Gras. Il clôt les festivités. Car chaque quartier de Mainz a son corso, un jour bien particulier. Gonsenheim ouvre le bal le samedi, suivent Finthen et Bretzenheim le dimanche. Le Lundi des roses (Rosenmontag), la parade des centaines de chars, grosses têtes et groupes folkloriques, point d’orgue de Fastnacht, défile pendant des heures (des heures !) dans le centre-ville de Mainz. Les participants, les Narren (les fous) s’interpellent à coup de Helau ! Helau ! Helau ! et se précipitent pour attraper les bonbons envoyés.

Seul Mardi gras est officiellement férié, mais carnaval commence le jeudi précédent avec le Weiberfastnacht, carnaval des femmes où elles ont le droit de couper les cravates des messieurs … A vos ciseaux mesdames ! La période intensive de déguisements et festivités déborde sur presque deux semaines. Fastnacht, la plus grosse fête dans la vallée du Rhin, est, comme Noël, fêté un peu partout : à l’école, dans tous les clubs de sport, de musique.

Nos amis mayençais ont ressorti leurs caisses de déguisements et perruques de toutes les couleurs, de toutes les tailles (et de tous les goûts) accumulés au fil des années. L’an dernier, nous n’avions rien à la taille des filles. Après réflexion concertée et sondage des copines, elles avaient jeté leur dévolu sur l’Egypte.

J’étais allée, novice, arpenter les allées du principal magasin de carnaval du centre de Mainz. TARATATA, TSOIN-TSOIN, TRIIIIIIT, ZIM BOUMBOUM, POUEEEETTT ! A peine entrée, les couleurs criardes et la musique de foire tapageuse m’avaient tétanisée. Comment trouver Cléopâtre parmi les centaines de déguisements présentés serré-serré sur ce qui semble des kilomètres de tringles sur deux niveaux et sur deux étages ?

Intimidée et un peu dégoutée par la caresse froide et froissée du plastique des emballages et les tissus en vrai synthétique qui me hérissent les cheveux, j’avais plongé les bras entre des tenues de pompiers, d’extra-terrestres et de lions…. Les flonflons m’arrachaient les oreilles. J’aurais eu besoin de passer en noir en blanc et en mode silencieux. Ne fallait pas que ça dure trop longtemps cette spéléologie dissonante, sous peine de repartir avec la migraine…

Cette année mes filles n’ont pas encore choisi leur déguisement phare. Ça ne saurait tarder : j’ai découvert par hasard sur la tablette des recherches d’idées secrètes. Je sens que bientôt je repartirai en croisade au temple de Mardi Gras.

A suivre très bientôt…

Un p’tit avant-goût de Fastnacht à la maison ? Il suffit de cliquer sur l’image des confettis (Konfettitaste) sur cette page . Pas besoin de sortir le balai. HELAU! (hé-la-ou !)

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