Quand nos applications se mettent à jour de façon intempestive
On ne leur demande rien, hein, ça se passe plutôt bien entre elles et nous. On a appris à se connaître mutuellement, nos préférences, nos raccourcis favoris. On clique les yeux fermés. On irait même jusqu’à croire que nous sommes les clients d’un service. Et que notre satisfaction est importante pour les fournisseurs.
Grossière erreur. Chaque service se paie à coups de clics, même pour une prestation facturée. Tout le monde le sait, mais on a tendance à l’oublier. Pourtant régulièrement les applications s’appliquent à nous le rappeler : le chef dans cette relation, c’est elles.
Ces derniers jours mes routines sur écran ont été modifiées par des décisions qui m’ont échappées.
Comme vous le savez (voir article : Vous allez rire), je suis une fidèle du site de Radio 4 sur la BBC. J’y écoute des émissions plus ou moins sérieuses, des sitcoms, des livres dramatisés (forts bien faits). Un menu très clair classe les podcasts par type et met en valeur les dernières diffusions (une dizaine de rubriques, 6 ou 7 émissions proposées dans chacune). Il permet aussi un accès lisible et intuitif à la médiathèque pour faire des recherches sur des émissions plus anciennes. Bref jusqu’à voilà peu tout se passait bien. Mes clics étaient pertinents.
Un jour de fin février le service marketing quelque part en Angleterre a décidé de refondre le site. Sans doute pour le bénéfice de la BBC. Cela est tout à fait normal et compréhensible. Mais ladite équipe a-t-elle omis de consulter les utilisateurs ? Ou les Anglais y ont-ils trouvé leur compte et pas moi ? Ou cette évolution est-elle un glissement vers la création obligatoire d’un compte avec fourniture de données personnelles ?
Les changements induits sont importants. Or leurs initiateurs ont négligé de publier une carte avec de belles flèches : vous êtes ici, et si vous voulez aller là c’est par ici. Ils ont aussi omis de préciser qu’ils avaient fait des changements. Alors pendant quelques jours, j’ai cherché la cause de mes errances auprès de mes appareils. Mais elle est où cette sitcom que j’avais commencé à écouter ? Et cette interview entamée ? Attends, toi mon coco je vais te redémarrer. Tu vas faire ce que je te demande.
Peine perdue.
Les modifications venaient d’en haut, du chef de la tribu des sbires du marketing, dans un étage élevé d’une tour en verre, obscurcie par le brouillard des egos et les avalanches de big data.
Mes clics à tâtons n’ont rien pu faire.
Aujourd’hui je ne m’y retrouve plus : ni dans les sélections proposées par le site, ni dans mes recherches actives. Comme Alice perdue dans la forêt des merveilles, je suis les indications contradictoires du chat du Cheshire. Je me retrouve dans des impasses. La rubrique convoitée me file entre les clics. Les mots clefs ont baissé les bras.
La nouvelle page d’accueil, très peu fournie, ne met presque rien en valeur (6 émissions) et le classement thématique s’est envolé. En revanche il dispose d’une rubrique toute neuve : Recommandé pour vous (6 podcasts là aussi) où rien ne me fait envie. Les algorithmes aussi ont dû croiser le chapelier toqué.
Donc, c’est avec regret que je ne peux plus écouter BBC Radio 4 autant que je le souhaite. La prochaine refonte sera peut-être plus favorable à mon mode d’écoute ?
Une autre mise à jour m’a également laissée perplexe : celle d’une application du programme avec lequel je publie mes articles en ligne.
J’avais un tableau de bord, simple et lisible. Il me permettait de suivre l’activité de mon site en fonction des publications. J’étais contente de découvrir les pays de mes lecteurs, de constater si le jour dit, ils étaient plus nombreux en Allemagne ou en France… Oh et tiens, on dirait qu’il y a eu une erreur d’aiguillage au Canada ce dimanche (45 connexions d’un coup, sans doute dans un cours, merci les amis, mais non mon texte n’est pas en anglais – je le sais car j’ai reçu un message). Ah et là mon amie de Nouvelle Calédonie (car c’est forcément elle là-bas aujourd’hui) s’est connectée !
Mainzalors.com est un modeste blog qui n’a d’autre ambition que de partager les articles que j’écris, mes réflexions et émotions. Il n’a rien de lucratif, aucun objectif d’audience, de taux de rebond, et autres indicateurs que l’on m’impose désormais. Et j’ai bien coché la case : site web non commercial. Si j’écoutais les gourous du SEO, mes articles comporteraient 10 lignes, des phrases de 8 mots ‘’compréhensibles par un enfant de 11 ans’’ (c’est le critère retenu pour un voyant vert – véridique), et tourneraient en rond autour de mots-clefs.
En écrivant, je recherche un espace de liberté intime pour traduire des ressentis avec des mots. J’essaie d’être authentique et sincère. J’espère toucher le cœur et l’âme de mes lecteurs. Donc, je ne m’adresse pas à Google, ni aux gens qui n’aiment pas lire des phrases de plus de 8 mots. Je ne pense pas être la seule à aborder la publication sous l’angle du partage et de façon artisanale.
La pléthore de données que me crache le système est contreproductive. L’information que je souhaite, était disponible jusqu’à la semaine dernière sur le premier écran de mon tableau de bord. Maintenant je dois cliquer 10 fois, ouvrir deux nouvelles pages, et faire le tri manuel au milieu de tableaux inutiles débordant de pourcentages, de flèches de tendances… Quelle austérité et sévérité brouillonne dans cette avalanche de chiffres quand on n’en a pas besoin ! Je me suis construit un nouveau tableau de bord personnalisé ; il est moins pratique et synthétique que le précédent et difficile d’accès…
L’essentiel de ce que je voudrais connaître, l’activité de mon site dans ses grandes lignes, se perd dans le flou bouillonnant du big data. C’est dommage, et je regrette surtout de ne pas avoir eu le choix. Quand j’ai accepté la mise à jour, je pensais que c’était une amélioration de l’existant, de ce que j’avais déjà choisi. Pas une refonte complète intempestive, emballée dans un nouveau nom de fournisseur. J’ai fouillé pour en changer complètement. Sans succès encore – faute de motivation. Mais je reste confiante.
Maintenant je me méfie de ces messages qui m’invitent à cliquer pour effectuer une mise à jour, ‘’100% compatible avec le système (selon l’éditeur)’’.
Avec le système peut-être, avec l’intérêt de leurs fournisseurs sûrement. Mais avec mon besoin ?