La ligne

Nous rentrons du nord de Cologne où nous sommes allés chercher nos filles. Elles ont passé un week end magique dans un zoo, à vivre avec les gorilles, chameaux et pingouins pendant 48 heures, sans se laver.

Direction plein sud, en suivant l’axe du Rhin, dans ses grandes lignes. Nous le prenons à rebrousse-courant. C’est inhabituel pour moi un fleuve qui coule vers le nord après toutes ces années le long du Rhône qui dégringole des Alpes vers la Méditerranée.

Nous traversons la Ruhr. Cratères des mines de charbon à ciel ouvert, usines sidérurgiques, entrepôts géants, treillis des voies de circulation nombreuses, forêts des lignes à haute tension. J’ai l’impression d’avoir sauté à pieds joints dans la carte du livre de géographie (Erdkunde) de ma grande fille – dans la leçon qui nous a tant coûté en traduction et compréhension (houille, mégapole etc…)

A perte de vue des lignes, qui se poursuivent et s’entrecroisent. Des camions, des camions, des camions. Des aires de repos bondées. De camions. Des couleurs délavées dans un pastel dégradé jaunâtre et gris.

La ligne des piquets des barrières des champs, les éoliennes agencées sur les crêtes de vagues collines. Si un oiseau pouvait joindre les points de ces moulins modernes, quel dessin apparaitrait ?

Les arbres et arbustes d’une pépinière. Tous en ligne, et toutes ces lignes parallèles bien serrées, contenues dans des parallélépipèdes. Au garde à vous messieurs-dames, les branches bien droites, les idées homologuées et conformes ! Le ruban droit de l’autoroute. Le chemin de fer parallèle du train de marchandises.

Je repense au rang deux par deux des enfants dans la cour de l’école devant la porte de leur bâtiment, avant même que ça sonne. Sans dépasser. Presque sans bouger. Aux cartables entreposés sagement l’un derrière l’autre sous le préau, comme les perles d’un collier. Aux plants de chrysanthèmes aux pompons roses tout neufs dans la terre noire d’un jardin voisin, alignés au cordeau le long de la maison, espacés régulièrement.

Point.

A la ligne.

J’ai envie de prendre la tangente, la ligne secondaire, le chemin périphérique, m’embarquer sur les chemins forestiers tortueux et peut-être sans issue sous le viaduc, me perdre sur les vrilles des vignes de la petite vallée agricole qui s’échappe sur la droite. M’envoler dans la goutte d’air chaud de la montgolfière qui flotte au loin, parenthèse égarée de légèreté et de rondeur dans ce paysage industrieux et linéaire, qui tue même l’imagination.

Avec un petit clin d’œil intérieur espiègle et fier, je renonce à expliquer à la jeune Allemande qui nous accompagne que la traduction en français de Heissluftballon vient de ses inventeurs, les frères de Montgolfier. Et qu’ils étaient de l’Ardèche comme moi.

Et que là-bas les paysages sont variés, colorés, en relief. Propices aux escapades, aux émotions et aux sensations.

Et surtout drôlement beaux !

(Point d’exclamation.)

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