L’école (1)

Le système scolaire allemand est suffisamment différent pour mériter une petite présentation.

Quand j’étais sur les bancs du collège et que je commençais à m’initier au charme des déclinaisons teutonnes dans la classe de Monsieur V., les petits Allemands allaient en général à l’école le matin (jusque vers 13/14h), et ce jusqu’à l’Abitur (le bac) qu’ils passaient à 19 ans (après 9 ans de collège et lycée). Mon amie de Cologne avait donc du temps pour un petit boulot, l’apprentissage d’un instrument de musique et les répétitions dans un orchestre de cuivres. Vu de chez nous, c’était plus cool, et pourtant on n’avait pas l’impression qu’ils en savaient moins de nous, avec nos journées à rallonge et notre bachotage.

Depuis quelques temps, certains Gymnasium (l’équivalent de notre cycle collège + lycée) proposent de préparer l’Abitur en 8 ans. Ce sont des G8. Ils dispensent des cours l’après-midi. D’autres Gymnasium sont toujours en formule G9 (1 an de plus, et après-midis libres).

Reprenons depuis le début. Les petits Allemands commencent l’école au CP (première classe), et c’est un événement majeur pour eux. Il existe même un nom spécial pour cela : die Einschulung.

Tous ne vont pas au Kindergarten (qui est plus une garderie améliorée qu’une maternelle). Ils reçoivent de la part de leur famille le premier jour d’école un cornet de cadeaux die Schultüte (fournitures scolaires et sucreries diverses), presque aussi grand qu’eux. Les parents peuvent être associés à marquer cette étape particulière. Les nouveaux élèves font connaissance avec les enfants de leur classe et l’enseignant qui vont les accompagner pendant quatre ans (jusqu’en 4ème classe, l’équivalent de notre CM1). Comme les affectations dans les classes en fonction de la date de naissance sont calées sur le 1 er septembre, les enfants sont légèrement plus âgés dans les classes correspondantes qu’en France. Le collège commence au CM2.

Ça a été très nouveau pour nous cette homogénéité de fréquentation. Bien sûr en France aussi, dans les petites écoles, avec une classe par niveau, on garde les mêmes copains toute la maternelle et l’école primaire. C’était d’ailleurs mon cas en Ardèche. C’était aussi plus ou moins le cas de mes enfants à Lyon dans des écoles à effectif limité. Mais les enseignants changeaient chaque année (ou presque, dans le cas de niveaux double). Ici les maitres et maitresses font tout le cycle : du CP au CM1 avec un même groupe d’enfants, et recommencent ensuite avec une nouvelle fournée. Je suppose que ce doit être plus varié, et peut-être plus simple au niveau de la gestion de la classe au sens large. Tout le monde se connaît mieux, les règles sont connues et partagées.

En arrivant, je me suis dit que ça manquait d’ouverture, cette obligation de rester avec le même adulte référent, que ça n’encourageait pas la capacité d’adaptation. Sans compter qu’il vaut mieux bien s’entendre entre enseignant et enseignés… Pourtant les enfants que je rencontre semblent ouverts et sûr d’eux, et s’adressent spontanément et directement aux adultes. La pédagogie allemande encourage vivement la participation orale (qui est notée) et traite les enfants avec respect. Les effectifs par classe sont limités (environ 25). Il faut préciser que certaines matières sont enseignées par un autre adulte – seul – ou avec le / la titulaire : musique, sport, géométrie, anglais, allemand langue étrangère.

Récemment, je suis allée aider dans la classe de ma plus jeune (4ème classe soit le CM1) pour une matinée de bricolage. Il s’agissait de construire des maquettes à partir d’éléments naturels que tous les enfants avaient apportés (branches, pommes de pins, cailloux, feuilles, etc…) pour représenter les jeux dont ils avaient envie pour la cour de l’école (dans le cadre de son projet de réfection).

Pour constituer les groupes de travail de 4-5 élèves, la maîtresse a proposé aux enfants de choisir entre un tirage au sort et des rassemblements par affinités, moyennant de mélanger les garçons et les filles. Elle les a fait voter pour choisir l’option. L’autodétermination a prévalu. Les élèves ont rapidement constitué leurs groupes, repositionné leurs tables par ilots et se sont attelés à leur projet.

J’ai proposé mon aide, comme les deux autres parents qui étaient là, aux groupes qui en avaient besoin pour scier, clouter, faire tenir en équilibre leurs petites œuvres d’art. A un moment je tenais deux branches qu’un petit garçon était en train d’assembler au péril de ses doigts (et des miens). Une petite fille en plein collage a appelé à l’aide : « Ich brauche Hilfe ! » (j’ai besoin d’aide). J’ai dû lui dire de patienter, car je n’étais pas disponible et les autres parents non plus. Pas immédiatement. Elle a répété quelques instants plus tard, sur un ton ferme mais poli : « Ich habe gesagt, ich brauche Hilfe ! » (« J’ai dit que j’avais besoin d’aide ! »). Ça tombait bien, je pouvais venir à ce moment-là. J’ai été impressionnée par cette capacité à juste affirmer son besoin, et tout simplement à demander de l’aide. (C’est une petite fille polie et plutôt réservée).

A la fin de la matinée, la maîtresse a donné les indications (une seule fois) pour clore la séance : poser les maquettes sur le grand plateau, vider et nettoyer les tables, les remettre en place, passer un coup de balai. Sur le mode Mary Poppins, tout cela a été fait rapidement, dans les temps. La salle de classe était impeccable. Je me suis retenue de demander à quelques enfants de venir faire la même chose chez moi.

J’ai été également frappée par la créativité des élèves. En effet, dans un environnement où suivre la règle est une seconde nature (voire la première), comment peut-on se servir de son imagination ? Comment peut-on s’autoriser le pas de côté de la créativité s’il faut toujours mettre ses pieds dans les empreintes de ceux qui nous ont précédés ? A la lumière de cette expérience, je me demande si finalement l’expression de ses idées et de sa créativité ne bénéficiait pas d’un environnement bienveillant (même s’il est bien cadré), dans lequel l’enfant se sent respecté et soutenu en tant qu’individu. Un élève qui a confiance en lui, en sa capacité à s’exprimer, à être écouté et aidé ne se sent-il pas plus libre finalement pour créer – que s’il y a plus de latitudes avec les règles mais moins de confiance ?

L’école est un sujet riche et intéressant – A suivre donc.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *