Une tranche de Forêt Noire ?

Coucou ! Kuck Kuck ! Trois jours dans un village loin de tout, niché dans la forêt.

Ça fait envie hein ?

C’est encore mieux que ça.

Pour fêter les anniversaires hivernaux, notre famille aime s’évader le temps d’un week-end à la montagne. (Oui, oui je vais actualiser mon âge sur la page d’accueil de ce site…). Quand nous vivions à Lyon, nous le faisions chaque année, gâtés que nous étions par la géographie. Une fois dans une chambre d’hôtes en contrebas d’un col de Chartreuse, une autre dans le Vercors ou le Beaufortain.
Depuis Mainz, on peut viser le Taunus pour des balades en forêt. Mais l’urbanisation et les grosses routes restent plus proches. Les sommets hésitants n’offrent aucun village perdu, où l’altitude dépayse en accéléré.

Alors où s’échapper ? La Forêt Noire au sud, le massif de l’Eifel au nord-ouest (où j’ai envie d’aller voir les éclosions de narcisses au printemps). Ce sera la Forêt Noire.

Je rêvais d’y aller depuis toujours.

Pour notre rencontre, il y a trois ans, lors de notre premier hiver en Allemagne, je suis restée bougon. Oui la proximité dans le même village étagé de vignobles et de sapins enneigés, les fermes affichant leur production de fruits (et d’eaux de vie), la route des crêtes ont failli vaincre ma mauvaise volonté et mes comparaisons chroniques. Bien tenté, mais non c’est pas aussi haut / charmant / gourmand / varié (etc…) que mon Vercors adoré. Où sont les fromageries ? Et pourquoi les pistes de ski de fond sont-elles aussi mal fléchées ? Et l’autoroute est-elle toujours aussi chargée ?

Il nous fallait un nouvel essai. Mon sevrage de reliefs commençait à peser. Au marché, sentir la gorge se serrer en regardant la tomme de Savoie c’est moyen.

Mes recherches en ligne m’ont emmenée vers une vallée au nord du massif, donc plus proche de Mainz. Inconnue sur mes guides touristiques. Tant mieux. Mais où loger ? Les villages ont l’air minuscules. Gites ? Encore faire les courses, la bouffe… Approfondissons la quête. Un hôtel tout confort, avec piscine et spa… Tiens donc… De la disponibilité pour quatre deux semaines avant ? Yes ! C’est pas un peu cher ? Si mais c’est tout compris, ET ça fait combien de temps qu’on est pas partis en week-end ? Euh…..

Les chiens ? Non. (Tant mieux. hi, hi. Elle est moche en ce moment notre Gaïa, la captivité ne lui va pas au poil : il tombe. Ma fille propose de tester la nourriture hypoallergénique).

Cerise sur la forêt noire, le lundi, les filles n’ont pas cours pour cause de conseils de classe. Nous partons pour trois jours. TROIS.

Départ vendredi en fin d’après-midi, pour poser Gaïa à la pension pour chiens du côté de l’aéroport de Francfort. Cap plein sud sur l’autoroute chargée (comme partout tout le temps dans notre coin d’Allemagne). Pour nous distraire, nous jouons à Boggle avec les plaques minéralogiques. T’as vu DO-GS ! Je laisse volontiers mon mari au volant. Je ferai le retour de jour. L’autoroute allemande est infernale pour qui s’en tient au code de la route français. Dans les sections sans limitation de vitesse, je reste coincée derrière les camions à 100 km/h. Doubler c’est se retrouver, d’un coup, talonnée par une grosse bagnole noire piaffante, invisible la seconde précédente.

Enzklösterle

Le village d’Enzklösterle s’étale à 500 mètres d’altitude, le long d’un gros ruisseau. En arrivant de nuit, on n’en voit que les sportifs s’entrainer au basket dans le gymnase. De jour, à pied, nous découvrirons le coin. Pas de maisons à colombages ni de boutiques de souvenirs, aucune horloge-coucou made in Taïwan à l’horizon. Juste de grosses maisons qui dissimulent leurs années sous le crépi. Quelques linteaux de porte sur le grès rouge, trahissent les âges. (1856, 1852). Bien sûr une maison bleue ici, une autre là verte ou jaune. Comme souvent, la palette des façades dérape. Trois églises d’aspect moderne.

Pourtant la vie s’est installée ici depuis longtemps, autour de la récolte des myrtilles sauvages. Nos promenades en forêt le long du bien nommé Heidelbeerweg (chemin des myrtilles) nous l’ont prouvé : les sous-bois sont tapissés de plants (géants par rapport à ceux de l’Ardèche ou des Alpes).

L’hôtel est un gros paquebot amarré à la pente dans le cœur du village. Moderne sans excès, d’un style qui rappelle les villes thermales. Balcon à chaque chambre. Restaurant tout en vitres, dont les lumières éclairent le jardin et une terrasse enneigés. Quelle chance tout ce blanc !

Nous franchissons le seuil juste avant 20 heures. La réceptionniste nous confie la clef, et nous indique comment aller à notre chambre à la fin du repas.

-Dépêchez-vous, dans quelques minutes, le service ne vous acceptera plus. Si vous finissez avant 21h30, je pourrai vous accompagner. Sinon non. J’aurai terminé mon service.

Le repas s’est éternisé autour d’un menu composé d’une ribambelle de plats et amuse-bouche. Ralentir on a dit. Les serveuses sont en tenue traditionnelle, robe longue bleu ciel, plastron noir et haut blanc à manches courtes. Elles doivent se geler. L’accent local est très marqué avec des ch. Mais ça va, on comprend.

En Allemagne on mange à tout heure et dans un rythme qui bouscule nos habitudes. Le buffet du petit déjeuner est extra, avec vraiment de quoi manger (pas juste les traditionnelles tartines et viennoiseries françaises qui déboutent les touristes du nord de l’Europe). Il y a même du Sekt avec des flûtes à disposition. A partir de 14h, un buffet est installé pour le traditionnel Kaffee-Kuchen (café et gâteau – plus crudités et soupe). Effectivement tout est compris. Comment résister ? C’est dingue ce besoin de se jeter sur ce qui est disponible, même quand vraiment on n’a plus faim… Les yeux plus gros que le ventre… un travers à tous les âges. Diner qu’on retarde pour agrandir l’appétit. A 19h nous sommes les derniers à arriver.

J’ai l’impression d’être dans un bateau de croisière (où je n’ai jamais mis les pieds) où les passagers se croisent à table, sans jamais sortir du bâtiment (mais je n’en sais rien).

Balades dans la neige…. Ça crisse, et glisse. Côté sud de la montagne, des gouttes tombent, côté nord, l’hiver arrête le temps.

-Regarde maman on se croirait dans la Reine des Neiges !

J’allais le dire. Avec ces mamelons de neige, ces rochers couverts de mousses et de petites stalactites, ces troncs enneigés, on se croirait dans un dessin animé. Je guette les trolls.

Traversée d’une piste (rouge à vue de nez, je ne m’attendais pas à une pente aussi marquée par ici) où deux tire-fesses à pioche remontent les skieurs. Escale pour quelques glissades sur une piste de luge où les enfants et parents bariolés, avec leurs luges en bois et leurs grands sourires me font penser à un livre d’images des années 50 : Jean-Jacques et Martine aux sports d’hiver.

Après le déjeuner / goûter : sacro-saint temps calme. (Comprendre : interdit aux enfants de venir solliciter leurs parents. Interdit on a dit.)

#nofilter

On va se baigner ? La piscine rectangulaire aux escaliers arrondis donne sur une pente de pelouse enneigée. Une pancarte limite l’accès. Avant d’entrer on compte des yeux le nombre de baigneurs… dans les huit un bébé ça compte tu crois ? Après quelques longueurs, le spa… Allons-nous passer la porte sur laquelle est inscrit : textilfrei (sans textile) ? Accès à partir de 14 ans.

Les filles veulent venir. L’une peut, l’autre doit se contenter de cabrioles dans la piscine (fais gaffe aux gens, hein !). Celle qui peut, hésite. Faut vraiment se mettre nu ?

Plusieurs saunas, un laconium (pièce chaude mais moins), un hammam fermé (zut). Des corps dénudés dans les pièces, enveloppés de chastes serviettes blanches sinon. On va s’y faire, hein, on ne les connait pas ces gens. C’est un exercice d’intégration.

Ma première expérience de sauna date du siècle dernier, après une rando itinérante avec l’UCPA dans le Beaufortain. Nous étions partis mi-septembre pour une semaine (géniale) dans la pluie puis la neige avec des nuits en chalets d’alpage (où il était recommandé de ne pas avoir envie de rejoindre la nuit la cabane au fond du pré, sous l’orage et à l’aveugle). En haut du Cormet de Roselend l’épaisseur de neige nous avait obligés à renoncer. Nous étions rentrés en taxi par le long chemin de la vallée vers le sauna et un gros saignement de nez le soir. Donc, depuis j’ai évité. Là j’hésite.

Le deuxième jour puisque ce fichu hammam est encore fermé je tente cinq minutes dans le sauna. Le contact du bois est agréable. Je pense à Sinnika, une petite fille finlandaise d’un de mes albums du Père Castor d’enfance. Ici pas de branches vertes pour se fouetter. Pas de lac glacial où se jeter. Mais je sors en serviette sur la terrasse et marche pieds nus dans la neige. (Non pas de photo !)

Le dernier jour, surprise, le soleil brille dans un ciel très bleu. Les rayons jouent entre les troncs. C’est superbe. Nous n’en revenons pas de tant de beauté et de lumière, nous qui vivons dans le gris depuis plus d’un mois. Le ruisseau chantonne, les gouttes tombées des pins, sapins, hêtres ou bouleaux nous éclaboussent. Même les filles avancent d’un bon pas sur le sentier, sans râler, jusqu’à une plateforme de bois avec vue sur la vallée et les deux pistes de ski. Un panneau indique qu’il est possible de s’y marier (ah c’est donc pour ça ces bancs et ce pupitre de bois !). Des pancartes pédagogiques (coiffées d’une boule violette) expliquent l’économie du village tournée vers la récolte des myrtilles. C’est sûr je veux revenir en été (avec des boites) !

Récolte des myrtilles

Dans le fond d’un vallon, un écriteau symbolise la frontière entre l’évêché de Mainz et celui de Konstanz (oui elle, au bord du lac), il y a 1500 ans. Mainz est restée longtemps une ville très importante. Un de ces quatre je vous écrirai un article dessus.

Dans la descente mes orteils s’écrasent au fond de mes bottes de neige. J’évite de déraper. Ma plus jeune se précipite sur sa pelle pour glisser.

A part trois retraités en pique-nique sur la plateforme, surpris de voir des enfants un lundi (y’ a pas école ?), et deux tout en bas, personne.

Pour la fin de la balade, ma fille marche à côté de moi. Frissonnante et lèvres bleues, elle a accepté de fermer sa parka. (Yeux au ciel ! ces jeunes !)

-C’est génial de marcher comme ça dans la nature, ça change vraiment les idées. J’ai plein d’envies et de projets qui me viennent !

Oui, respirer l’humus, prendre en photo une graminée enneigée, écouter la neige crisser sous les bottes, sentir ses doigts geler quand on n’a pas envie d’enfiler des moufles, tout ça permet de court-circuiter les soucis qui tournent en boucle. Le corps prend le pas sur l’esprit tout-puissant. Un instant nous oublions nos chaines.

Libérés, délivrés, on vous avait prévenus… (Pardon)

Dernier buffet à l’hôtel avant de repartir. Vite vite va te servir, aujourd’hui il y a de la forêt noire !

Oui, avec de la chantilly en plus

7 thoughts on “Une tranche de Forêt Noire ?

  1. Merci Estelle, tes posts me font du bien.
    Je partage avec toi la nostalgie des reliefs et du Vercors en particulier. Tu as réussi à trouver un havre de paix semble t-il et la neige ajoute au calme et au dépaysement. Cela donne envie !
    & pas seulement pour les pâtisseries 🙂

  2. Tu vois Estelle que votre “migration” en Allemagne se passe bien,vous découvrez tous ensemble des paysages nouveaux,des villes intéressantes,des coutumes bien différentes…..Tes filles ont dû se faire des ami-e-s et vous aussi…Tu t’occupes super bien d’elles.Tu me rappelles toujours ta maman.
    Continue à écrire,c’est un régal.Bises.Dany.

    1. Oh merci ma Dany ! Tu me touches fort fort fort.
      Oui on a trouvé des tas de coins extras. Quand tu veux, tu viens, on te les montre :o)
      Gros bisous

  3. Bien sympathique ce week-end prolongé ! On sent à travers ton écriture que ce moment nature et d’évasion t’a fait du bien… à quand le prochain ? 🤗

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