Colère noire

Contre l’arrogance, la bêtise et la violence érigées en mode de gouvernement.

Une bible.

Une bible brandie comme une mitraillette, comme un pavé arraché à la route de la démocratie, à la voie de la spiritualité. Un livre lourd qui perd par ce geste menaçant toute symbolique religieuse et acquiert toute la violence d’un projectile.

Non.

Saint Albert (Camus) aidez-moi !

Je ne peux pas voir cela.

Je n’arrive pas à regarder les simagrées d’un personnage que même Stephen King n’a pas osé créer.

Une église vide avec deux personnages grimaçants. Une mise en scène de la bêtise et de la méchanceté. Qui vont souvent ensemble, hélas, comme disait ma mère. Et surtout, en négatif, du vide. Du vide.

Parce que les gens, le peuple, leur peuple, le peuple dont il est responsable est dehors à s’insurger, à réclamer ce que la constitution américaine leur promet et leur doit. Ce que nous nous devons tous les uns aux autres : l’égalité.

Le pouvoir et l’argent, le pouvoir de l’argent pour éblouir et sidérer, au service de l’égoïsme et de l’arrogance.

Je ne trouve pas de mot pour exprimer le mépris que j’ai de personnages de ce type.  Qui se croient importants et malins, quand leur petit jeu mesquin et pitoyable saute aux yeux effrayés de ceux qui veulent bien se donner la peine de les fermer pour éviter la sidération et suivre leur intuition.

Comment ressentir autre chose que du mépris à l’égard de ces êtres dont la bêtise insondable leur permet d’oublier que, comme les pates instantanées, ils ne sont que de la poussière et de l’eau ? Nous sommes tous égaux à cet égard. Tout l’argent du monde n’y changera rien. Ni les caprices.

Comme dirait le Petit Prince « Ce n’est pas un homme c’est un champignon ! » Et encore, tous ne sont pas toxiques.

Un gros monsieur cramoisi (orange disons) qui ne sait faire que des additions (enfin pas sûr).

Je viens de regarder les informations. D’habitude j’évite toute la journée pour me protéger, et rattrapée par ma curiosité j’y jette un regard rapide le soir. Mais là sur mon compte Instagram, un post de Trevor Noah (@thedailyshow) m’a intriguée.

Avec sa pertinence habituelle, il a dénoncé avec humour : FoxNews était la seule chaine du câble aux US à ne pas retransmettre le discours délivré par Barack Obama. ‘’FoxNews didn’t run the Obama speech because they were worried their viewers might call the cops out of habit’’ (FoxNews n’a pas retransmis le discours d’Obama car ils craignaient que leurs téléspectateurs n’appellent la police, par habitude).

Alors vous imaginez bien, j’ai regardé le discours d’Obama.

J’en avais les larmes aux yeux.

Tant d’intelligence, de compassion, d’optimisme et d’espoir, d’encouragement et de force calme, apaisante, fédératrice. Ah ça fait longtemps qu’on n’a pas vu ça de l’autre côté de l’Atlantique ! Comme ça fait du bien !

Un homme en fait. Un vrai.

J’ai remarqué que j’ai du mal à appeler ‘’homme’’ les adultes mâles. Je dis type, mec, gars… Je ne dis ‘’homme’’ que lorsque la personnalité m’autorise à y mettre une majuscule.

Donc, Barack Obama, un Homme. Enfin.

L’Amérique capable du meilleur comme du pire. Les drames qui se jouent actuellement prendraient une bien autre tournure si le gouvernement fédéral fédérait.

Je ne peux plus la voir la tête de l’autre.

Ce n’est pas une façon de parler. Littéralement, je ne peux plus la regarder.

Quand il apparaît dans mon champ de vision, par réflexe de protection, j’évite de croiser son regard. Son visage me met mal à l’aise. Il m’a toujours mise mal à l’aise. Son regard, ses traits me donnent la chair de poule. Je sens la violence, la cruauté, le mépris, la bêtise, le mensonge.

Et là ce matin, sa photo devant l’église au garde à vous avec la bible brandie comme une bombe armée…. Après avoir demandé aux sbires de tirer sur des manifestants pacifistes. Je réprime une nausée.

Je pense à Tex Avery et j’ai envie de la voir exploser cette bombe, dans les mains du gros méchant coyote.

Une muraille de soldats en armure travestis en mercenaires sur les marches du mémorial de Lincoln. Etait-ce cela le rêve dont a parlé Martin Luther King Jr au même endroit ?

Une bible.

Une bible comme un sceptre, dans un simulacre de sacre.

Une église.

La légitimité divine n’était-ce pas ce qui permettait aux rois de transmettre le pouvoir avec leurs gênes ? Et l’appel à l’armée sur un coup de tête, la violence des paroles, ne sont-ils pas ceux d’un dictateur ?

La folie des grandeurs. Des grandeurs ? Vraiment ?

La folie dégradante pour ceux qui la subissent.

J’ai l’impression de voir un enfant de 3 ans dans toute sa monstruosité égoïste et ses caprices impérieux – des bouderies, des scènes, le pied qui tape par terre, qui détruit un jouet déchu, la main excédée qui jette le robot démantibulé qui ne marche plus. Ou un ministre. Les colères d’un gamin né dans le luxe et qui l’est resté. Protégé par le respect aveugle que la société donne à l’argent – au-delà des valeurs humaines.
Sauf que là, les crises de rage, les exigences, ne sont pas à l’échelle d’une chambre ou d’une tour. Ni même d’un pays. Elles ont des impacts sur la terre entière. Rien que ça. Les Américains qui ont élu un gamin odieux déguisé en empereur qui crache au visage de tous ceux qui l’approchent l’ont imposé à la terre entière.

Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si on voit presque autant sa bobine que le coronavirus aux informations. Deux pandémies mondiales pour le prix d’une. J’en connais une qui s’amuse là-haut. Vous l’avez voulu….

Sauf que tout le monde ne l’a pas élu.

Quand j’étais petite je ne comprenais pas pourquoi personne n’avait éliminé Hitler pour sauver des millions de vies.  Une vie contre des millions franchement le calcul est vite fait. Aujourd’hui j’ai grandi, on me dit que les choses ne sont pas aussi simples. Mais je n’en crois rien. Je ne veux rien en croire. Je suis toujours révoltée de voir que des gens visiblement instables et dangereux soient investis de pouvoirs aussi grands. Je ne comprends toujours pas que quelqu’un soit au-dessus des autres pour quelque raison autre que sa valeur humaine personnelle. Alors que penser quand elle disparait dans les abysses ?

Je me souviens dans ma vie d’avant d’un directeur tyrannique. Qui maltraitait gravement ses subordonnés. Leur mettait même à l’occasion des coups de pieds. Les envoyait tous en arrêt maladie. C’était le règne de la terreur. Tout simplement. Et tout le monde, toutes les pièces, les rouages du système courbaient l’échine. Sidérés.

Pourquoi ?

Parce que la terreur et l’emprise sont des phénomènes délétères, paralysants. La division un outil puissant de domination. C’était d’ailleurs le cri de ralliement des Nazis.

Hein Coluche, pourquoi existe-t-il des ‘’milieux autorisés’’ sur le plan de l’humanité ? Pourquoi l’argent et/ou le pouvoir donneraient-ils tous les droits ?

Ca doit bien exister la faute pour inaptitude professionnelle quand on est président d’une démocratie ? Il doit bien y avoir des outils démocratiques pour la sauver quand elle dérape, des gens humains et respectueux qui osent s’unir pour y avoir recours, par delà les étiquettes politiques.

Le roi est nu.

Tous les gens qui se donnent la peine de réfléchir et de sentir le savent. Les comédiens intelligents ont plus de matière qu’il n’en faut. Mais dans les milieux politiques peu osent le dire. Je suis soulagée de voir que son ancien Minsitre de la défense se soit autorisé à sortir de sa réserve.

Lueur d’espoir de ce côté-là.

Non ce n’est pas simple. Mais quand même. Ce doit être possible. De parler, d’agir. D’élire un gouvernement qui aide au changement vers plus d’égalité, de fraternité, de solidarité. Un président respectueux des êtres humains. S’il vous plait, Messieurs et Mesdames les Américains qui allez voter bientôt, ne nous imposez pas un deuxième mandat comme ça. Please, vote him out !

L’autre jour je regardais une conférence de presse de l’autre. Pas pour le plaisir, hein, ni pour m’informer. L’écouter parler, le voir agir sont des insultes à notre intelligence, à notre humanité – enfin pas à celle de ces électeurs, eux n’ont rien à craindre de ces côtés-là. C’était dans le cadre d’une émission humoristico-très sérieuse de John Oliver (HBO Max) sur le décryptage de l’actualité.

Un journaliste a posé une question (je ne me souviens plus laquelle) raisonnable et polie. La réponse est tombée comme un couperet : « You’re a fake ! » (Vous êtes un imposteur !)

Quand on sculpte un visage en terre, plusieurs fois je l’ai remarqué et entendu (et pour le coup c’est la même chose en France et en Allemagne) : en général il nous ressemble. Nous modelons les traits que l’on voit le plus souvent, même si on n’a pas l’habitude de s’attarder devant la glace de la salle de bains (ou si on n’y a pas ses lunettes). Alors par défaut, même sans modèle, bien malgré soi, avec l’argile on se lance dans un autoportrait.

De la même façon j’ai remarqué que certaines personnes accusent les autres de ce qu’eux-mêmes sont précisément en train de faire (peut-être faisons nous tous cela, mais cela est plus évident avec un certain type de personnalité). Cela est fort utile pour décoder les mauvaises intentions.

« You’re a fake ! »

Une interpellation, qui par un effet de miroir en dit beaucoup plus long sur celui qui la prononce que sur celui qui la reçoit. Un mode d’emploi individuel offert au public. Voilà ce que je vous accuse d’être, utilisez-le pour vous rassurer : c’est de moi que je parle avec ces mots odieux et agressifs. Je traite de mensonges ”Fake news ! ” les vérités qui m’encombrent. Doute et discorde.

Je ressens beaucoup de colère à l’égard d’un système qui croit plus en la police qu’en l’éducation, la culture ou en un système de santé universel (comme c’est le cas criant dans le budget de la ville de New York). Et qui donne les clefs de la Maison Blanche à un prétentieux immature. La répression et l’arrogance, la bêtise et la méchanceté comme mode de gouvernement. Pourquoi ? Pour quoi ? Encore ? Ne comprendrons-nous donc jamais ?

We can do better.

Je voudrais dire tout mon soutien à ces gens qui manifestent aux Etats-Unis et ailleurs dans le monde pour aider les femmes et les hommes de toutes les couleurs. L’égalité il n’y a pas d’autre solution : nous finirons tous au même endroit.

Alors tendons nous la main.

Et agissons.

“All that is necessary for evil to succeed is that good men do nothing.” Edmund Burke

(Pour que le mal triomphe il suffit que les bonnes gens ne fassent rien)

PS : Un des gros problèmes avec la violence en Amérique est liée au fait que les gens soient armés (je sais, pensée puissante s’il en est). Certains pensent que le port d’armes est un droit constitutionnel inaliénable. C’est oublier de façon bien opportune le texte complet de la Constitution et le contexte de sa rédaction, n’en déplaise aux fanatiques. Permettez-moi de citer Bill Bryson dans Made in America, que je suis en train de relire.

“At the risk of exciting correspondence from the National Rifle Association, the much vaunted right of people to keep and bear arms was never intended as a carte blanche, semi-divine injunction to invest in a private arsenal for purposes of sport and personal defence, as the full sentence makes clear : “A well-regulated militia being necessary to the security of a free State, the right of the people to keep and bear Arms shall not be infringed”. The framers had in mind only the necessity of raising a defence force at short notice. If they did favour the idea of keeping guns for shooting animals and households intruders, they never said so.’’*

Oui à l’époque, il n’y avait pas encore de police professionnelle. La défense collective reposait sur le peuple directement.

*Traduction : Au risque de susciter des courriers de la part de la NRA (association américaine militant pour le droit au port d’armes), le droit au port d’armes, tant glorifié, n’a jamais été pensé comme un droit d’injonction semi-divine d’investir dans un arsenal pour faire du sport ou sa protection personnelle. ” Une milice (réserve) bien règlementée est nécessaire pour la sécurité d’un Etat indépendant, le droit du peuple d’avoir des armes ne sera pas enfreint.” Les fondateurs avaient à l’esprit la seule nécessité de pouvoir organiser une force défensive dans de brefs délais. S’ils étaient favorables à la possession d’armes pour tirer sur des animaux ou des cambrioleurs, ils ne l’ont jamais dit.

4 thoughts on “Colère noire

  1. Ayant un neveu d’origine malienne adopté, je partage complètement ce que tu écris. Et depuis qu’il est arrivé dans notre famille je me pose des questions sur son avenir, et le racisme auquel il devra faire face en grandissant. Jusqu’à présent (12 ans) il n’a pas été victime de racisme mais comment va se passer son adolescence? et sa vie d’adulte? Dans sa famille nous ne pourrons jamais en tant que blanc être confrontés au racisme qu’il pourra connaitre…Se pose la question de comment nous pourrons l’aider…

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