Lendemains de fêtes cabossés et surprises jolies



Vous avez passé de bonnes fêtes ? Comment étaient les vacances ?
Vous connaissez ce rituel de début d’année pour reprendre le lien, juste après l’expression du souhait de bonne année traditionnel. Je viens de recevoir un énième message d’une amie me posant ces questions. Je suis heureuse qu’elle pense à moi, mais cette année, pour la première fois de ma vie, je réponds sincèrement ce que je pense : quelles vacances, quelles fêtes ?
Le mois de décembre est un tourbillon de contraintes et d’injonctions contradictoires : soyez heureux et disponibles à des jours précis, mais épuisez-vous avant à les préparer. Notre décembre est aggravé en matière d’obligations festives avec les anniversaires de mes deux filles. L’envie animale de se blottir sous un plaid sur le canapé au coin du poêle tout neuf est repoussée des deux mains vers les calendes hivernales.

Décorer. Courir. Acheter. Porter. Installer et décorer un sapin. Emballer. Pétrir. Accrocher les guirlandes de fanions d’anniversaire. Faire un gâteau. Un autre. Les manger. Ranger la maison. Décrocher les guirlandes. Recommencer le tout une semaine plus tard. Chanter. Parler. Acheter encore. En urgence. Emballer. Faire ses bagages. Voyager encombrés de cadeaux. Se meurtrir les doigts, les épaules et le dos. Marcher en tirant les valises, en envoyant des textos pour souhaiter de bonnes vacances et un bon Noël aux gens que l’on aime. Acheter des choux de Bruxelles. Parler. Trier les choux de Bruxelles. Parler. Décorer un autre sapin. Manger. Faire semblant de trinquer avec du champagne pour ne pas incommoder les autres — beaucoup se sentent offensés par la « rabat-joie » qui ne boit pas d’alcool. Parler. Sourire. Écouter. Parler encore. Se retenir de dire. Lécher sur ses lèvres le brandy butter épicé par les miettes du Christmas pudding. Parler encore. Offrir la surprise d’une pièce de théâtre, Ballet Shoes, au National Theater sur les quais de la Tamise. S’enthousiasmer avec appréhension de retrouver des personnes que l’on aime et qui nous supportent, mais étouffer de devoir enchaîner les retrouvailles trop brèves. Écouter sans entendre.
Apnée.
Se planquer aux toilettes pour respirer un instant.

Embrasser. Parler. Rire. Offrir. Recevoir. Pleurer en cachette en lisant un message, oh et puis non tant pis. Donner. Serrer fort. Entendre. Parler. Sourire. Parler. Sourire. Parler. Dire en pointillés. Écouter de toutes ses forces. Interroger.
S’autoriser quelques minutes de jeu avec les galets de la plage sous les falaises de craie de Rottingdean, à prendre des photos de ce que je baptise mes « matisseries ». Composer un message pour l’année qui arrive. Ohé, 2025, tu m’entends ?


Parler. Sourire. Se retenir de dire. Voyager dans l’autre sens, encombrés de cadeaux. Recommencer ailleurs, sans les choux de Bruxelles. Parler, sourire encore. Ecouter si l’on peut. Rentrer. Vider les bagages. Fouiller au fond de la valise vide pour retrouver son énergie égarée. Ranger. Ranger. Encore ranger. S’autoriser à se planquer pour le réveillon du Jour de l’an, parce que celui-là ne fait l’objet d’aucune attente ni de la part des ascendants ni des descendants (les filles s’éclatent chacune de leur côté avec leurs amis). Défaire le sapin sous les hurlements d’un cerveau bouillonnant. Évacuer les papiers cadeaux. Ranger les décorations dans les cartons. Ranger les cartons dans l’abri de jardin. Les pousser de force sur rayonnages de son tumulte intérieur. Ignorer le sol qui chavire en raison de la grande fatigue. Rejeter l’humeur courte due à l’absence de pauses entre les étreintes et les agapes.
Enfin, céder à la main attrapée par son tumulte intérieur, oser lever la tête et le regarder dans les yeux. C’est bon , j’ai compris. Viens, maintenant je t’accueille et me soumets.

Pourquoi est-ce que je m’impose cela ? Chaque année, dès le dix décembre, je m’interroge. Chaque année j’apprécie mieux les moments de retrouvailles a posteriori. Traverser Noël isolé est dur, ça m’est arrivé deux fois. La pression sociale alourdit ce qui ne serait, sans les vitrines clignotantes, qu’une pause naturelle et bienvenue au cœur des jours sombres. Quelle solution retenir : céder à la tornade ou opter, en toute culpabilité et tristesse, pour le calme ? Les mammifères hibernent ou se terrent. Sur mes mangeoires suspendues sous les lauriers-tins, les mésanges se sont raréfiées depuis que le givre ourle leurs feuilles. L’être humain dans sa grande arrogance balaie la biochimie de son corps d’un revers de main gantée de laine qui tient son IA de poche. La nature s’assoupit, lui s’agite. Quelle terreur l’empêche de soutenir le regard de l’hiver ? Celle du vide ?
Même pas eu le temps de regarder It’s a wonderful life (La vie est belle) dont le DVD est égaré. Même pas eu le temps d’allumer les lumières du jardin de devant plus d’une paire de fois. Le tourbillon de décembre m’a déposée échevelée, hors d’haleine et épuisée dans les bras de janvier. Avec un besoin vital de silence et de me taire. Sus aux mots.

C’est la reprise, vais-je pouvoir me reposer dans les sillons des contraintes inévitables ? Comment glisser la convalescence entre les tâches, la faufiler dans les trous d’usure des obligations ? C’est la reprise, comme on recoud une chaussette trouée, on rattache deux bouts d’année effilochés de part et d’autre d’une trêve qui n’en a que le nom. La reprise comme en musique, ce signe de solfège, les deux points verticaux le long d’une barre en travers de la portée qui indique que ce dernier passage doit être rejoué. Rejouons le jeu de la vie, déroulons les jours selon le rythme de l’année avec ses accélérations, ses ralentis, son retour au tempo. Résolvons-nous à vieillir, à mûrir, à accueillir les surprises, puisqu’il le faut. Réjouissons-nous des bonnes, armons-nous contre les autres.
Les surprises nous attrapent la plupart du temps sans crier gare, c’est leur nature même. Parfois, espiègles, des panneaux nous préviennent : attention, surprises au détour du chemin, comme celui photographié un été en riant sur une plage au sud de l’Angleterre. Naturists may be seen beyond this point. L’avenir nous guette avec son chargement d’événements inconnus, tapis derrière nos jours, prêt à nous sauter à la gorge ou nous offrir une églantine cueillie dans le buisson de la haie.
L’autre jour, j’ai découpé dans ma journée un espace-temps suffisant pour avancer la manche d’un pull commencé voilà plus d’un an, prétexte à enfin m’asseoir dans le calme. Vous le savez maintenant, j’ai besoin de jours entre les jours, de temps seule entre les événements sociaux (que je préfère limités en nombre et en fréquentation) pour que s’apaise la tempête dans ma tête. C’est une cour d’école à la récré, ma cervelle, ça crie, ça court, ça tombe, ça s’égratigne les genoux, ça chuchote à l’oreille, ça tire une couette, ça grimpe, ça s’essuie le nez d’un revers de manche, ça pétille du regard au-dessus de joues rougies par la brûlure du froid. En décembre aucune maîtresse ne siffle la fin de la récréation. Je ne peux compter que sur Estelle et elle n’ose pas. Pourtant, elle préférerait retrouver ces personnes aimées dans un contexte plus paisible. Rien n’interdit de manger des choux de Bruxelles et des chocolats au mois de mars.
Estelle, je compte sur toi pour l’année prochaine.
1, 2, 3, donc.

Dans cet espace-temps au cœur d’un fauteuil devant le nouveau poêle éteint pour cause de trop grande douceur, j’ai attrapé mon fil de tweed et mes aiguilles à double pointe en bois, et commencé à regarder un Hitchcock sur la tablette. Strangers on a train. Je ne l’avais jamais vu, en avais entendu grand bien, et me régalais à le découvrir. Au moment où, le suspense à son comble, le vilain héros approche les mains du cou d’une dame pour simuler un étranglement, la porte de la maison s’ouvre. Je sursaute. Ma benjamine, qui rentrait plus tôt que prévu, s’est exclamée :
— Tu dormais ?
— Non, pas du tout. Je regarde un Hitchcock, d’ailleurs il te plairait.
Les aboiements soudains de Gaïa, le moindre mouvement ou bruit inattendu me font sursauter. Ma famille se marre et moi je frôle la crise cardiaque plusieurs fois par jour. Quel gaspillage d’énergie pour cause de réflexes affûtés !
Décembre m’a offert des surprises variées.
En me rendant à mon cours de piano, j’ai été choquée de constater que le massif d’arbustes et de vivaces le long de l’allée de l’école de musique avait été arraché. Même les plantes grimpantes, les clématites armandii au feuillage lustré vert foncé persistant et aux fleurs en étoiles au parfum délicieux de fleur d’oranger, avaient été sacrifiées. Ça m’a mise dans une colère noire. Comme Idéfix, je ne supporte pas que l’on tue des plantes. Deux jours plus tard, un matin tôt en me rendant au marché, les jardiniers municipaux étaient là avec leur camion d’outillages et de plants, au seuil d’une terre labourée à la pelle mécanique. Les pauvres n’ont pas compris ce qui leur tombait dessus de bon matin : mon avis hargneux. Et que franchement c’est du gaspillage d’argent public de détruire des plantes qui vont très bien. Et qu’il va falloir quinze ans pour que les grimpantes retrouvent la taille de leurs prédécesseuses et recouvrent le mur triste. Et qu’un particulier ne ferait jamais cela, soucieux de sa bourse. J’en ai des choses à dire à des gens qui font leur boulot et ne m’ont rien demandé.

Leur réponse m’a sidérée :
— Faites-nous confiance, le massif était triste, il vaut mieux ça que de mettre de l’enrobé.
De l’enrobé ? C’est donc ça le choix ? Dépenser à gogo pour végétaliser à neuf un massif ou bétonner ? Quelle absurdité !
Il y a comme un souci dans la gestion de cette ville. Mes filles et mon mari viennent de rentrer de la place centrale où des affiches promettaient une vente de boudin. Pour le déjeuner, tout avait déjà été vendu. Même déception cet été, à deux reprises, avec les food trucks du parc : ils ne servaient pas après 19 heures, un autre jour, l’électricité ne fonctionnait pas… Quand la municipalité promet des festivités alimentaires (même sans les financer), prière d’apporter son pique-nique.
Heureusement dans le bouquet de surprises médiocres, une étincelle a ensoleillé l’ordinaire mi-décembre.
Un samedi matin, emballée d’une écharpe et d’un bonnet, j’ai quitté la maison seule, vers 8 h 30 sous le prétexte de faire des courses. J’ai rejoint en métro la gare de la Part-Dieu où j’ai pris le tramway pour l’aéroport. Coincée entre la vitre et un type enrhumé qui n’arrêtait pas de renifler, j’ai lu en tenant mon livre d’une main et en me bouchant l’oreille gauche de l’autre. Voilà longtemps que je n’étais pas allée à ce qui sera toujours pour moi l’aéroport de Satolas, même s’il a été rebaptisé Saint-Exupéry. Entre la gare et le terminal numéro 1, j’ai traversé des routes et longé des parkings (des champs d’enrobé), et levé la tête pour observer les nuages d’étourneaux composer des formes mobiles et changeantes dans un ciel gris. Je n’ai pas eu longtemps à chercher la porte des arrivées, elle est là, sur la gauche en entrant. Postée derrière la barrière, glissée entre une dame et un panneau, un sourire réflexe aux lèvres, le portable à la main, prête à photographier l’instant, j’attends.

La double porte s’ouvre par intermittence, pour laisser passer des voyageurs fatigués par un lever matinal ou épuisés par une nuit coincés dans un avion. D’où viennent-ils ? Le panneau des arrivées ne me renseigne pas vraiment, mais me fait rêver. Qui n’a pas envie de sauter dans le premier avion pour une destination inconnue, comme un cadeau surprise que l’on s’autoriserait ? Les retrouvailles d’inconnus réjouissent, comme dans les scènes d’ouverture et de clôture du film Love Actually. Je fredonne la musique du générique.
Là, ça y est, elle arrive ! Vite une photo, une autre, au cas où la première soit ratée. Emmitouflée dans un gros blouson, une longue écharpe, le casque audio autour du cou, une valise à la main, un sac banane en bandoulière que je reconnais, que sa maman lui a cousu. Elle vient voir mon aînée pour son anniversaire. Sa maman et moi avons organisé sa venue dans le plus grand secret. Une grande amie de Mainz que nous appellerons Nina.
Le matin même, pendant que je prenais ma douche, mon portable était resté branché dans la cuisine. En revenant, un message de Nina me confirmait qu’elle était bien dans l’avion. Frisson, regard sur l’épaule. Mince alors. Et si ma fille l’avait lu ? Mon téléphone sert de juke-box à toute la famille. (Pour les moins de 40 ans, comprenez que chacun l’utilise pour écouter ses playlists sur Spotify.) Être complice d’un bonheur secret est une joie et un honneur immenses. Je veux remplir ma mission sans faillir.
À l’aéroport donc, joie d’accueillir celle dont la venue va illuminer ma fille et le week-end de toute la famille. Embrassades. Dans le tramway, nous discutons de ses cours, ses projets d’étude, son déménagement prochain, son futur voyage en Australie, de la politique allemande. Dans le métro, je lui explique le mode opératoire, je décris la route d’arrivée, le plan de la maison. Dans le bus, j’envoie des textos à mon mari, des mots de rien du tout qui portent la lumière, bulles de savon irisées, qui dansent légères dans notre avenir proche.
— Où est-elle ?
— Dans sa chambre, elle travaille.
— Et Gaïa ?
— Dans le salon, fermé.
Ouf, il ne faudrait pas qu’un aboiement impromptu gâche tous nos préparatifs top secret. La petite sœur en stage de troisième dans une pâtisserie emballe des papillotes. Elle n’est au courant de rien et n’a pas besoin d’être dans la confidence. Cela lui fera une jolie surprise à elle aussi.
— On arrive dans trois minutes.
Non, cinq. J’ai raté l’arrêt, tout absorbée dans nos manigances.
— Alors, Nina, tu vas entrer, monter l’escalier. La porte de ton amie est en face sur la droite.
Derniers mètres à retenir notre souffle et nos éclats de joie. Portillon, allée, saluts silencieux à mon mari par la fenêtre. On chuchote, on trépigne de hâte, Nina laisse sa valise dehors. Il ne nous manque que les cagoules pour mener à bien le coup qu’on mijote. Des cagoules roses à paillettes. Porte d’entrée, index silencieux tendu vers le haut pour indiquer la direction — comme s’il y avait plusieurs options. Elle monte en faisant attention à ne pas faire craquer les marches. Je la suis, portable à la main, pour filmer ces retrouvailles surprises.
Toc toc. Elle frappe. Un oui étouffé lui répond, un oui las, résigné à être interrompu en pleine phrase par sa mère ou on père. Nina pousse la porte et entre. Ma fille penchée sur son bureau, un stylo à la main, lève la tête.
— Hmm. Quoi ?
Ses yeux se fixent sur l’intruse et s’écarquillent.
— Hein ? Qu’est-ce qui se passe ?
Les secondes enflent, gonflées de joie. Quand vont-elles exploser ?
— Nina ?
Son regard quitte Nina pour m’interroger en silence, sourcils hauts, avant de se reposer sur le visage de son amie apparue par magie à côté de son bureau.
—Nina, c’est toi ?
Son sourire s’élargit, mange tout son visage. Elle éclate de rire, et moi aussi et mon mari aussi sans doute derrière moi. Je filme sans regarder l’écran en sentant mon regard se brouiller. Les larmes coulent, mais je ne veux rater aucune seconde de la naissance de ce miracle.
— Nina c’est toi ?
Elle rit.
— Oui…
— Mais on s’est parlé hier et…
Rires.
— Oui…
— Et tu ne m’as rien dit…
— Non…
Elles se serrent dans les bras, ma fille la regarde plusieurs fois pour s’assurer de la réalité de cette présence aimée, inattendue, là dans sa chambre. Je voudrais leur laisser leur intimité, les laisser savourer le bonheur des retrouvailles. Hypnotisée par leur émotion, touchée et honorée d’avoir pu y contribuer, je m’attarde de longues minutes.
Puis j’arrête la vidéo. Je recule vers mon mari. Essuie mes yeux du dos de la main. Nous redescendons gonflés de joie. Ça a marché ! Vite, j’envoie un message et la vidéo à la maman de Nina. Ça a marché ! Elle me répond : oh là là, comme j’ai pleuré !

Ouverture magique d’un week-end de fête pour célébrer ses dix-sept ans. Ma fille a tant de choses à partager avec Nina. Elle rêvait de lui montrer sa chambre dans notre maison rafistolée, de lui présenter ses amies de Lyon invitées à sa soirée. L’une d’elles la connaît déjà d’un séjour à Mainz.
Elles commencent par sculpter le quatre-quarts fait exprès pour être découpé, en un village de conte de fées, comme ceux que je leur faisais quand mes enfants étaient petits. Ça sent les Dragibus, les fraises Tagada et la réglisse. Pour manger, les filles auront des pizzas maison et un gâteau au chocolat géant. Je les prends en photo de dos, ce qui surprend Nina, car je sens que ne résisterai pas à vous conter cette aventure.
Nous jetons quelques affaires dans un sac : nous avons été priés de débarrasser le plancher pour la nuit. Mon mari, notre benjamine et moi dormirons dans une chambre d’hôtes au coin de la rue. Des jeunes filles emprunteront nos lits. Heureusement, nous avons eu le droit d’accueillir les invitées avant de filer. Je les adore les copines de mes filles, des ados sympas, drôles et vivantes, dont la compagnie efface mon âge.

Pour étaler les réceptions, notre plus jeune a organisé la fiesta pour ses quatorze ans à la mi-janvier. Elle nous a autorisés à rester à la maison, à faire les pizzas, et à leur organiser un atelier de peinture sur céramique. Emoji clin d’œil. Deux jours plus tard, j’ai rendu sa liberté à la pâte à pizza restante qui cherchait à s’échapper du bol dans le frigo.
Lundi 20 janvier c’était mon tour. Pas de grande fête, pas de soirée pyjama, juste une sortie cinéma en amoureux et une soirée gâteaux-bougies-diabolo-châtaigne-narcisses-miniatures tous les quatre. Les hurlements de Gaïa quand on chante. Aucune intrusion médiatique. Pour mon anniversaire, je me suis offert du moins et du silence. Faute de pouvoir me couper du monde, je me suis désabonnée du Monde. Cela ne suffira pas à me préserver de la brutalité ambiante, mais je veux éviter d’être happée dans le sillage du Grand bond en arrière.
Quand je serai prête, je me contenterai des titres de presse. J’essaie de m’informer auprès de sources journalistiques fiables, tout en gardant à l’esprit que, même sérieux, les médias publient pour un lectorat. L’Éducation nationale est la cible principale du Monde mais tout de même, dans un article sur les études supérieures et les résultats au bac, le ou la journaliste a laissé entendre que la raison pour laquelle les étudiants se pressent de plus en plus nombreux aux portes des universités, est que, comme la marée deux fois par jour, « le niveau monte ».
Ça me rappelle une stagiaire en bac + 5, que j’avais recrutée faute de mieux, qui émaillait ses textes de majuscules décoratives et de fautes d’orthographe plus grosses qu’elle, et attrapait son téléphone pour ajouter 2 à 10. Elle m’avait expliqué que si de plus en plus d’élèves avaient leur bac, c’est qu’ils étaient de plus en plus compétents. Selon elle, le savoir grandissait avec l’année de naissance et elle était toute fière du rab d’intelligence offert par ses vingt ans de moins.
CQFD.
« C’est cul, quoi ? »
À l’aide !

Allez, s’il est encore temps de vous souhaiter une année aimable et des jours jolis, (après tout, pourquoi pas), j’espère que la fée des bonnes surprises se penchera le matin sur votre tasse de café. Pas trop sinon, plouf ! Imaginons la fée Clochette accrochée par les ailes avec une pince à linge à une corde tendue, les bras croisés et l’air boudeur d’être immobilisée ainsi dans le courant d’air. Comment est-elle habillée déjà cette fée de poche ?
Je vous souhaite des surprises charmantes, comme de voir le matin les réverbères s’éteindre, ou le soir s’allumer, l’écureuil courir le long du muret, d’écouter dans le métro une jeune fille et un ancien professeur qui se sont croisés par hasard, échanger des nouvelles. Ou, des surprises rigolotes comme, en arrivant à un rendez-vous, de sortir de la poche arrière de son jean un rouleau en carton de papier toilette oublié qui aurait dû être déposé à la poubelle. Comme de sursauter lorsqu’une araignée velue sortira de votre botte de poireaux. Ou comme dans le train où je termine cet article, la fonction lecture à voix haute se déclenche par erreur. Vite, vite, arrêter cela ! Comment fait-on ? Tâtonner de la souris. Cliquer ici et là. Ferme-toi logiciel. Tais-toi, voix synthétique insupportable. On ne voudrait pas importuner ses voisins avec ses lignes sur le besoin de vide.
Avant de me taire, je vous souhaite de penser à guetter les surprises jolies, de digérer les autres le mieux possible, et surtout, je vous souhaite la visite de votre Nina.
