Yes ! Nous avons pu nous rendre en Angleterre pour Noël ! En passant par la Belgique. Finalement c’est plus simple que de passer par Paris. Le samedi soir en gare de Francfort, nous avons effectué notre 2ème changement de train après une journée dans les transports depuis Londres.
Pour trouver notre voiture et nos sièges réservés, il faut en Allemagne se référer à un grand graphique affiché sur le quai (permanent pour plusieurs mois). Tous les trains à réservation sont dessinés avec les repères en face des numéros de voiture. Fort bien. Donc je me plante devant ce tableau et je cherche l’ICE de 17h58 direction Dortmund. Je trouve un ICE à la bonne heure mais il va à Hambourg. Celui pour Dortmund part une demi-heure plus tard. Bon soit. Notre numéro de train correspond au premier donc c’est sur celui-là que je cherche notre voiture sur le graphique. Pour constater que le train (inscrit en début de ligne du tableau comme à destination de Hambourg) est en deux sections : la première à destination de Koblenz et la deuxième à destination de Dortmund. Bon, bon. Vous suivez toujours ? Moi de moins en moins. (Au risque de gâcher le suspense, sachez que cette histoire se termine bien). Assumons toujours qu’en vertu de l’horaire et du numéro de train qui seuls concordent avec notre billet, ce soit bien notre train. Je cherche donc le repère de notre voiture : A.
Nous commençons à nous y rendre, avec tout notre barda. Sauf que… sur les écrans dynamiques, notre train s’affiche : notre voiture sera à la lettre D. Changement de cap, les filles, on reprend nos dix sacs et valises (prêtes à éclater et à envoyer des cadeaux de noël partout), et on repart dans l’autre sens. Finalement on a trouvé nos places. Au repère C.
Ça vous dit quelque chose ?
Je sais, ça arrive partout. Néanmoins les Allemands se rajoutent un défi : ils indiquent le quai de départ du train sur le billet dès son émission… Forcément sur la durée ça ne tient pas la route, pardon, les rails. Et lors des changements de quai de dernière minute, il faut bien tendre l’oreille pour comprendre l’annonce grésillante en allemand. Ou suivre aveuglément ses voisins de quai. Et faire des sourires en français au contrôleur.
Mais comme, hélas, les trains allemands n’ont pas le monopole des incohérences je me dois de partager une mésaventure non encore résolue avec un site web français que je pense tout neuf. Par décence je ne le citerai pas. Quoique ? Ca me démange. Son accroche commerciale promet pourtant de ”nous simplifier la vie’’.
C’est une des surprises que l’on découvre lorsqu’on vit à l’étranger. Parfois l’administration française se rappelle à votre bon souvenir et vous intime l’ordre de lui prouver que vous êtes vivante. Oui vous avez bien lu. Sous peine de vous couper certains droits qui vous restent sur son territoire. La première fois ça fait vraiment bizarre. Ça me rappelle un très bon livre italien que j’ai lu l’an dernier D’où viennent les vagues de Fabio Genovesi. Deux protagonistes cachent la mère de l’un d’entre eux (décédée, précisons-le) dans le congélateur familial pour continuer à toucher sa retraite. Comme quoi y’a pas toujours besoin de passer une frontière pour dissimuler une disparition à l’Administration. (Faudrait surtout pas le lui dire, sinon c’est 60 millions de Français qui devront fournir des certificats de vie. Tous les ans.)
Bref, j’ai défriché le sujet en arrivant fin 2018 lorsque j’ai reçu un courrier officiel intitulé ‘’certificat de vie’’. Armée du document mystérieux (et franchement un peu effrayant), j’ai pris mon courage à deux mains et suis allée faire la queue à la mairie de Mainz. « Bonjour, pourriez-vous me signer ce papier svp ? Vous comprenez je suis française – encore cet argument passe-partout pour excuser mes requêtes bizarres – et je dois prouver que je suis vivante…» Pourvu qu’elle ne me prenne pas pour une cinglée. Non c’est bon, elle connaît. «Ah oui c’est la saison, les Italiens c’est plutôt en janvier ». L’employée a comparé ma tête, ma carte d’identité et mon adresse dans son ordinateur. Elle a eu l’air satisfaite et a tamponné le formulaire. L’administration française est temporairement repue.
Mais la digestion n’a pas duré très longtemps. J’ai reçu en juillet dernier un courrier avec deux copies identiques du fameux certificat de vie (deux ?) à faire remplir avant le 31/12/2019. Ah faut le faire chaque année ? Bon très bien. Je le ferai à l’automne un jour de pluie me suis-je dis, la perspective de mijoter à la mairie ne m’enchantant guère.
Grand bien m’en a pris, car l’Administration dans sa grande sagesse a changé d’avis… Quelques semaines après le premier, j’ai reçu un deuxième courrier. Il faisait référence à l’envoi précédent, me demandant de l’ignorer, car le système avait changé. Désormais les demandes sont centralisées ailleurs. Je recevrai un document à remplir émanant de cette nouvelle instance. Soit. Attendons.
En novembre, je reçois un Email automatique (auquel bien entendu on ne peut pas répondre) me demandant de renvoyer le document demandé dans mon profil. « Merci de se connecter avec votre numéro fiscal qui ressemble à 157202835143448735226383940494746452628293XZKGYTX4578990 et pour lequel vous avez sans doute quelque part un mot de passe. »
Première étape réussie : je constate que j’existe bien dans le nouveau système. Mais qu’à la rubrique concernant ‘’les enquêtes en cours’’, il précise :’’aucune’’. Comme le mail me menace de me faire disparaître pour tout de bon de ce système français si l’Administration teutonne ne voit pas bientôt ma bobine, je cherche sur ledit site un éventuel formulaire vierge que je pourrais faire remplir et renvoyer. En vain. Ce nouveau site web tout neuf n’a prévu aucune adresse mail ou numéro de téléphone. Pas fou. Il renvoie tout contact sur les différentes administrations, qui, elles, renvoient sur le site, puisqu’elles ne le gèrent pas. (Je sais j’ai essayé). Ça tourne en boucle absurde, le vampire se mord la queue de bêtise. Si je me rongeais les ongles, je n’aurais plus de doigts. Et je gaspille un temps fou.
Je reçois une relance menaçante : puisque je n’ai pas renvoyé le document demandé (lequel ? et comment ?), ils vont me l’envoyer par courrier. Faute de le voir arriver (je l’attends toujours), je reprends le papier vierge de l’an dernier et un ticket de tram, et vais faire des sourires à la mairie de Mainz. Je renvoie (à l’adresse postale prévue sur le site) le certificat signé, tamponné (franchement, je ne peux pas mieux faire) avec un courrier (poli) illustré des copies d’écran pour leur montrer ma bonne volonté (franchement, quand on est mort, on s’amuse pas à faire des copies d’écran, hein ?) Je respire. J’ai réussi à dompter le monstre avant l’échéance fatidique.
En tous cas c’est ce que je croyais. Jusqu’à ce que je reçoive un nouveau mail de relance le 2 janvier. Franchement ? Avec une autre date à respecter (fin février). Le Minotaure trépigne. Il a faim.
Je ne peux pas me connecter en Angleterre. Il me faut le numéro impossible… De retour à Mainz, je vais sur le site. Miracle ! Mon profil a évolué. Je trouve LE document. Sensiblement le même que celui que j’ai déjà renvoyé rempli. Mais je ne suis plus à un voyage à la mairie près. S’ils préfèrent les couleurs de celui-là… Et si ça peut court-circuiter la roue de hamster fou. Je retourne faire des sourires (avec les Italiens de janvier), je repars avec un document tamponné. Yes ! Et hier je me connecte sur le site pour le renvoyer selon-la-procédure.
Je vous le donne dans le mille : ‘’Le site est temporairement indisponible’’.
Une indigestion de non-sens peut-être ?
Photo : Givre le long du ruisseau (plutôt que copies d’écran administratifs…)