Energies gaspillées (non renouvelables)

Comment se préserver des agressions extérieures quand elles s’infiltrent tous les jours via nos écrans ? Pour les hypersensibles ça relève de la survie.

Ferme le robinet quand tu te brosses les dents ! Arrête le radiateur quand tu ouvres la fenêtre ! Eteins la lumière quand tu sors !

Préserver l’eau et l’électricité, économiser l’argent qui les paient. La leçon est connue. On reste vigilant. Pourtant une certaine énergie devient de plus en plus difficile à préserver : celle qui nous sert de bouclier contre la boue répandue dans les médias au sens large. Morts aux cons… Vaste programme (mon père). Et tant pis pour la solitude (mon prof de philo de prépa).

Certains ont un pouvoir de nuisance plus élevé que d’autres.

Mon fils m’a tracé une courbe sur un petit calepin : la montagne de l’imbécillité (sic – on a beau avoir fait hypokhâgne et khâgne, on a toujours besoin de mettre deux L aux imbéciles, peut-être pour qu’ils soient plus légers à supporter – et là je peux utiliser le ‘sic’ comme il faut, c’est lui qui m’a corrigée). En abscisse : la connaissance, en ordonnée : la confiance. La courbe dessine la bosse d’un dromadaire avant de remonter en pente douce, après la vallée de l’humilité. Le nom savant c’est l’effet Dunning-Kruger. Rappelez-vous Michel Audiard : ‘’Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnait’’.

Ne suivez pas mon regard. Les cons pullulent hélas. Trop près de nous parfois : on est toujours le con d’un autre. M’enfin…

Quand je vois l’énergie qu’il faut dépenser, et l’argent gaspillé tout ça parce qu’un jour un politicien ambitieux et peu scrupuleux des conséquences (pardon pour les pléonasmes) a proposé la baguette magique du Brexit pour résoudre tous les problèmes. L’énergie pour rétablir (un peu) les faits quand la personne à la tête du pays le plus puissant du monde passe son temps à mentir. Celle pour colmater les brèches dictatoriales dans la démocratie. Quel gaspillage de tous les efforts de construction des générations précédentes comme s’ils étaient acquis. Gaspillage de temps, d’argent, de notre patience. Quelle insulte au bon sens de leurs électeurs !

Mainz, dans une ruelle

J’essaie de me préserver au maximum des réseaux sociaux.

J’ai une image très négative de Twitter où je n’ai aucune envie de tremper les neurones. Facebook m’a rebutée quand j’ai créé une page pour mon atelier de peinture sur céramique voilà quelques années. Bilan, je ne suis présente que sur Instagram et encore du bout des doigts. Son côté créatif, esthétique et gai me plait… dans le respect des doses prescrites. L’uniformité lisse est insidieuse. La toxicité s’insinue dans les atteintes à la confiance en soi. Une goute par ci, une goutte par là. L’acide de la perfection des autres ronge la peau.

La vitrine des apparences sur écran est encore pire que dans la vraie vie. Là où on se comparait malgré soi à un ami, un collègue, un voisin, on peut se mesurer à la terre entière. Une terre sans aspérités et homogène, jeune et en bonne santé. Peuplée de petits chats et de jolies filles (peu habillées). Je cherche à apprendre : dans les dix trucs pour améliorer sa présence Instagram il est conseillé de poster des photos de son chien. Vraiment ?

(Non ça ne me suffira pas à céder aux supplications de mes filles).

Soucieuse de préserver mon cerveau hypersensible de conséquences démultipliées, je filtre énormément. Mais l’autre jour tentée par un site créatif, je me suis laissé happer par des photos dignes de magazine, des réalisations à mon goût… Ma raison a beau eu me chuchoter de me méfier des apparences, j’ai posé mon téléphone avec amertume.

Vilaine jalouse.

Ça n’est pas très agréable comme sensation vous imaginez. Ni de se regarder devenir comme cela.

Le Rhin à Budenheim, samedi

Je filtre mais même sur la page de l’actrice anglaise, Miranda Hart, mon gourou en authenticité j’ai été choquée. Pas par elle, non, car c’est la seule personne dont j’ai connaissance qui accepte de se montrer ”pour de vrai” le cheveu gras ou mal habillée. Elle le fait ostensiblement sur sa page pour contrebalancer les mensonges par omission de la planète. Elle partage des sensations qui semblent sincères. Même s’ils viennent pour son humour, ses fans restent pour sa vulnérabilité assumée. Elle les touche au cœur.

Donc là, sous un de ses posts, j’ai lu une de ses réponses (bienveillante, ouverte) à quelqu’un. Intriguée, j’ai lu le commentaire (pof glissade dans le piège insidieux des réseaux sociaux : toujours plus, et même vers des destinations que l’on souhaite éviter). Et là je suis choquée : une Américaine avait écrit dans une forme raisonnable des arguments qui l’étaient moins. En substance : J’en ai marre d’être considérée comme une méchante parce que je vote républicain.

Non.

A un autre moment de l’Histoire oui mais aujourd’hui, non.

Trop facile.

Quand un charlatan monstrueux a eu quatre ans pour montrer son pouvoir de nuisance, on ne peut pas se cacher derrière la couleur de son bulletin de vote. 70 millions de gens ont pourtant voté pour lui. Mon mari dans une démarche scientifique cherche à savoir pourquoi : il réfléchit. Mon analyse politique est plus expéditive. Ce sont des gens irresponsables qui ne réfléchissent pas plus loin que le bout de leur fusil pistolet (un fusil c’est encore trop long). Des gens qui osent tout. La proportion donne le vertige.

Le Rhin, en face, un autre samedi.

Là ma raison revient à la charge : tu veux t’améliorer sur Instagram ? Tu veux être likée par une majorité molle ? Celle que tu fuis au quotidien parce que tu ne t’y sens pas bien ? Tout ça pour le petit boost d’endorphine ? Et en refusant de tricher ? Ressaisis-toi. Miranda peut se le permettre grâce à sa côte d’amour gagnée par son talent d’humoriste. Toi si tu y vas franco tu vas juste faire peur.

Non mais tu comprends, je lui réponds (ça discute beaucoup dans ma tête, pffff), j’essaie juste d’apprendre les codes de mon époque. Pour ne pas être trop has been avec mes filles (mon fils, lui préfère les bouquins aux écrans qu’il ne fréquente pas). Rentrer dans une case ? Encore ? T’en as pas marre d’essayer ? Ça ne marche jamais et tu t’en sors avec des cicatrices.

OK, OK.

J’essaie de rester authentique dans mes écrits et mes publications. Tant pis si ça ne rentre pas dans les photos carrées d’Instagram. Ni dans les algorithmes de Google.

Mais le mal sournois s’insinue à mon insu. Chaque jour je reçois plusieurs commentaires à mes articles. Ecrits en anglais, ils semblent venir de sources aux graphies exotiques. Des mails qui parlent de toute la boue (plus ou moins légale) vendue ailleurs et pointent grâce à des liens vers ces sites. Tous les jours je consacre de longues minutes à trier et jeter. Je gaspille du temps et de l’énergie.

Je reçois aussi des inscriptions de gens inconnus aux noms aux consonances anglophones (curieux à la longue sur un site en français) et aux adresses mail sans jamais aucun rapport avec le nom. Au début j’étais contente de cette progression. Depuis juin, plus rien de louche. Ah, WordPress a dû faire une mise à jour. J’ai testé une adresse mail dans Google : Norton a clignoté comme un arbre de Noël : site dangereux.

Je me suis renseignée. J’ai appris (ce que vous savez déjà sûrement) que les commentaires malintentionnés étaient fréquents sur un blog et qu’il existait des filtres à activer (et à payer). Je l’ai fait. J’ai aussi supprimé tous ces faux abonnés. Un poids délétère s’est envolé de ma poitrine.

Gardons notre élan pour créer plutôt que pour se préserver des assauts malveillants du monde entier qui entrent sans frapper. Au moins avec les pubs dans la boite aux lettres ça reste bon enfant et local. On s’en tient aux pizzerias du quartier. Un petit carré de papier collant nous protège : Keine Werbung bitte, danke (pas de pub svp, merci).

Dans une vie grillagée de contraintes coronesques, c’est agréable de se sentir libre d’écrire tout cela. La pensée et la parole comme derniers espaces de liberté.

L’autre matin dans un élan de courage du début de semaine, et aussi pour m’occuper pendant que je grignotais mes tartines (pain archi-complet et pate d’amandes), j’ai voulu regarder les titres des journaux. J’ai tapé lemonde. Les merveilleux algorithmes de mon moteur de recherche m’ont proposé des tas de recettes de boissons au citron (lemonade). J’ai pu atterrir avec un sourire acidulé sur la une du Monde. Je n’ai lu qu’un article, dilution du sourire. Emmanuel Macron regrettait, dans son hommage à Samuel Paty, la timidité des condoléances de pays étrangers censés partager nos valeurs de liberté d’expression. J’avoue (comme dirait ma fille 500 fois par jour) que j’ai été surprise par les articles que j’ai lus dans la presse britannique sur le sujet. Timorés au point d’être ambigus. La séparation de l’Eglise et de l’Etat reste un concept exotique et progressiste même pour nos voisins démocratiques.

Novembre en ciel

Et pourtant…. A l’échelle de notre quartier, l’Allemagne, a rendu hommage à Samuel Paty.

Oui l’Allemagne, où il faut déclarer sa religion à la mairie lorsqu’on arrive (pour se voir attribuer les impôts associés). Au Gymnasium de nos filles, à la rentrée des vacances d’automne, un message du directeur au micro général a demandé à toutes les classes, du CM2 à la terminale de faire une minute de silence. 1100 minutes d’adolescents et 120 minutes de professeurs. Ça m’a beaucoup touchée. Les filles aussi bien sûr. Elles n’étaient pas au courant. D’habitude nous essayons de traduire les événements importants en langage édulcoré. Mais là nous n’avions pas encore pu. Déjà que notre benjamine ne veut pas rentrer en France par peur des attentats…

Source en cabane

Je ne devrais pas recevoir de commentaires désobligeants de la part de ceux qui redoutent la liberté d’expression. Mes articles sont classés « rouge » par mon logiciel : « ne peuvent pas être compris par des enfants de 11 ans ».

Permettez-moi de conclure sur une citation du Marquis de Sade que j’aime beaucoup : « Tous les hommes sont fous, et qui n’en veut point voir doit rester dans sa chambre et casser son miroir. »

Ça tombe bien, dans ma chambre y’en a pas de miroir.

Médaille de bronze de natation (en tissu)

Cette nuit un bruit soudain, intense et obstiné a traversé les couches de mon inconscience. Qu’est-ce que c’est ? Ah, c’est juste la pluie.

La pluie ?

De mémoire d’arbre, la dernière pluie remonte à avant la chute prématurée des feuilles craquantes. La génération actuelle de fleurs ne l’a jamais connue.

Hier matin, quand je suis passée à vélo près du grand terrain de jeu du quartier, un jardinier municipal armé d’une bruyante débroussailleuse, attaquait une herbe rare et sèche, pourtant recroquevillée au ras du sol. Ça sentait la roquette. Les touffes foncées aux fleurs-papillons jaune citron semblent être les seules plantes heureuses de la météo estivale prolongée. Elles, et une espèce de trèfle que je ne connais pas, mais dont les petites fleurs jaunes aussi dégagent un parfum très agréable quand on passe à côté.

Le temps change, enfin. 

J’adore l’automne, sa fraîcheur humide sur fond parfois bleu, sa lumière chaude entre les troncs mouillés et les feuilles multicolores. Les marrons et les châtaignes, la gelée de coings et la soupe de potimarron. La pluie rassurante.

C’est dommage en un sens : la piscine extérieure va fermer. (Le journal local précise que la dernière journée sera réservée à la baignade des chiens.)  J’adore nager dehors en septembre, quand la température de l’eau est confortable, équivalente ou presque à celle de l’air. Les bassins sont vides. Une amie nageuse (elle va à la piscine presque tous les jours) m’a fait remarquer le seuil psychologique local des 30°. Au-delà, le parking, les pelouses, les lignes de nage sont saturés. En deçà, même de quelques degrés, presque personne. Il m’est arrivé, sans grelotter, d’avoir la piscine à moi. Les Allemands sont frileux.

Toujours très couverts, ils craignent particulièrement la pluie. Dès qu’il tombe trois gouttes, les enfants sortent en bottes en caoutchouc et surpantalons étanches. Même au mois d’août. Les parents enfilent leurs vestes en goretex. Dès que les matinées fraichissent, les vestes et les écharpes apparaissent (c’est l’époque des chaussettes dans les sandales). Avec leur short au mois de septembre, mes filles passent pour des originales (même avec les températures récentes). Leurs copines s’inquiètent : ”Mais t’as pas froid comme ça ?”

Peut-être leurs origines anglaises ? En plein hiver, il est fréquent de voir outre-Manche des genoux à l’air, des blousons ouverts sur des T-shirts, des bras nus dans les restaus. Je me souviens être allée manger à Londres fin décembre avec une amie vêtue d’un polo à manches courtes, et pour sortir, d’une veste type tailleur, et d’une écharpe. J’étais emballée d’une veste épaisse, d’une écharpe et d’un bonnet, avec tout ce qu’il faut d’épaisseurs là-dessous. Et j’avais presque froid. Ces dernières années les climats océanique de l’Angleterre (‘’doux et humide’’) et continental de l’Allemagne (‘’très froid l’hiver, très chaud l’été’’) semblent s’être superposés.

Avec la pluie qui arrive pour s’installer si j’en crois les prévisions, comment allons-nous négocier les trajets pour le collège à vélo ? ou plus précisément comment vais-je négocier avec mes filles pour qu’elles n’arrivent pas trempées en cours ?

Echanges de ce matin :

-Si tu mettais un Kway dans ton cartable ?

-Non c’est bon j’ai un parapluie dans mon sac.

Un parapluie ? à vélo ? Moi j’ai un poncho de rando si besoin. Mais à mon âge le look passe bien après le besoin.

Heureusement les jours de sport elles ont de quoi se changer intégralement. Les gymnases ne sont accessibles qu’avec des baskets réservées à cet effet : propres et à semelles blanches. Les profs de sport insistent sur des vêtements lavés régulièrement et qui ne restent pas à croupir dans un casier. Tous les gamins se trimbalent un sac de sport complet avec vêtements et chaussures. D’ailleurs le kit de l’écolier (tous âges confondus) comprend outre le cartable et la trousse, la gourde, la petite boite pour le snack (Brotdose) et le sac de sport, type besace. Les sorties d’école ressemblent à des départs en trek.

Les gymnases sont multi disciplines : le sol reste libre. Pour faire de la gym, le matériel doit d’abord être installé. Il est rangé à l’issue de la leçon. Tous les agrès sont sur roulettes et le praticable enroulé. La première fois, j’ai été surprise de voir ces mini-gymnastes procéder à la manutention de grandes poutres ou des barres asymétriques. A plusieurs ça roule.

Le sport semble recevoir ici le respect qu’il mérite. C’est une discipline prise au sérieux. Les notes comptent, l’avis des profs est écouté, autant que ceux des autres matières. Peut-être parce que les enseignants ont tous deux spécialités (sport et maths, français et biologie ou autres).

La natation fait partie intégrante du programme. Les petits Allemands passent des diplômes, un peu comme les étoiles au ski. Le ‘’flocon’’ c’est le Seepferdchen (l’hippocampe) : l’enfant sait traverser la piscine sans se noyer. Ensuite viennent trois niveaux (bronze, argent et or) en fonction des compétences : durée de nage, distance minimale, nombre de nages, plongeons de plus ou moins haut. Dans le collège de mes filles, la natation est au programme de 6ème (l’an prochain).  Son professeur de français et de sport insiste pour qu’elle passe dès à présent le niveau requis (bronze) au cas où la piscine ferme à nouveau. Les autres enfants ont dû obtenir le certificat au primaire.

Dimanche nous sommes donc allées toutes les deux s’entraîner. Je veux voir son plongeon, elle l’a révisé avec son frère cet été. En partant elle a relu les 10 règles qu’elle doit connaitre par cœur. Allez plonge ! pas mal. Suffisant il me semble. Allez on le passe ce diplôme, comme ça ce sera fait ? Non. Si. Attends, je vais réviser les règles, elles sont affichées sur le mur.

Nous nous approchons de la maitre nageuse (doit-on dire maitresse nageuse ?), Schwimmmeister (non les 3 M ne sont pas dus à une touche coincée), une jeune femme en T-shirt et short rouge (les couleurs du club de Mainz 01) aux cheveux blonds ondulés aux épaules. Elle va chercher son chronomètre. Elle boite un peu, peut-être s’est-elle fait mal ?

Top c’est parti. Ma fille plonge et attaque ses longueurs de brasse. Il lui faut en faire au moins six et deux autres en dos. Elle slalome entre les gens, la maître nageuse longe le bassin et jette un œil de temps en temps sur la petite fille au bonnet bleu clair (le mien). Elle lui lance ensuite un anneau à aller chercher avec puis sans lunettes. Une bombe depuis le plongeoir. Les règles à réciter. C’est bon. Ouf ! c’est fait ! Ma fille est contente et soulagée. Moi aussi.

(pas le droit de faire
des photos à la piscine)

A Lyon mon fils a dû attendre le collège pour nager avec sa classe, faute de créneaux disponibles.  Pourtant, les piscines étaient réservées en journée aux écoles. Ici les deux bassins d’hiver (la piscine intérieure classique, et l’olympique extérieure, couverte d’une curieuse bulle gonflée) permettent à tout le monde de nager : les écoles, les clubs, le grand public (si l’on accepte la proximité de cours d’aquagym bruyants le matin). A l’entrée de la piscine, de grands containers en grillage sont remplis de matériel, pull-buoys, frites, ou mannequins. Chacun porte l’étiquette de l’établissement propriétaire.

Ça me fait vraiment du bien de nager et bouger dans l’eau, même juste pour regarder mon apprentie-nageuse. Je croise les doigts (Ich drücke die Daumen, je serre les pouces comme on dit ici) que la piscine ne soit pas condamnée à nouveau pour cause de corona. Surtout que si c’est le cas, les écoles aussi sans doute fermeront. Le prof de sport-français le craint. Avec sa classe, il a testé le dispositif vidéo vendredi.

Heureusement, côté diplôme aquatique ce sera fait. Enfin j’espère : sur le certificat la mètre-nageuse s’est trompée de colonne. Elle a attribué à ma fille le niveau argent. L’écusson en tissu, lui, est bien bronze.

L’écusson-médaille indispensable pour la 6ème

Heidelberg ~ (l’autre moitié)

Suite de l’article : Heidelbert (à moitié)

(Mon amie et moi avons faim : nous sommes à la recherche d’un restau de falafels pour midi.)

D’après l’adresse indiquée, le restaurant libanais se situe sur une petite rue, près de l’église des Jésuites. Nous trouvons l’église baroque, en grès rouge du Palatinat (comme le château, la cathédrale de Strasbourg, le lion de Belfort et tant d’autres monuments). Mais à l’adresse indiquée, une porte banale de résidence privée. Zut ! Tant pis, rabattons-nous sur ce café là au coin.

Il se trouve que c’est bien l’endroit que nous cherchions : l’accès en est sur le côté. Tables dehors dans une rue pavée. Encore peu de clients. Une jeune femme termine son assiette et la rapporte à l’intérieur. Nous la suivons. L’étalage de salades, taboulés, houmous fait envie. Nous choisissons une assiette complète pour deux et du thé froid maison.

Nous regardons passer les flâneurs, contemplons la rue depuis notre chaise, avec l’avantage involontaire de l’immobilité. On papote et déguste du caviar d’aubergine sur des bouts de pains libanais déchirés, les fameux falafels.

Ça va mieux ! on y va ?

Nous reprenons ensuite la rue de derrière : destination le château, en altitude sur la colline. Un château rouge donc.

-Tiens, c’est là, le funiculaire !

-Ah j’avais pas vu.

L’entrée sur la droite, ressemble à celle d’un petit musée ou d’un hôtel. Masque, ticket au guichet. Paiement par carte. Les mesures préventives liées au corona auront eu ceci de bon par ici : encourager le paiement dématérialisé (pas toutes les cartes partout encore, mais c’est déjà mieux). On attend dans l’escalier, à distance réglementaire, entre un couple avec un très gros chien et une famille à poussette. Le funiculaire arrive. La pente des rails soutenue et rectiligne est vertigineuse.

-On se met où pour mieux voir ?

-Peu importe on est tout le temps dans un tunnel.

-A Lyon aussi y’a un funiculaire, on l’appelle la Ficelle.

-Oui je sais on l’a pris cet été pour aller aux théâtres antiques.

-Je crois que là-bas aussi, passé le tout début, on ne voit rien du tout.

La montée jusqu’à la première gare est rapide. Pour le château c’est là. Ceux qui veulent atteindre le sommet de la colline, avec une autre montée digne d’un tremplin de saut à ski, restent à bord.

Plus de monde que ce matin, les touristes préfèrent visiter l’après-midi (comme nous en somme).

Nous faisons un tour des jardins, en longeant les murs extérieurs. Nos regards sont attirés vers la vieille ville et la rivière en bas. Les toits rouges d’Heidelberg se serrent au pied de leur château, contre les pentes boisées. Tiens, un châtaigner !

-Regarde c’est là-bas la Neckarwiese, la pelouse au bord de la rivière, où on va pour pique-niquer, trainer, refaire le monde.

-Ah oui, plus bas donc, en aval vers la ville nouvelle.

-C’est bizarre que la ville d’origine ne se soit développée que d’un côté de la rivière.

-Peut-être qu’il n’y avait pas de pont au début ?

Vue sur la vieille ville depuis le château

Notre ticket de funiculaire nous donne accès au château. Cérémonial pour entrer (comme partout en Allemagne) : remplir un papier avec ses coordonnées, son heure d’arrivée, le faire tamponner. Le rendre à la sortie où notre heure de départ sera enregistrée. Quand on pense que les Allemands sont très protecteurs de leurs données personnelles (et que c’est une des raisons pour lesquelles le paiement par carte était peu choisi), le corona a fait faire du chemin.

Le château est partiellement en ruine, et c’est tant mieux. Ça lui donne le charme de l’authentique, de l’à peu près. Des façades creuses, comme des décors de théâtre, avec des fenêtres ouvertes sur le ciel (dans les deux sens).

-J’ai lu que c’est Louis XIV qui a fait des destructions par ici.

-Oui. Décidément…

-J’ai l’impression que partout où je vais, les Français ont laissé des traces en creux. Lui ou Napoléon. D’ailleurs je suis en train de lire un livre sur Venise (Venise à double tour de Jean-Paul Kauffmann) : là-bas aussi Napoléon a fait démolir des bâtiments. Y a-t-il un endroit où il n’est pas allé ?

Dans les douves enherbées, mon amie me raconte qu’elle a vu des pièces de théâtre.

Dans ce château est née la Princesse Palatine, Liselotte von der Pfalz, mariée à Monsieur, le frère de Louis XIV. Nous passons devant une affiche à son effigie, le portrait d’une grosse dame moche, mal aimée à la cour. Elle a écrit 60.000 lettres (60.000 ?! ouais en même temps si on comptait tous les mails qu’on envoie depuis toujours à nos proches éloignés…). Des missives pleines d’esprit, de pertinence et d’humour, un regard intelligent sur les coulisses de la cour. Ma mère avait un recueil (une sélection) des lettres de la Princesse Palatine à Versailles. Celles que j’ai lues, à sa recommandation, étaient de vrais joyaux acérés.

Un petit tour dans la cour, le nez en l’air, nous passons en contrebas d’une terrasse de restaurant, avec un macaron Michelin sur la porte (dans un site aussi touristique ?!). Voici l’entrée du musée allemand de la pharmacie. Personne, allons-y.

De petites salles tarabiscotées se succèdent. Elles hébergent des meubles d’officines (souvent issus de cloîtres) avec leurs innombrables tiroirs, flacons et flasques, tous marqués du nom de la substance. Ensuite viennent des vitrines avec des échantillons de produits, parfois sous forme entière, avec le cas échéant les planches botaniques correspondantes. (A quoi pouvait servir la mue de serpent ? le lézard séché ?) Puis des alambics et flacons de distillation. Des jarres en verre avec un très grand tube me font penser au bec des costumes des médecins pendant la peste. Des outils pour peser, écraser, émietter, remplir les tubes de crème, des moules à suppositoires et à des tas d’autres choses (en forme de mouton ?). On se contente de regarder, d’admirer, de se questionner. Les explications écrites, ce sera pour une autre fois.

Nous revoilà dans la cour, sous un soleil blanc. Direction le Grosse Fass, le plus gros tonneau du monde. Nous contournons un groupe qui transpire pendant les explications du guide. Il leur ouvre une porte dérobée : « Vous avez payé pour la culture, pour le vin faudra attendre ! ». Nous on y va direct, au bas d’une pente pavée.

La pièce est sombre, ça sent à la fois le renfermé et le moisi, la ruelle un peu sale (à travers le masque). Pourtant c’est propre. A droite j’aperçois un gros tonneau.

-Ah oui quand même !

-Non c’est pas lui. Lui c’est le petit. Le Grosse Fass, il est là-bas.

-AH OUI !!!

Le tonneau est énorme, comme une maison de plusieurs étages. J’imagine construire une cabane dedans, avec des murs tous ronds. En bois sombre presque noir, ses pans sont entourés de contreforts. Un escalier permet de monter sur la terrasse construite à son sommet pour apprécier le dénivelé, puis redescendre de l’autre côté par un escalier en colimaçon (Euh, tu me donneras la main si j’ai le vertige en descendant ?).

Perkeo

Ce tonneau géant servait à recueillir les taxes en liquide (‘’en liquide’’, tiens tiens…), les prélèvements sur récolte des paysans alentours. Chacun y versait une part de sa production. Quel goût avait ce mélange ? Sur le mur la statue d’un nain italien mythologique, appelé le Perkeo. Il aurait été chargé de surveiller le tonneau. Mon amie m’explique qu’il voulait faire boire les visiteurs, et devant leur refus (ça nous en dit peut-être un peu plus sur le goût du breuvage), répondait Perché no (pourquoi pas ?) ? C’est chouette de visiter avec une ancienne habitante, j’ai l’impression de ne pas être une touriste.

La sortie s’effectue côté vallée, après le passage dans une grande cour dallée, où mon amie me signale une empreinte de chaussure dans la pierre. La trace d’un amant surpris qui aurait sauté par les fenêtres ?

La descente est pavée. Après quelques virages dans l’enceinte du château, un passage sous une dernière muraille (et le retour à la dame du petit formulaire tamponné), la voie est parfaitement rectiligne et bien pentue. Ça doit être sportif les jours de pluie. Comment faisaient-ils avec des chevaux, des charrettes ? Je n’y connais rien en attelages, mais il me semble que des virages auraient simplifié l’accès. Entre ces murs épais, ces arbres, ce château, ce chemin qui descend, cette rivière en contrebas, je repense à mes sorties d’enfant au sommet du Rocher des Doms à Avignon. Les couleurs, les odeurs, les arbres, tout y est différent, et pourtant l’ambiance générale, dans le sillage d’un passé lointain, a quelque chose de cousin.

Des marrons tombent à notre droite dans un fracas de percussions. Nous revoilà en bas. Il est temps de rebrousser chemin. Direction, le glacier recommandé, pardon la gare.

La Hauptstrasse, la rue principale piétonne, est bien plus animée que ce matin. Les terrasses des cafés aussi. Tiens un monsieur mange deux cornets de glace hi, hi. Oh et là regarde un cinéma !

C’est Gloria Gloriette, un cinéma d’art et d’essai, avec un accès par une traboule sombre, aux murs couverts d’affiches. Nous entrons, happées par ces promesses de films récents dont nous n’avons pas entendu parler. Ça fait tellement longtemps qu’on n’a pas pu mettre les pieds au cinoche. A Mainz, les deux cinémas confidentiels sont encore partiellement fermés pour cause de corona. Ailleurs, rien de bien intéressant à l’affiche pour l’instant. J’ai hâte que les programmations reprennent. Mais il n’y a pas de cinéma équivalent à Mainz, pourtant une ville bien plus peuplée que Heidelberg. La grande université doit y être pour quelque chose. Décidément, il fait bon être étudiant ici !

Un peu plus haut sur la grand rue, mon amie cherche dans une façade charmante et blanche, la trace d’un autre cinéma. Il a été remplacé par un supermarché.

Nous visons maintenant le numéro 100, pour les meilleures glaces de la ville (toujours d’après mon guide). La voilà la boutique. Miam ! Entrée interdite, les vendeuses sont dans la vitrine. On s’offre chacune deux boules généreuses et délicieuses. (1,50 euros la boule d’excellente glace dans une zone hyper touristique, pas mal hein ? La glace est une denrée de première nécessité pour les Allemands, un droit absolu. Je soupçonne le prix d’être encadré, comme celui de la baguette en France).

Il fait très chaud, elles fondent vite. Pourtant nous ne croquerons le cornet qu’en retrouvant la Bismarkplatz. Nos jambes et nos pieds commencent à se faire sentir. Nous cherchons les flaques d’ombre. Encore un petit effort. Nous rejoignons la gare par des rues différentes, à travers un quartier récent. Des glycines aux troncs honorables grimpent le long des immeubles. Je pense aux nouveaux quartiers de Gerland à Lyon (la proximité vivante d’un centre-ville en plus).

Ça y est, là, au fond, le champ de vélos et derrière, la gare.

Le train de retour est direct. Tant mieux. Nous sommes fatiguées. Mais nous avons encore plein de choses à nous dire pour cette heure de trajet et de grands sourires. J’ai rapporté de chouettes souvenirs, et de l’élan pour la semaine. Un marron brillant tout neuf.

Alors, je peux vous le dire aujourd’hui, en penchant légèrement la tête et en plissant un peu les yeux, sur un ton pénétré : Heidelberg, c’est beau !

PS : C’est quoi à votre avis les parfums des glaces ?

Une histoire de nid

« Ils ont quitté le nid, sans le savoir vraiment, petit à petit vêtement par vêtement.» Bénabar dans sa chanson Quatre murs et un toit

Cette semaine nous avons le plaisir d’accueillir mon aîné et sa copine, pour quelques jours de vacances studieuses.

Il a quitté son domicile familial maternel (le nôtre) pour débuter ses études. Cela coïncidait avec notre départ en Allemagne. Après des années de garde alternée, il a pris pied dans un logement à lui, unique et permanent.

Nous avons emporté dans notre nouvelle maison les affaires qu’il n’avait pas choisies pour son studio : des cahiers de l’école primaire, des dessins, un télescope. Peu d’objets en somme. Les meubles, les livres, les vêtements sont presque tous restés à Lyon pour accompagner notre étudiant dans sa nouvelle vie.

Nous avons emballé dans des cartons les traces fugaces qu’il nous a laissées. Des souvenirs d’un passé révolu, comme tous les passés, du petit garçon qu’il n’était plus depuis longtemps. A Mainz, nous lui avons aménagé une chambre : de nouveaux meubles dans de nouveaux murs.

Brutalement nous n’avons plus eu le plaisir de le retrouver une semaine sur deux, ni de l’accueillir de temps en temps pour un déjeuner, une lessive, un week-end (trop loin Mainz pour un court séjour). Nous ne pouvions pas non plus nous recueillir dans son ancienne chambre pour une bulle de nostalgie.

Vacances de Toussaint par-ci, d’hiver par-là : chaque séjour à Mainz crée des souvenirs communs dans notre maison allemande. Sa chambre s’anime (autrement que pour servir de bureau depuis mars).

L’avantage d’avoir des enfants d’âges différents, c’est que leur départ de la maison familiale sera échelonné. On aura le temps de se préparer, de voir s’en aller chaque week-end, un livre ou un pull de plus.

On l’a vécu nous aussi au même âge. Partir avec un sac de voyage trop lourd, des affaires pour la quinzaine. Avec ses premiers sous s’acheter une machine à laver, une table et quelques chaises, un lit. Récupérer de vieux fauteuils et une télé en noir et blanc. Rentrer moins souvent.

Repères stables, à cette époque, nos grands-parents étaient ancrés dans une vie depuis des dizaines d’années. Une grand-mère à Avignon, des grands parents en Ardèche. Noël par-ci, Pâques par-là. Le festival, les rôties de châtaignes. On savait où on en était.

Aujourd’hui, pour cause de départ prématuré des grands-mères, les grands-pères refont leur vie. Ils changent de lieu de vie, sans vraiment déménager, sans le savoir vraiment, vêtement par vêtement. Et pourtant rien n’est plus pareil. Les maisons où leurs enfants ont fait leurs premiers pas, où leurs petits-enfants ont joué à cache-cache se taisent, se replient, s’assoupissent.

Nos repères côté ascendants s’effilochent pour nous comme pour nos enfants. A quoi tient l’âme d’une famille ? d’une maison ?

Aux pas dans le couloir du petit matin dans l’odeur des ficelles craquantes, au grincement de la poignée, au refus entêté du portail quand il pleut. A la porte entr’ouverte sur un courant d’air pour permettre à la flambée de prendre.

Le départ d’un être aimé impose un changement brutal. Avec les matins qui s’entassent sur les objets et les lieux, les transitions de celui qui reste, s’infiltre un changement plus insidieux, à peine perceptible. D’autant moins quand on vit à l’étranger. Les autres, ceux que l’on a quittés, avancent. Quand nous les retrouvons, notre absence est décuplée. La maison de Londres, celle d’Ardèche crépitantes de souvenirs abritent de moins en moins de vie. Chaque retour est un choc.

C’est une des raisons pour lesquelles nous avons pris la décision (avec le recul d’un séjour en France) de rentrer l’an prochain. Nous avons envie de nous ancrer quelque part, de nous enraciner, au sens littéral. Planter notre famille, entre quatre murs et sous un toit.

En déménageant en Allemagne nous nous sommes toujours dit que ce serait au moins pour 2-3 ans, tant que ça nous plairait. Nous ne sommes pas d’ici, ni l’un ni l’autre. Nous nous sentons en transition. Dans une famille où l’un des parents est de culture locale, l’enracinement pour l’autre se fait tout naturellement. Nous sommes habitués à notre environnement, mais nous nous restons tous les deux (tous les cinq) étrangers.

J’en ai discuté avec une amie la semaine dernière, de retour de la piscine. Elle aussi a vécu à l’étranger, au Japon, avec son mari. Au bout de quelques temps ils ont éprouvé un besoin de rentrer pour s’enraciner. Elle a employé le même mot.

Nous avons envie et besoin de construire un nid, pour nous et nos enfants avant qu’ils ne le quittent tous, vêtement par vêtement. De créer un jardin-refuge où gratter et creuser la terre et planter des fleurs entre nos racines.

(PS : Je n’allais tout de même pas vous mettre des photos de chaussettes !?)

Taille-crayons, jardins et nouveaux-venus

Une première semaine d’école entre fournitures scolaires, retrouvailles et rencontres.

Terre blanche chamottée émaillée

Des cahiers et des livres éparpillés sur le tapis du salon, celui qui sert d’habitude de praticable pour les acrobaties. Des rouleaux de Scotch (pardon, Tesa film), un arc en ciel de protège-cahiers. La nouvelle boite de peinture, avec son gobelet emballé… Les filles viennent de recevoir leurs listes de fournitures (pourquoi ne pas les envoyer plus tôt ?). Nous avons suivi les conseils de la voisine pour éviter les grandes surfaces lointaines et bondées et soutenir le commerce local. Nous sommes allées au tabac-papeterie du coin.

La voisine a dû partager son truc avec beaucoup de copains. Nous avons fait la queue, à l’extérieur sur le trottoir, à 1,5 mètre des autres clients (ou à peu près. En France c’est 1 mètre, en Allemagne, c’est 1.5 – 2 mètres). La vendeuse prend les demandes à la porte, une par une. Comme elle n’a que des protège-livres individuels, nous lui avons remis nos kilos de manuels pour qu’elle puisse choisir le format adéquat.

Depuis la première rentrée de mon aîné, je dois avoir acheté 2510 taille-crayons, 40.543 effaceurs et le double de cartouches d’encre. Une ribambelle de trousses…. Des françaises, des allemandes (trousses-plumiers où chaque stylo est glissé dans un élastique) – parce que bon, faut ranger ses crayons comme les copains. (Tu comprends maman, la mienne elle est cassée / perdue / mangée…) Et une galaxie de gommes de toutes les couleurs. Pourtant quand on en a besoin, on n’en trouve jamais. Hop dans un trou de l’espace-temps avec les chaussettes orphelines !

Notre benjamine a fait son entrée au collège. Fière et sérieuse sur le vélo encore un peu haut hérité de sa sœur. Son cartable (oui ici aussi les cartables sont beaucoup trop chargés) la déséquilibre presque. Elle semble avoir déjà des copines et des repères. La reprise se fait en douceur. Les journées complètes commenceront la semaine prochaine. Dans ce collège, la semaine de rentrée, se fait sans cantine (‘’pour des raisons d’organisation’’ : ah ?), ni cours l’après-midi.

C’est une étape pour notre famille, puisque c’est la dernière fois qu’un de nos enfants entre dans un nouvel établissement – en théorie, parce que si nous rentrons en France l’an prochain, cette même demoiselle aura droit à une deuxième entrée au collège, en 6ème cette fois.

La réunion de rentrée pour les parents a eu lieu hier. Dans la cantine et non dans la salle de classe des enfants, pour cause de distanciation sociale. Disciplinés, avons avons porté un masque pour entrer et nous sommes assis en quinconce. Personne ou presque ne se connaît encore.

Nous avons ouvert tout grand nos oreilles. La classe verte d’intégration pour les 5. Klasse est annulée pour cause de corona. Elle sera remplacée par des journées de randonnée. C’est déjà ça ! Le masque est obligatoire pour tous les déplacements, mais pas une fois assis au bureau (ni en cours de sport, où la distanciation n’est pas non plus exigée…). Une grande chance par rapport à nos amis de Cologne en Nordrhein-Westfalen : pour eux depuis la rentrée le masque est obligatoire à l’école TOUTE la journée.

L’ordre du jour prévoyait les élections des parents délégués. Puis des représentants auprès du conseil de parents. On a d’abord voté à main levée pour choisir de voter à main levée. C’est un truc très sérieux ces élections. Déjà en arrivant la première année, ça m’avait surpris. Deux candidates sortantes pour deux postes. Nous avions quand même suivi à la lettre les formalités officielles. A chaque annonce de résultat, les parents ‘’applaudissent’’ en tapant sur la table (des phalanges, comme pour frapper à une porte).

Lors d’un tour de table (disons d’un saute-mouton de table en table), chaque parent s’est présenté à tour de rôle (je n’ai pas jugé utile de donner mon âge, et ai renoncé à mentionner ma pointure de chaussures). Les enfants sont ensemble pour au moins quatre ans donc leurs parents aussi. Après cette séance de près de 3 heures dans une cantine trop chaude, je suis soulagée que la réunion de ma grande soit la semaine prochaine.

Surprise le premier soir : nos filles nous ont annoncé qu’une famille française est arrivée dans le quartier. Leurs enfants sont dans leurs classes.

Ils ont de la chance de vous avoir les nouveaux arrivants, vous allez pouvoir les aiguiller !

Oui oui, mais moi aussi j’ai de la chance ! ça fait trop du bien de pouvoir parler français !

Ah c’est sûr oui.

-Tu te rends compte ça fait juste qu’une semaine qu’ils sont arrivés en Allemagne !

Oui, oui, je me rends bien compte…

Chouette des nouveaux copains pour papoter et se comprendre facilement, des voisins avec des références communes.  Avec qui échanger nos trouvailles.

Alors tout d’abord, leur indiquer le marché de Gonsenheim, les mercredis et samedis matin, redéployé depuis mars le long du petit parc. Avec son fromager, son boulanger, ses trois primeurs, son poissonnier (le seul à des kilomètres à la ronde) et son boucher. Son fleuriste sympa qui vend les tomates de son jardin et des bouquets de fleurs du quartier. Ses reines-marguerites violettes, les tournesols et les sédums en bouton me tiennent compagnie.

Chez Frau Schmidt : les fleurs à couper

Après le marché, prendre le temps d’un café dans l’adorable boutique de créations du Sonntagskind, https://de-de.facebook.com/Sonntagskind.Cafe

Ensuite leur proposer de choisir quelques légumes frétillants, un sécateur et un seau d’eau pour se cueillir des fleurs chez Frau Schmidt et son mari. Ils doivent avoir 165 ans à eux deux et cultivent toujours une exploitation maraîchère fleurie.

Leur chuchoter d’aller au jardin d’Odile (http://www.landragin.de/) un paradis secret, dissimulé de la rue par la rangée de maisons. Un jardin en longueur, avec des coins et des recoins, des serres anciennes, des antiques bassins, des alcôves de verdure. Quelques sculptures éparpillées. Une amie m’y a emmenée au printemps. On se dirigeait presque au parfum des rosiers et des jasmins, des pittosporums… extraordinaire ! A chaque passage entre les arbres et les grappes de roses, le fond du jardin se dérobait, ouvert sur un coin repos avec un banc, un potager, une pelouse couronnée de marguerites sauvages. Odile est une française installée ici depuis toutes les années qu’il a fallu pour créer cet univers, planter, tailler, couper. Elle vend des plantes et loue son jardin pour une fête ou un concert à la belle étoile. Bien guetter l’inscription manuscrite sur son portail pour repérer l’entrée. Vaut les tours et les détours.

Leur conseiller les promenades le long du Gonsbach, ce tout petit ruisseau chantant. Le chemin entre les saules et les aulnes est bien marqué. Il longe de charmants jardins ‘’ouvriers’’, des Schrebergärten (jardins de Schreber), comme on dit ici, du nom du médecin qui les a mis en place au 19ème siècle. Résister à l’envie de fourrer des poignées de terre noire fertile dans ses poches. Fermer un peu les yeux pour humer les rangées de fenouil et de coriandre du maraîcher. Laisser trainer son nez du côté des roses hissées sur les barrières de bois.

Arpenter les steppes du Mainzer Sand, (le grand sable de Mainz) qui fleurissent après la pluie. Chercher le troupeau d’ânes qui y broute en ce moment. Tâcher d’oublier le ronronnement entêté de l’autoroute qui coupe la forêt en plein milieu.

Ah et chez le boulanger, pour le petit déjeuner du week end, acheter des Brötchen bien sûr, ces petits pains ronds variés et des Quarktasche, des viennoiseries au fromage blanc.

Voilà pour les découvertes urgentes. Pour le reste, la ville, l’administratif, on aura le temps d’en reparler.

Hein, qu’est-ce que tu dis mon chéri ? L’échéance de la déclaration d’impôts approche ? Mais on ne vient pas juste d’en faire une de déclaration d’impôts ?

Oui mais c’était la française.

Je vous laisse, va falloir s’y coller.

Ça on ne leur dira pas hein, le casse-tête d’être à cheval sur deux systèmes administratifs.

En chemin avec Hildegarde de Bingen

Un peu de tourisme et d’histoire (s) en chaussures de rando, à l’entrée des gorges du Rhin classées au patrimoine mondial de l’Unesco.

Guten Tag !

Une sœur en habit nous accueille dans la librairie – boutique. Elle nous sourit probablement derrière son masque. Nous attrapons une corbeille, puisqu’une affiche nous y invite. Comme dans la plupart des commerces aujourd’hui, leur quantité limitée sert au décompte du nombre maximum de visiteurs masqués. Nous feuilletons quelques livres, beaucoup sur la religion et la spiritualité, mais aussi des récits de pèlerinages et des guides sur l’utilisation des plantes et fleurs sauvages. Nous déchiffrons les étiquettes des bouteilles de vin et des sachets d’herbes pour tisanes. Tout est produit sur les pentes alentours. Je choisis un livre : Frauen, die lesen, sind gefährlich und klug (Les femmes qui lisent sont dangereuses et intelligentes) de Stefan Bollmann (hé, hé) ….et me dirige vers la caisse.

Donnez-moi la corbeille.

Je m’exécute.

Ça fera 10 euros. N’oubliez pas la corbeille et votre livre. Et reposez la corbeille à l’entrée. Danke, tchüss !

Ah la corbeille ! (Der Korb.)

Hier nous sommes allés – hélas – dans une zone commerciale où c’était le ballet du caddie. Un enfant a-t-il besoin de son propre caddie ? Non pas chez Décathlon ni chez DM. Mais chez Tchibo oui. Sous peine de se faire engueuler (oui, encore). Tous tripoter les mêmes objets, y’a rien de plus sûr pour se contaminer les uns les autres.

Mais aujourd’hui nulle ambiguïté du décompte, nos filles ont renoncé à la boutique. Elles se sont évadées après la visite rapide du bâtiment imposée par leurs parents et se prélassent sur un banc avec vue.

Nous sommes à l’abbaye Sainte-Hildegarde sur la rive droite du Rhin à une quarantaine de kilomètres de Mainz (peut-on toujours utiliser le mot pour autre chose que le corona ? je ne sais plus). Le bâtiment au milieu des vignobles, sur les contreforts du fleuve, a été retapé au début du XXème siècle. Mais l’abbaye a été fondée par Hildegarde de Bingen, au XIIème siècle.

Avant d’être canonisée par l’Eglise catholique, Sainte Hildegarde était une religieuse bénédictine médiévale. Erudite touche à tout, elle a composé de la musique, écrit des ouvrages de médecine populaire basée sur ses études de plantes et de minéraux. En Allemagne, elle est considérée comme la première naturaliste.

Un chemin de pèlerinage (140 km) parcourt les collines entre son lieu de naissance présumé et son abbaye. Dans le coin, le tracé se superpose avec celui de Saint-Jacques de Compostelle (30 chemins sont répertoriés en Allemagne). Si l’on en croit le panneau, le Finisterre s’atteindra après 2475 km.

L’abbaye est située au cœur d’une région viticole réputée (la Rheingau) et sur le Rhin romantique, à la porte d’entrée de la Vallée du Haut-Rhin Moyen (quel nom compliqué ! c’est mieux en allemand : Obere Mittelrheintal ), site classé au patrimoine mondial de l’Unesco.

C’est un coin qui nous plait beaucoup, plein de légendes et d’histoire (s).

Déjà dimanche dernier nous étions venus par ici. Nous avions souhaité pousser les frontières de notre exploration au-delà de notre quartier. Même si dans notre Land le confinement n’avait pas été aussi sévère qu’en France, depuis deux mois nous nous étions contraints à une retraite prudente. Nos seules balades étaient autour de chez nous, avec départ à pied directement. Nous ne nous étions autorisé que deux excursions le long du Rhin, tout près de Mainz, histoire de longer de l’eau vivante.

Les photos de randos envoyées par des copines m’avaient fait envie : j’avais cherché une balade dans le Binger Wald – la forêt de Bingen. La promenade repérée dans notre guide était trop longue. Nous comptions sur les indications in situ pour trouver un but accessible dans le temps imparti par la patience de nos filles et la résistance de nos jambes. Au pied de l’auberge de jeunesse nous avions trouvé ce qu’il nous fallait : sentier et panneaux vers un château en ruine.

L’intérêt touristique principal de Bingen est son emplacement géographique sur la rive gauche, à l’extérieur d’une courbe, à l’entrée du Rhin romantique. Là au niveau du confluent avec la rivière Nahe, commencent les gorges aux coteaux couverts de vignobles et habitées par des châteaux en pierre rouge. Les bateaux de croisière s’y pressent (enfin, s’y pressaient) entre les péniches de fret (c’est fou le trafic commercial sur ce fleuve).

Un rocher célèbre défend la rive opposée bien plus en aval : celui de la Loreley. J’entends encore la voix de M. V. mon professeur d’allemand de 6ème nous raconter la légende. La belle demoiselle coiffait sa chevelure (sans doute longue et blonde et ondulée) en haut de son promontoire (noir et vertical, lui je l’ai vu). Les marins non avertis périssaient dans un naufrage aux pieds de la sirène germaine. Effectivement, au niveau de cette falaise, le Rhin se fait plus étroit et tourne. Les courants doivent y être effroyables.

A part Hildegarde et ses plantes médicinales, Bingen est célèbre pour la Mäuseturm, la tour des souris, une tour de guet construite au XIVème siècle sur une île au milieu du fleuve, juste après des rapides. Elle servait au prélèvement des taxes pour circuler sur l’eau (déjà beaucoup de bateaux sur cette autoroute liquide). Aujourd’hui elle est blanche et retapée.  

Selon la légende, l’évêque de Mayence, impitoyable, avait refusé de partager ses greniers bien remplis avec les pauvres pendant une période de famine. Des souris ont surgi de toutes parts et ont poursuivi l’évêque qui s’échappait en bateau sur le Rhin. Elles l’ont dévoré alors qu’il se croyait en sécurité dans la tour.

Ce dimanche-là, nous avons aperçu la tour sur son île. Mais pas trouvé le château en ruine : nous avions bifurqué trop tôt au niveau d’une auberge sympathique et envahie d’estomacs affamés (les sentiers de randonnée sont fort courus ces temps-ci.) Détournés par la foule, nous avons persévéré dans notre égarement pour pique-niquer dans le calme.

Nous reviendrons c’est sûr. Il faudra qu’on le trouve ce château. Et puis, c’est vraiment une région attachante avec son cocktail fleuve-forêt-rivière-vignobles et bâtiments historiques hantés. D’ailleurs les contes des frères Grimm ne nous emmènent-ils pas souvent sur un sentier dans la forêt ?

Mais je crois que la prochaine fois, il nous faudra repérer un glacier ouvert le dimanche, pour motiver les troupes. Au café de l’abbaye d’Hildegarde, il n’y avait que des sandwiches et des soupes.

Bleu Chagall

Ce matin, l’hiver a pris ses quartiers de printemps. Alors je profite d’être descendue en ville pour m’offrir une promenade sur la colline. Ça monte le long de la Gaustrasse. Le centre-ville de Mainz niché au bord du Rhin est plutôt plat. Mais il est entouré de quartiers légèrement vallonnés et là je me rends à son (modeste) point culminant, la colline sur laquelle a été construite voilà 1000 ans, l’église Sankt-Stephan (Saint-Etienne).

Le tram sinue au milieu de la rue. Nous sommes un matin de semaine. Le quartier s’éveille doucement. Peu de voitures. Encore moins de piétons. Il y a encore quelques années, ce coin n’était parait-il guère avenant et peu couru. Aujourd’hui la rue est bordée de commerces attrayants. A droite, la vitrine d’une petite librairie donne envie de pousser la porte. Je m‘arrête quelques instants pour regarder les titres. Une boutique pour enfants d’articles (utiles et colorés) faits main, des restaus de différents coins du monde (Japon, Ethiopie…), des coiffeurs (voir article : Au cheveu près), des cafés branchés, un magasin de déco trendy qui propose quelques plantes sur le trottoir. J’hésite à entrer. Non, un autre jour. Mon souffle s’accélère légèrement. Je m’enfonce à gauche dans une petite rue. Elle débouche au pied d’un mur en pierres sombres, en contrebas d’une place triangulaire plantée de vieux tilleuls.

La rue monte et longe le mur qui s’abaisse dans un jeu de ciseaux. Quelques larges marches (un pas d’âne ?) emmènent sur la placette. L’entrée de l’église est juste là. Elle s’ouvre dans un mur latéral, entre les troncs tout en branches noires. De la route elle semble presque timide, par rapport à la taille du bâtiment. En s’approchant, elle se fait métallique, cuivrée et prend de l’assurance. Elle devient imposante et force à lever la tête. A sa droite, les horaires des visites autorisées canalisent les curieux. Ils se pressent souvent dans le coin : cette église, pourtant quelque peu excentrée est un point clef du parcours touristique de Mainz. Elle abrite en effet des vitraux de Marc Chagall.

A la demande du curé de la cathédrale de Mainz, l’artiste, âgé alors de plus de 90 ans a réalisé lui-même huit vitraux à la fin des années 1970. Un symbole de l’amitié franco-allemande, de l’attachement judéo-chrétien et de l’entente entre les peuples.

Je pousse le battant droit de la porte. Il résiste, je dois me pencher un peu pour utiliser mon poids. La poignée en métal, en forme de poisson, luit d’avoir accueilli tant de mains. Je franchis le seuil. La porte se referme lourdement.

D’un coup je me retrouve au fond de l’océan. Les longs vitraux bleus inondent d’une lumière sous-marine la pénombre de l’église. Le soleil outremer joue sur les piliers sombres et les murs blancs, dans un kaléidoscope de reflets mouvants. L’oeil est attiré par les couleurs intenses des vitraux dans le chœur. Elles chantent l’espoir, la joie de vivre, la gaieté. Des personnages en mouvement flottent dans un ciel lapis lazuli, et content des histoires de la Bible : le paradis, la Création… Le regard espiègle de Marc Chagall séduit, sa poésie pétille.

Les vitraux latéraux abstraits, sobres, évoquent des forêts d’algues sous-marines. Créés par un maître verrier ami de Chagall, Charles Marq, ils complètent et mettent en valeur les œuvres du chœur. Leur camaïeu de bleus vaporeux guide mes pas vers les vitraux centraux. Le nez en l’air, la bouche et les yeux grands ouverts, je marche au fond de la mer et regarde onduler les laminaires laiteuses. Le grand bleu sans se mouiller.

Je m’assieds un instant et hume le calme solennel. Il irradie, visible, palpable. Une lame de plancher craque sous un pas. Le son résonne fort, longtemps et emplit tout le volume de l’église. Il amplifie l’impression d’habiter un instant un monde autre.

Je m’approche d’une table où sont proposées des cartes postales, des dépliants. Tout y bleu, bleu Chagall. Voilà plusieurs fois que j’entre ici, sans avoir jamais pris le temps de me documenter. J’achète un petit guide (en français) pour répondre à mes questions. Le monsieur qui me le glisse dans une pochette en papier me demande si j’ai vu le cloitre. Euh non, pas aujourd’hui. Et je ne me souviens pas de son accès.  Là en face : poussez les portes, et la lumière sera.

Je m’exécute. Je passe une porte de verre, puis celle en bois, très lourde elle aussi. Et je suis éblouie. Le soleil de janvier est tout entier concentré dans ce jardin de poche, au milieu d’un cloitre. Un puits antique, de l’herbe, quelques rosiers nus. Je lis dans mon guide qu’il s’agit du ‘’plus beau cloitre de la Rhénanie-Palatinat, joyau par excellence du gothique tardif à Mayence’’ (j’ai bien fait de l’acheter en français). Je longe lentement le carré de l’allée couverte, toute en voûtes et croisées d’ogives ocres et blanches. Les plafonds sont émaillés d’armoiries et de symboles dorés et colorés. Là encore la lumière tient le rôle principal au milieu de ce décor de pierres. Les ombres des piliers, des porches sculptés jouent à cache-cache, répondent aux ouvertures où la lumière méridionale entre à flots.

J’ai l’impression d’avoir découvert un refuge, petit concentré replié de paix et de beauté. Comme le jardin du musée des Beaux-Arts à Lyon où j’allais parfois manger un sandwich sur un banc en regardant les oiseaux picorer.

Je quitte le cloitre à regret. A peine la double porte passée, le contraste me saisit à nouveau entre la lumière solaire extérieure et la pénombre liquide mystérieuse, les rayons outremer de l’intérieur du vaisseau de pierre.

Je m’assoie un petit moment sur un banc pour boire la beauté de la lumière de Monsieur Chagall. Je repense à ce film documentaire sur sa vie vu dans le musée de Nice. La Côte qui n’avait d’azur que le nom dégoulinait de toutes parts. C’était la mousson de printemps. Nous avions échoué en ville pour une parenthèse-plaisir d’art. Assis dans un amphithéâtre, nous avions découvert Marc Chagall en noir et blanc comme nous ne l’avions encore jamais vu : vivant. Avec son regard espiègle, son rire, son intelligence malicieuse.

C’est le moment de retrouver mon quotidien. A droite de la porte en sortant, un coquillage : les pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle peuvent ici recevoir un tampon dans leur carnet. Je fais encore quelques pas sur la petite place Sankt Stephan, et jette un coup d’œil plongeant sur les premiers toits de la vieille vielle (Altstadt).

Monsieur Chagall a capturé la lumière du ciel. Prévoir de se ménager un sas avant de redescendre sur terre.

Bon sens (de l’humour)

Yes ! Nous avons pu nous rendre en Angleterre pour Noël ! En passant par la Belgique. Finalement c’est plus simple que de passer par Paris. Le samedi soir en gare de Francfort, nous avons effectué notre 2ème changement de train après une journée dans les transports depuis Londres.

Pour trouver notre voiture et nos sièges réservés, il faut en Allemagne se référer à un grand graphique affiché sur le quai (permanent pour plusieurs mois). Tous les trains à réservation sont dessinés avec les repères en face des numéros de voiture. Fort bien. Donc je me plante devant ce tableau et je cherche l’ICE de 17h58 direction Dortmund. Je trouve un ICE à la bonne heure mais il va à Hambourg. Celui pour Dortmund part une demi-heure plus tard. Bon soit. Notre numéro de train correspond au premier donc c’est sur celui-là que je cherche notre voiture sur le graphique. Pour constater que le train (inscrit en début de ligne du tableau comme à destination de Hambourg) est en deux sections : la première à destination de Koblenz et la deuxième à destination de Dortmund. Bon, bon. Vous suivez toujours ? Moi de moins en moins. (Au risque de gâcher le suspense, sachez que cette histoire se termine bien). Assumons toujours qu’en vertu de l’horaire et du numéro de train qui seuls concordent avec notre billet, ce soit bien notre train. Je cherche donc le repère de notre voiture : A.

Nous commençons à nous y rendre, avec tout notre barda. Sauf que… sur les écrans dynamiques, notre train s’affiche : notre voiture sera à la lettre D. Changement de cap, les filles, on reprend nos dix sacs et valises (prêtes à éclater et à envoyer des cadeaux de noël partout), et on repart dans l’autre sens. Finalement on a trouvé nos places. Au repère C.

Ça vous dit quelque chose ?

Je sais, ça arrive partout. Néanmoins les Allemands se rajoutent un défi : ils indiquent le quai de départ du train sur le billet dès son émission… Forcément sur la durée ça ne tient pas la route, pardon, les rails. Et lors des changements de quai de dernière minute, il faut bien tendre l’oreille pour comprendre l’annonce grésillante en allemand. Ou suivre aveuglément ses voisins de quai. Et faire des sourires en français au contrôleur.

Mais comme, hélas, les trains allemands n’ont pas le monopole des incohérences je me dois de partager une mésaventure non encore résolue avec un site web français que je pense tout neuf. Par décence je ne le citerai pas. Quoique ? Ca me démange. Son accroche commerciale promet pourtant de ”nous simplifier la vie’’.

C’est une des surprises que l’on découvre lorsqu’on vit à l’étranger. Parfois l’administration française se rappelle à votre bon souvenir et vous intime l’ordre de lui prouver que vous êtes vivante. Oui vous avez bien lu. Sous peine de vous couper certains droits qui vous restent sur son territoire. La première fois ça fait vraiment bizarre. Ça me rappelle un très bon livre italien que j’ai lu l’an dernier D’où viennent les vagues de Fabio Genovesi. Deux protagonistes cachent la mère de l’un d’entre eux (décédée, précisons-le) dans le congélateur familial pour continuer à toucher sa retraite. Comme quoi y’a pas toujours besoin de passer une frontière pour dissimuler une disparition à l’Administration. (Faudrait surtout pas le lui dire, sinon c’est 60 millions de Français qui devront fournir des certificats de vie. Tous les ans.)

Bref, j’ai défriché le sujet en arrivant fin 2018 lorsque j’ai reçu un courrier officiel intitulé ‘’certificat de vie’’. Armée du document mystérieux (et franchement un peu effrayant), j’ai pris mon courage à deux mains et suis allée faire la queue à la mairie de Mainz. « Bonjour, pourriez-vous me signer ce papier svp ? Vous comprenez je suis française – encore cet argument passe-partout pour excuser mes requêtes bizarres – et je dois prouver que je suis vivante…» Pourvu qu’elle ne me prenne pas pour une cinglée. Non c’est bon, elle connaît. «Ah oui c’est la saison, les Italiens c’est plutôt en janvier ». L’employée a comparé ma tête, ma carte d’identité et mon adresse dans son ordinateur. Elle a eu l’air satisfaite et a tamponné le formulaire. L’administration française est temporairement repue.

Mais la digestion n’a pas duré très longtemps. J’ai reçu en juillet dernier un courrier avec deux copies identiques du fameux certificat de vie (deux ?) à faire remplir avant le 31/12/2019. Ah faut le faire chaque année ? Bon très bien. Je le ferai à l’automne un jour de pluie me suis-je dis, la perspective de mijoter à la mairie ne m’enchantant guère.

Grand bien m’en a pris, car l’Administration dans sa grande sagesse a changé d’avis… Quelques semaines après le premier, j’ai reçu un deuxième courrier. Il faisait référence à l’envoi précédent, me demandant de l’ignorer, car le système avait changé. Désormais les demandes sont centralisées ailleurs. Je recevrai un document à remplir émanant de cette nouvelle instance. Soit. Attendons.

En novembre, je reçois un Email automatique (auquel bien entendu on ne peut pas répondre) me demandant de renvoyer le document demandé dans mon profil. « Merci de se connecter avec votre numéro fiscal qui ressemble à 157202835143448735226383940494746452628293XZKGYTX4578990 et pour lequel vous avez sans doute quelque part un mot de passe. »

Première étape réussie : je constate que j’existe bien dans le nouveau système. Mais qu’à la rubrique concernant ‘’les enquêtes en cours’’, il précise :’’aucune’’. Comme le mail me menace de me faire disparaître pour tout de bon de ce système français si l’Administration teutonne ne voit pas bientôt ma bobine, je cherche sur ledit site un éventuel formulaire vierge que je pourrais faire remplir et renvoyer. En vain. Ce nouveau site web tout neuf n’a prévu aucune adresse mail ou numéro de téléphone. Pas fou. Il renvoie tout contact sur les différentes administrations, qui, elles, renvoient sur le site, puisqu’elles ne le gèrent pas. (Je sais j’ai essayé). Ça tourne en boucle absurde, le vampire se mord la queue de bêtise. Si je me rongeais les ongles, je n’aurais plus de doigts. Et je gaspille un temps fou.

Je reçois une relance menaçante : puisque je n’ai pas renvoyé le document demandé (lequel ? et comment ?), ils vont me l’envoyer par courrier. Faute de le voir arriver (je l’attends toujours), je reprends le papier vierge de l’an dernier et un ticket de tram, et vais faire des sourires à la mairie de Mainz. Je renvoie (à l’adresse postale prévue sur le site) le certificat signé, tamponné (franchement, je ne peux pas mieux faire) avec un courrier (poli) illustré des copies d’écran pour leur montrer ma bonne volonté (franchement, quand on est mort, on s’amuse pas à faire des copies d’écran, hein ?)  Je respire. J’ai réussi à dompter le monstre avant l’échéance fatidique.

En tous cas c’est ce que je croyais. Jusqu’à ce que je reçoive un nouveau mail de relance le 2 janvier. Franchement ? Avec une autre date à respecter (fin février). Le Minotaure trépigne. Il a faim.

Je ne peux pas me connecter en Angleterre. Il me faut le numéro impossible… De retour à Mainz, je vais sur le site. Miracle ! Mon profil a évolué. Je trouve LE document. Sensiblement le même que celui que j’ai déjà renvoyé rempli. Mais je ne suis plus à un voyage à la mairie près. S’ils préfèrent les couleurs de celui-là… Et si ça peut court-circuiter la roue de hamster fou. Je retourne faire des sourires (avec les Italiens de janvier), je repars avec un document tamponné. Yes ! Et hier je me connecte sur le site pour le renvoyer selon-la-procédure.

Je vous le donne dans le mille : ‘’Le site est temporairement indisponible’’.

Une indigestion de non-sens peut-être ?

Photo : Givre le long du ruisseau (plutôt que copies d’écran administratifs…)

Brume et magie verte

Je frissonne dans la voiture, et recouvre mes jambes de mon écharpe de laine grise. Mon esprit affamé s’embrume. J’ai encore dans l’oreille le final du requiem de Mozart que nous venons d’entendre. Dans les yeux, le chœur tout de noir vêtu et, sur la droite, le visage de mon amie simultanée qui chantait avec le répertoire alto. Chapelle de poche, murs protestants blancs, incurvés vers un sommet arrondi, cocon de musique. En contrebas, un vieux bras du Rhin délaissé par les trains de péniches s’endort, apaisé derrière une île, caressé dans l’ombre par les doigts des saules. La brume s’élève, s’étire, s’effiloche, se dévoile parfois dans les phares des autos ou le cône lumineux des réverbères. « Tiens, tu as vu, on dirait qu’il y a du brouillard ! »

Ce matin j’ai tiré le rideau de la chambre sur des coulisses en aquarelle. Pendant la nuit l’horizon s’est rapproché, il a jeté l’ancre dans mon jardin. « Regarde, on n’y voit rien ! ». La buée du Rhin a enflé et enveloppe mon monde de blanc nacré. L’estompe humide, le dégradé au doigt mouillé du paysage vaporeux dans le cadre de la fenêtre crée une lacune, une fissure que mon imagination s’empresse de combler. Blanche-neige dans les griffes d’encre des arbres. Les trilles du merle gagnent en grâce et magie ce que son perchoir perd en précision. Les pas du promeneur résonnent. L’air sent l’Angleterre. Je le bois la bouche ouverte.

N’est-ce pas ça le charme : l’imprécision, l’hésitation ? L’envoûtement ne naît-il pas des erreurs, des imperfections ? Que reste-t-il de l’humanité quand on prévient toute erreur ? Le flou ouvre les bras à la possibilité d’un malentendu heureux.

Je passe sans les regarder devant les parterres à l’allemande. Ils n’ont de jardin que le nom que leurs propriétaires leur donnent. Ces champs de pierres concassées m’ennuient. Les déserts minéraux ne me captivent qu’au Moyen-Orient, et seulement là où ils n’ont pas de barrières. Parfois, un végétal au garde-à-vous est toléré dans ces plates-bandes. Et même parfois plusieurs. Mais espacés à intervalles réguliers. Sans cohérence, ni lien, à part la coïncidence de fleurir en même temps ou de partager quelques mètres carrés et un même propriétaire. Là une primevère rouge. A 40 centimètres, une touffe de pensées violettes. Aucune surprise, pas de mauvaise herbe. Pas de bonne non plus. Les offrandes apportées par le vent et les oiseaux se cassent la graine sur ce ballast de suie.

Donnez-moi un jardin anglais, la fraîcheur des ombelles blanches et les doigts veloutés des digitales pourpres dans le camaïeu impressionniste des mixed borders. Un sous-bois de bluebells timides et pourtant insolentes de bleu dans la bruine glauque des herbes et les nuages des carottes sauvages. Les champs presque sauvages des grands-parents agriculteurs de notre quartier, qui mélangent légumes et fleurs, cultivées et spontanées, et où je vais me cueillir du bonheur tout l’été (il suffit de tendre le bouquet sous le nez de la dame, elle le regarde longuement, puis annonce le prix : 3,50 €). Donnez-moi un figuier qui pousse dans une jardinière au 6ème étage d’un immeuble trop citadin, juste le jour du « Oh tu sais, j’aimerais beaucoup planter un figuier sur notre terrasse ! ». L’audace essentielle de la saponaire sauvage qui lance ces vrilles minuscules entre les dalles, en bas, devant notre entrée. Prière de ne pas l’écraser, ses petites étoiles roses nous surprendront au printemps.

Préservons les interstices pour accueillir la magie verte, le charme dans le mélange, le spontané, les étourderies, les intervalles. Laissons passer la vie.

Die Gemütlichkeit, la dolce vita à l’allemande.

Le magazine DeutschPerfekt est formel : le plus joli mot de la langue allemande est Gemütlichkeit. Ce sont les étudiants germanistes de 46 pays qui l’ont élu. Comme les Danois leur Hygge, les Anglais leur cosiness, les Allemands ont inventé la Gemütlichkeit.

Une impression de chaleur, de confort, de sécurité mâtinée peut-être d’amitié, de calme et d’intimité. Une symbiose momentanée et sensuelle avec un environnement doux. Imaginez un soir d’été, un grand verre d’Apfelschorle givré (mélange de jus de pomme et d’eau gazeuse, très prisé), sous les pommiers, dans un Biergarten, les pieds dans l’herbe, avec une amie qu’on revoit pour la première fois depuis trop longtemps.

L’entrée de l’hiver est une période propice à cette ambiance toute particulière, douce et chaleureuse, un concentré de Gemütlichkeit. La lumière ne vient plus seulement du ciel mais des arbres, des feuilles mordorées envolées dans l’herbe mouillée, dans l’odeur d’humus et de champignon. Les pompons des marguerites d’automne chatouillent les âmes mélancoliques. Un bon bouquin, les jambes sur l’accoudoir d’un fauteuil moelleux, des chaussettes à bouclettes, une tasse de thé fumant, au coin d’une cheminée qui crépite. Le chat qui ronronne. L’éclair jaunâtre et rouge du pic vert qui s’envole dans les pins. Peut-être quelques flocons de neige précoce. Ah, si ça pouvait durer toujours !

Une cousine revenue d’expatriation à Dresde m’avait prévenue avant mon déménagement à Mainz : ‘’Tu verras la vie est douce en Allemagne’’. Je me demandais ce qui pouvait bien faire que la vie y soit plus douce qu’en France. Pourtant, plus d’un an après notre installation ici, force est de constater que oui, la vie y est douce, et cela ne vient pas seulement du fait que nous vivons dans une ville plus petite.

À quoi cela tient-il ? Grâce à quels détails du quotidien, ses aspérités qui nous agacent sont-elles gommées ? Pourrait-on y grapiller des idées pour s’approcher de temps à autre de notre Gemütlichkeit personnelle ?

Le sentiment partagé de sécurité crée une bulle paisible. Les voitures s’arrêtent bien avant les passages piétons, on peut laisser le soir les jouets des enfants ou sa trottinette devant la maison, on les retrouvera demain. Les Allemands sont collectivement des gens respectueux des règles, des autres (en tous cas de ceux qui, comme eux, sont dans les clous…), de la parole donnée. Une atmosphère stable, fiable apaise et donne l’illusion de maîtriser son environnement. La propreté des lieux publics (c’est donc possible !) ôte de son côté quelques irritants.

Le choix du confort, privilégié certes aux dépens du charme parfois, ôte là aussi des causes d’agacement. Peu de pulls qui grattent. Les bonnets des enfants sont en jersey. Vêtements moelleux, intérieurs douillets s’opposent aux rigueurs du climat hivernal.

Le rythme familial régulier contribue à cette douceur de vivre. Pas de course aux heures sup’ (en tous cas dans de nombreux milieux professionnels). Ici la compèt pour rester le plus tard possible au bureau c’est (le mauvais) signe qu’on ne sait pas s’organiser. A éviter donc. Feierabend c’est sacré ! (autre mot intraduisible qui signifie la fin du travail de la journée et la soirée à soi). Le temps partiel (avec des rythmes très variés) est très répandu (certes surtout chez les femmes, et on ne peut qu’espérer qu’il soit choisi). L’école finit au plus tard à 16h, pour les Ganztagsschule (les écoles qui proposent des cours toute la journée). Pour beaucoup d’enfants, les cours se terminent vers 13 ou 14h. Ceux qui vont à l’école l’après-midi disposent de temps pour y faire leurs devoirs, encadrés par un enseignant. Ils peuvent y suivre des activités ‘’extra-scolaires’’ de qualité et variées (ma grande fille joue dans un orchestre, et fait de la danse acrobatique, avec un magnifique spectacle à la clef). J’ai entendu dans la bouche de certains parents d’élèves et de d’une responsable du collège : « Quand même ça fait des grosses journées, de finir à 16h !» (les cours l’après-midi sont une réforme assez récente). Et là je réponds « Ben en fait pour nous c’est super cool ! En France, elles finissaient à 16h30, à l’autre bout de la ville car elles étaient dans une école internationale. Donc à leur arrivée à 18h après une heure de bus scolaire bruyant, elles avaient à peine le choix de l’ordre pour faire les devoirs, leur musique, prendre la douche, manger.
Pas une minute pour traîner !».

Le repas du soir est pris à 18h, rapidement puisque beaucoup de familles mangent ‘’froid’’ le soir. C’est presque un deuxième petit déjeuner : pain, salami, fromage en tranche, ou à tartiner. D’ailleurs ils utilisent volontiers une petite planche en guise d’assiette. Les parents gagnent en temps de préparation et en vaisselle ce que la gastronomie y perd. Ne pas se perdre dans une offre trop variée permet là encore de s’en tenir aux réflexes et de gagner du temps, et donc sur la journée, de limiter les causes de tensions. Si mes protéines c’est cochon ou cochon, forcément, côté courses et recettes ça va être vite plié ! Et comme les Allemands grignotent toute la journée (des batônnets de concombre et de poivron, des pommes en tranches, du pain noir et autres encas de qualité), ils compensent nutritivement le peu de temps passé à table.

À l’occasion, les Allemands apprécient de bien manger (c’est aussi en partie pour cela qu’ils viennent nombreux passer des vacances en France). D’ailleurs leur tradition du Kaffee-Kuchen est un concept central de la Gemütlichkeit. Littéralement : café-gâteau (thé toléré). C’est un goûter dans l’après-midi avec des gens qu’on aime bien, dans une lumière tamisée, à la maison ou dans un café. Les pâtisseries y sont souvent très bonnes. Que diriez-vous d’un Apfelstrudel, ou une tranche de Käsekuchen (genre de cheesecake peu sucré, nature ou avec des fruits) ? Autre activité socialo-alimentaire apaisante pour démarrer une journée libre : les invitations au Frühstück (petit déjeuner, type brunch) – chez soi ou là encore, dans un des nombreux cafés cosy qui proposent la formule (pas chère et copieuse, comme la plupart des restaurants allemands).

Tout ce temps gagné et ce stress économisé au quotidien ouvrent des possibilités pour d’autres activités. La musique, aux si nombreux bienfaits dans nos vies trépidantes, est très répandue. Les tarifs des cours d’instrument sont moins élevés qu’en France et ils sont souvent proposés par les collèges, pour beaucoup équipés d’un orchestre. Du coup, les parents anciens enfants, jouent aussi d’un instrument ou chantent dans une chorale.

Le sport aussi fait partie du quotidien. Les Allemands adorent (adorent !) leur voiture, mais ils circulent beaucoup (tous à un moment de la semaine) à vélo. Les enfants passent en 4ème classe (équivalent du CM1) un permis fort bien fait et fort complet (avec tests de théorie et de pratique) pour circuler à vélo sur la route.

La douceur de vivre allemande c’est aussi et peut-être la passion de la forêt mystérieuse, celle des contes de Grimm, et surtout la proximité de la nature très présente en ville. Elle grimpe à l’assaut de maisons confortables et lumineuses qu’elle enveloppe dans le cycle des saisons. Les potées fleuries se déguisent au goût du jour : primevères et pensées au printemps, suzannes-aux-yeux-noirs et clochettes de pétunias en été, bruyères, citrouilles et coloquintes à l’automne, hellébores et lierres en hiver.

Cette tradition de la décoration chaleureuse trouve son apogée pendant la période de l’Avent et des marchés de Noël : guirlandes lumineuses dedans-dehors, bougies, étoiles (l’étoile lumineuse en pliage comme le petit soldat casse-noisettes sont des spécialités de l’Est de l’Allemagne). Sapins décorés bien sûr, puisque c’est là leur patrie d’origine. Lebkuchen (pains d’épices) parfumés, Plätzchen (petits biscuits fondants) et Glühwein (vin chaud). Et surtout la couronne de l’Avent, une couronne de verdure avec ses quatre grosses bougies, que l’on installe partout, du bureau de la maîtresse à l’école, au comptoir de la banque…. On l’allume petit à petit (ou ‘peu à peu’ comme on dit ici en français), une bougie pour chaque dimanche de l’Avent. Compte à rebours lumineux, comme pour faire durer la Gemütlichkeit toute particulière de cette période.

PS : Et pour ceux qui se demandent, les mots préférés sur les autres places du podium sont der Schmetterling (le papillon) et das Eichhörnchen (l’écureuil).

PPS : Le sac sur la photo joue sur les mots Gemüse (légumes) et Gemütlichkeit. ”Essaie donc avec la Gemütlichkeit / les légumes !”

Probier’s mal mit Gemütlichkeit est la version allemande de la chanson de Baloo dans le film de Disney
Le livre de la Jungle : “Il en faut peu pour être heureux !